jeudi 25 février 2016

Au regard du droit, le régime sioniste est un régime d'apartheid et son boycott est légitime

J'ai eu vraiment plaisir à traduire cet article de Ben White, un militant pro-palestinien très connu en Grande Bretagne.
La traduction est perfectible, j'en suis bien conscient, mais je suis heureux de proposer ce texte à tous ceux qui s'intéressent à la cause palestinienne et à la question de la liberté des peuples en général.
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Ben White
Ben White a écrit ce texte dans un contexte marqué en Grande Bretagne comme en France mais aussi au Canada par une offensive de ceux qui sont opposés aux campagnes BDS, c'est-à-dire Boycott Désinvestissement et Sanctions à appliquer à l'entité sioniste.
Une offensive concertée et sans douté décidée à Tel Aviv avant d'être relayé jusque dans nos mairies.
Invitation à boycotter l'entreprise Total à l'époque du
 régime d'apartheid en Afrique du Sud

Qualifier d'apartheid l'occupation israélienne de la Palestine n'est ni de la simplification, ni de la provocation – c'est un constat de fait.

Non seulement ce constat a le soutien des Sud-Africains qui ont lutté contre l'apartheid mais la situation correspond à la définition [de l'apartheid] selon le droit international.
Par Ben White, The Independent (UK) 24 février 2016 traduit de l'anglais par Djazairi
Cette semaine, j'ai participé à des événements organisés dans le cadre de la Semaine de l'Apartheid Israélien qui chaque année "vise à éveiller les consciences sur le projet colonial israélien en cours et les politiques d'apartheid appliquées à la population palestinienne."
Aux yeux de certains, parler d'un "apartheid" israélien peut leur sembler être juste un autre effet de manche utilisé par des militants. D'autres considèrent cela comme inutile, simplificateur, provocateur ou même antisémite.
Mais que disons-nous vraiment quand nous parlons d'un apartheid israélien ?
Tout d'abord, et surtout, il ne s'agit pas d'une analogie trait pour trait avec ce qu'était le régime sud-africain. Même s'il est vrai que de fortes personnalités de l'époque de la lutte anti-apartheid ont invoqué la comparaison. En 2002, par exemple, Desmond Tutu avait dit qu'un séjour en Palestine lui avait rappelé "beaucoup de choses qui nous étaient arrivées, à nous population noire d'Afrique du Sud." Et en 2009, Tutu avait aussi approuvé un livre que j'avais écrit intitulé "Israeli Apartheid : A Beginner's Guide" (l'apartheid israélien, un guide pour les débutants).
Il y a énormément de choses à dire sur ce qui s'est passé en Afrique du Sud et ce qui se passe en Israël et en Palestine. Mais cette comparaison n'a pas de rapport avec la recherche de savoir si parler d'apartheid israélien est juste ou adapté.
La raison en est que l'apartheid est un crime en droit international, indépendamment de ce qu'a connu l'Afrique du Sud. Le protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève de 1949, cite l'apartheid comme une "grave violation" qui n'a "aucune limitation géographique".
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Le boycott a été et reste un moyen de lutte légitime

L'apartheid est aussi qualifié de "crime contre l'humanité" dans le statut de Rome de la Cour Pénale Internationale adopté en 1998 – quatre ans après la fin officielle de l'apartheid en Afrique du Sud.
Le statut de Rome définit l'apartheid comme des actes inhumains "commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime"
Les lois et les pratiques israéliennes répondent-elles à cette définition ? Selon les termes mêmes du Département d'Etat des Etats Unis, les Palestiniens font face à "une discrimination institutionnelle et sociétale." Elle touche des domaines comme l'immigration et la vie de famille, le logement et le foncier.
Il n'existe aucune garantie d'égalité, et les défenseurs des droits de l'homme ont identifié plus de cinquante lois discriminatoires.
En Cisjordanie, l'Etat juif a créé et établi un réseau de colonies illégales dont les habitants – des citoyens d'Israël – vivent parmi des Palestiniens qui sont soumis à la loi martiale. Pendant que les colonies s'étendent, les maisons palestiniennes sont démolies.
Récemment, selon les termes de l'ONG israélienne pour les droits de l'homme B'Tselem, les autorités israéliennes ont "accentué leurs efforts pour expulser des villages palestiniens de vastes zones de la Cisjordanie" – c'est du nettoyage ethnique.
Entre le 1er janvier et le 15 février de cette année, selon les chiffres des Nations Unies, les forces israéliennes ont détruit ou confisqué 283 maisons et autres structures palestiniennes, déplaçant 404 personnes.
Un haut fonctionnaire de l'ONU a expliqué que si la plupart de ces démolitions "ont été pratiquées sur la base de l'argument juridique spécieux que ces Palestiniens n'avaient pas de permis de construite," les chiffres israéliens eux-mêmes montrent que "seulement 1,5 % des demandes de permis déposées par des Palestiniens sont acceptées."
Amnesty International a décrit le "déni officiel de participation à la planification [d'occupation du sol] pour toute une population, couplé avec l'établissement d'un système parallèle de planification pour les colonies israéliennes qui est une discrimination explicite en faveur d'une autre population dont la fait même de vivre dans le territoire en question enfreint le droit international" comme " unique au monde".
Dans la bande de Gaza, les Palestiniens continuent à souffrir sous un blocus israélien qui constitue un châtiment collectif illégal. Quant d'Israël ne conduit pas ses horribles attaques à grande échelle sur ce territoire entièrement clôturé, il y a des attaques de routine contre des pêcheurs et des paysans palestiniens.
En fait, les Palestiniens de Gaza sont en majorité des réfugiés dont les terres se trouvent à seulement quelques kilomètres plus loin dans le territoire israélien d'avant 1967. Ce qui nous rappelle le fait que la "majorité juive" d'Israël a été obtenue au prix de l'expulsion des Palestiniens et n'est maintenue que la perpétuation de leur exclusion.
Ce n'est là qu'un échantillon – mais le point essentiel ici est que les crimes d'Israël ne sont pas des "aberrations". Ce ne sont pas les agissements de quelques généraux excités ou d'un gouvernement d'une droite particulièrement extrême. Nous parlons ici d'une législation qui fixe un cadre et de politiques poursuivies par l'Etat depuis des dizaines d'années.
Nous parlons donc, ainsi que le statut de Rome l'énonce, "d'actes inhumains…commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé". C'est pourquoi le Comité des Nations Unies pour l'Elimination de la Discrimination Raciale a exhorté Israël à "éradiquer" toutes les pratiques qui enfreignent la prohibition de la "ségrégation raciale et de l'apartheid."
Rejeter tous ces éléments au motif qu'Israël "ce n'est pas la même chose que l'Afrique du Sud" revient à passer à côté du sujet, de la même manière que blanchir la discrimination systématique simplement parce qu'il y a un "Arabe" à la Cour Suprême israélienne (un seul sur 66 juges aujourd'hui comme hier) n'est que de la symbolique à bon marché.
Les faits sont clairs. C'est l'apartheid israélien qui devrait susciter l'indignation – pas les campagnes (ou les boycotts) en faveur des droits élémentaires des Palestiniens.

mercredi 24 février 2016

Pour la majorité des étudiants juifs américains, l'Etat "juif" n'est pas civilisé.

Le site de Philip Weiss reste une des sources les plus riches quand on s'intéresse à l'actualité relative à la cause palestinienne. [vous pouvez aller directement à l'article qui se trouve à la fin de mon texte]
Il le prouve une nouvelle fois en révélant l'essentiel de la teneur d'une conférence qui s'est tenue à Jérusalem dans l'objectif de trouver les moyens d'une propagande efficace en faveur de l'entité sioniste et de contrer le mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanctions)
On sait que faute d'arguments légitimes, les partisans de l'entité sioniste en sont désormais le plus souvent réduits à faire pression sur les gouvernements étrangers pour qu'ils adoptent des dispositions qui rendent l'appel au boycott illégal. C'est déjà le cas en France avec la circulaire Alliot-Marie que Sainte Christiane Taubira s'est bien gardée d'abroger. Ailleurs, comme au Canada, c'est une motion motion votée au parlement tandis que le Royaume Uni se prépare à légiférer pour interdire le BDS…
Ce qui n'empêchera pas le mouvement de boycott de prendre de l'ampleur tout comme l'impopularité ou du moins le scepticisme à l'égard de l'entité sioniste.
Ainsi, les conférenciers sionistes ont pu avoir un état des lieux inquiétants sur la perception de l'entité sioniste par les étudiants juifs américains. Ces derniers non seulement ne sont pas une majorité à penser que l'entité sioniste veut la paix, mais ils sont à peine 38 % à considérer que nous parlons d'un Etat "civilisé".
Ce qui ne signifie bien sûr pas qu'ils renoncent nécessairement à soutenir l'entité sioniste mais qui donne à penser que ce soutien n'est pas un acquis intangible.
Et c'est là un gros problème pour le régime sioniste. En effet, cette entité coloniale s'est elle-même mise sous la coupe d'une métropole en obtenant la protection des Etats Unis. Au fil des ans, la colonie juive a su construire tout un dispositif de propagande, d'influence et de contrôle qui lui permet d'influer fortement sur la politique de la métropole, du moins quand cette politique est en rapport avec sa sécurité et sa prospérité.
Ce contrôle n'est pas absolu et il peut être mis en échec à force de patience et d'habileté, ce qu'ont su démontrer Barack Obama et John Kerry dans le dénouement de la crise avec l'Iran. Une démarche qui n'a été possible que parce que Barack Obama effectue son deuxième et dernier mandat présidentiel !
Un des instruments de ce contrôle est la communauté juive, ou plus exactement les organisations communautaires juives qu'elles agissent dans le domaine social, culturel, religieux ou politique. C'est par leur intermédiaire que l'actions sioniste peut se déployer verticalement, vers les couches dirigeantes (élus municipaux, gouverneurs d'Etats, sénateurs etc.) et horizontalement (vers les citoyens ordinaires).
L'animation et les relais de ces organisations, aussi bien verticalement qu'horizontalement, est le plus souvent assurée par des membres de l'élite, c'est-à-dire des gens qui occupent des postes à responsabilité dans les domaines de l'économie, de la culture, de l'information, de la religion etc. Ces gens ont généralement été formés à l'université [il n'existe pas de "grandes écoles" aux Etats Unis] où ils ont acquis non seulement des compétences et des connaissances mais aussi une vision de la vie et de la politique au sens large parfois sur la base d'engagements pour telle ou telle cause.
L'état moral de cette frange de la population étudiante donne donc une indication sur les orientations que pourrait prendre cette population une fois arrivée à l'âge de maturité et de la participation active à la vie publique locale, régionale ou nationale.
Et quand on s'intéresse à la population étudiante juive, cet état moral semble des plus préoccupants si on en croit un spécialiste des enquêtes d'opinion qui participait à la conférence de Jérusalem.

 La majorité des étudiants juifs américains ne voit pas Israël comme un pays "civilisé" ou une "démocratie" affirme Luntz lors d'une conférence secrète anti-BDS

par Ofer Neiman, Mondoweiss (USA) 2 février 2016 traduit de l'anglais par Djazaïri
Le lien vers l'information en hébreu. En résumé :
Le ministre Gilad Erdan [ministre de la sécurité publique, des affaires stratégiques et de l'information] a organisé une conférence secrète à Jérusalem, qui a réuni 150 partisans influents d'Israël.
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Gilad Erdan et son complice Benjamin Netanyahou

Le spécialiste des sondages d'opinion Frank Luntz, marqué politiquement à droite, [qui avait auparavant affirmé que sionisme était devenu un gros mot pour les élites des Etats Unis] a présenté des statistiques :
_ La tentative du ministère du tourisme pour vendre Israël comme une destination sympa [filles et bikinis] a échoué.
– Les étudiants juifs américains ont une image de plus en plus négative d'Israël
- Ils ne sont que 42 % à croire qu'Israël veut la paix.
-Seulement 38 % d'entre eux pensent que 'Israël est civilisé et occidental”.
-31% seulement considèrent qu'Israël est une démocratie.
– Pas moins de 21 % d'entre eux pensent que les Etats Unis devraient prendre le parti des Palestiniens.
Le nouvel agenda, pas si nouveau que ça, proposé par Luntz et Cie : les partisans d'Israël doivent dire qu'ils sont pour le dialogue et un processus de paix qui passe par la diplomatie, et ils doivent accuser ceux qui soutiennent le BDS de faire obstacle au dialogue et de répandre la haine.

mercredi 17 février 2016

Syrie: Jeffrey Sachs balance tout (ou presque)

L'article que je vous propose est signé Jeffrey Sachs. Jeffrey Sachs n'est pas exactement n'importe qui: c'est un universitaire de renom qui dirige un institut à la Columbia University (New York) et est consultant auprès du Secrétaire Général des Nations Unies.

Eh bien dans cet article Jeffrey Sachs balance tout sur la Syrie. Dans le meilleur esprit complotiste, il pointe le rôle des services secrets américains dès le début de la crise en Syrie et il souligne l'obstination de la diplomatie américaine, de Hillary Clinton en particulier, à empêcher tout règlement politique qui ne passerait pas par le préalable d'une reddition du président Bachar al-Assad quitte à aggraver et à prolonger l'effusion de sang.

Jeffrey Sachs

Il est , je pense, une des premières signatures dans la presse grand public américaine à relever le rôle de l'entité sioniste dans la situation en Syrie et le partenariat entre cette même entité et deux puissances régionales qu'il qualifie de "sunnites", la Turquie et l'Arabie Saoudite.


par Jeffrey Sachs, The Huffington Post (USA) 14 février 2016 traduit de l'anglais par Djazaïri

Pendant le débat de Milwaukee [avec Bernie Sanders] , Hillary Clinton s'est flattée de son rôle dans une récente résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU pour un cessez-le-feu en Syrie:
Mais je voudrais ajouter ceci. Vous le savez, le Conseil de Sécurité a finalement adopté une résolution. Au coeur de cette résolution se trouve un accord que j'avais négocié en juin 2012 à Genève qui prônait un cessez-le-feu et la marche vers une solution politique en essayant d'amener les parties prenantes en Syrie  à se parler.

C'est là le genre de déclarations compulsivement trompeuses qui rendent Clinton inapte à la fonction présidentielle. Le rôle de Mme Clinton en Syrie a été de contribuer à provoquer et à prolonger le bain de sang en Syrie, pas d'y mettre un terme.

En 2012, Mme Clinton était l'obstacle, pas la solution, à un cessez-e-feu qui était négocié par l'envoyé spécial de l'ONU Kofi Annan. C'est l'intransigeance des Etats Unis - l'intrnsigeance de Mme Clinton - qui avait abouti à l'échec des démarches pour la paix de M. Annan au printemps 2012, un fait bien connu des diplomates. En dépit de l'insinuation de Mme Clinton pendant le débat de Milwaukee, il n'y eut (évidemment) pas de cessez-le-feu en 2012, mais seulement une escalade dans le carnage. Mme Clinton porte une lourde responsabilité pour le carnage qui a causé la mort de 250 000 Syriens et en a déplacé plus de dix millions.

Comme tout observateur averti l'a bien compris, la guerre en Syrie n'avait pas tellement rapport avec Bachar al-Assad, ni même avec la Syrie. C'est surtout une guerre par procuration avec l'Iran.Et le bain de sang n'en est que plus tragique et malheureux pour cette raison.

L'Arabie Saoudite et la Turquie, les principales puissances sunnites au Moyen Orient perçoivent l'Iran, la grande puissance chiite, comme un concurrent en termes d'influence et de pouvoir dans la région. La droite israélienne voit l'Iran comme un ennemi implacable qui contrôle le Hezbollah, une organisation militante chiite qui opère au Liban, un Etat limitrophe d'Israël. C'est pourquoi la Turquie l' Arabie Saoudite et Israël ont tous  réclamé l'élimination de l'influende iranienne en Syrie.

Cette idée est d'une naïveté incroyable. L'Iran est présent en tant que puissance régionale depuis longtemps - en fait depuis près de 2700 ans. Et l'Islam chiite ne va pas disparaître comme par enchantement. Il n' y  a auun moyen, et aucune raison, de "vaincre" l'Iran. Lespuissances régionales doivent forger un équilibre géopolitique qui reconnaît les tôles mutuels et d'équiliration des pays arabes du Golfe d el'Iran et de la Turquie. Et la droite israélienne est naïve et profondment ignorante de l'histoire pour regarder l'Iran comme son ennemi implacable, particulièrement quand cette façon de voir erronée pousse Israël à se ranger du côté des djihadistes sunnites.

Pourtant Mme Clinton n'a pas suivi cette voie. Elle a au contraire rejoint l'Arabie Saoudite la Turquie et le droite israélienne pour essayer d'isoler et même de vaincre l'Iran. En 2010, elle avait encouragé des négociations secrètes entre Israël et la Syrie pour essayer de soustraire la Syrie à l'influence de l'Iran. Ces discussions avaient échoué. Alors la CIA et Mme Clinton avaient poussé avec succès en faveur d'un Plan B: renverser Assad. 

Quand les troubles du Printemps Arabe ont éclaté début 2011, la CIA et le font anti-iranien constitué par la Turquie, l'Arabie Saoudite et Israël y virent une opportunité pour renverser rapidement Assad et de s'assurer ainsi une victoire géopolitique. Mme Clinton se fit la principale promotrice de l'entreprise menée par la CIA pour un changemet de régime en Syrie.

Début 2011 la Turquie et l'Arabie Saoudite mirent à profit des protestations locales contre Assad pour essayer de fomenter les conditions de son éviction. Vers le printemps 2011, la CIA et les alliés des États Unis organisaient une insurrection armée contre le régime. Le 18 août 2011, le gouvernement des États Unis rendait publique sa position:"Assad doit partir."

Depuis, et jusqu'au récent et fragile accord de cessez-le-feu au Conseil de Sécurité de l'ONU, les États Unis ont refusé d'accepter tout cessez-le-feu tant qu'Assad n'était pas écarté du pouvoir. La politique américaine - sous Clinton et jusqu'à récemment - a été celle du changement de régime d'abord et du cessez-le-feu ensuite. Après tout, ce ne sont que des Syriens qui meurent. Les efforts de paix d'Annan avaient été sabotés par l'exigence inflexible des États Unis pour qu'un changement de régime contrôlé par les USA précède ou au moins accompagne un cessez-le-feu. Comme l'avait observé en août 202 la rédaction de The Nation [hebdomadaire progressiste américain]::

L'exigence par les États Unis d'un départ d'Assad et de l'imposition de sanctions avant même que débutent des négociations sérieuses, tout comme le refus d'inclure l'Iran dans le processus condamnaient la mission [d'Annan].

Clinton n'a pas été un acteur mineur dans la crise syrienne. Son représentant diplomatique à Benghazi, Chris Stevens, avait été assassiné alors qu'il s'occupait d'une opération de la CIA pour expédier des armes lourdes libyennes en Syrie. Clinton elle-même a été à la pointe de l'organisation des soi-disant "Amis de la Syrie" pour soutenir l'insurrection dirigée par la CIA.

La politique américaine a été un échec massif et terrible. Assad n'est pas parti, et il n'a pas été vaincu. la Russie est venue l'aider, l'Iran est venu l'aider. Les mercenaires envoyés pour le renverser étaient eux-mêmes des djihadistes extrémistes avec leurs propres agendas? Le chaos a ouvert la voie à l'Etat Islamique, bâti avec des officiers de l'armée irakienne mécontents (exclus de l'armée par les États Unis en 2003) des armes américaines et avec le soutien considérable de fonds saoudiens. Si la vérité devait être entièrement connue, les nombreux scandales associé rivaliseraient certainement avec le Watergate dans leurs ébranlement des fondations de la classe dirigeante des États Unis.

L'arrogance des États Unis dans cette approche semble ne connaître aucune limite. Le procédé du changement de régime fomenté par la CIA est si profondément inscrit comme un instrument "normal" de la politique étrangère américaine qu'elle est à peine remarquée par l'opinion publique ou les médias aux États Unis. Renverser le gouvernement d'un autre pays est contraire à la charte de l'ONU et au droit international. Mais a-t-on besoin de telles subtilités entre amis?

L'instrument [la déposition d'Assad] de la politique étrangère des États Unis n'a pas été seulement en violation flagrante du droit international mais a aussi été un échec massif et répété. Au lieu d'un coup d'état rapide et décisif pour résoudre un problème de politique étrangère, chaque changement de régime ourdi par la CIA a été, presque inévitablement, le prélude à un bain de sang. Comment pouvait-il en être autrement? Les autres sociétés n'aiment pas que leur pays soit manipulé par des opérations secrètes des États Unis.

Écarter un dirigeant, même quand l'opération est un "succès" ne résout aucun des problèmes géopolitiques sous-jacents, et encore moins les problèmes de nature écologique, sociale ou économique. Un coup d'état invite à la guerre civile, du genre de celles qui secouent aujourd'hui l'Afghanistan, l'Irak, la Libye et la Syrie. Il invite une réaction internationale hostile, comme celle de la Russie en appui à son allié syrien pour faire face aux opérations dirigées par la CIA. Nous en sommes au point où la somme des malheurs causés par es opérations secrètes de la CIA peut littéralement remplir des volumes. Sera-t-on dès lors surpris de voir Mme Clinton reconnaître en Henry Kissinger un mentor et un guide?

Et où en sont les médias de l'establishment  dans cette débâcle? Le New York Times a fini par parler d'une partie de cette histoire le mois dernier en présentant la connexion entre la CIA et l'Arabie Saoudite, dans laquelle l'argent saoudien sert à payer les opérations de la CIA afin de contourner le Congrès et le peuple américain. Après cette première publication, il n'y a pas eu de suite. Pourtant le financement saoudien d'opérations de la CIA est fondamentalement le même procédé que celui utilisé par Ronald Reagan et Peter North dans le scandale Iran-Contra des années 1980 (avec des ventes d'armes à l'Iran utilisées pour financer des opérations secrètes de la CIA en Amérique Centrale sans le consentement ou la supervision du peuple américain).

Mme Clinton elle-même n'a jamais montré la moindre réserve ou le moindre scrupule à mettre en oeuvre cet instrument de la politique étrangère américaine. A son actif en matière de soutien enthousiaste à des changements de régime sous l'impulsion des Etats Unis, on inclura (liste non exhaustive) le bombardement de Belgrade en 1999 l'invasion de l'Afghanistan en 2001 la guerre contre l'Irak en 2003, le coup de force au Honduras en 2009, l'assassinat du Libyen Mouammar Kadhafi en 2011 et l'insurrection contre Assad coordonnée par la CIA de 2011 à ce jour.

Libye octobre 2011 -Pour  une Hillary Clinton  radieuse, c'est comme si Mouammar Kadhafi était déjà mort

Il faut un grand leadership présidentiel pour résister aux malheureuses aventures de la CIA. Les présidents finissent par s'entendre avec les entreprises du secteur de la défense, les généraux et les cadres de la CIA. Ils se protègent ainsi des attaques venues de la droite extrémiste dure. Ils réussissent en exaltant la puissance militaire des États Unis, pas en la contenant. Beaucoup d'historiens pensent que JFK [John Fitzgerald Kennedy] a été assassiné suite à ses ouvertures de paix en direction de l'Union Soviétique des ouvertures qu'il avait faites contre les objections d'une opposition de droite tenante d'une ligne dure au sein de la CIA et d'autres secteurs de l'appareil d'état américain.

Hillary Clinton n'a jamais fait montre d'un iota de courage, ou même de compréhension , dans la confrontation avec la CIA. Elle a été un inlassable partisan de la CIA et  jubilait à montrer sa fermeté en soutenant chacune de ses opérations malavisées. Les échecs sont bien sûr constamment dissimulés à notre vue. Clinton est un danger pour la paix mondiale. Elle doit répondre de beaucoup de choses en ce qui concerne le désastre en Syrie.

Jeffrey Sachs est le Directeur de l'Earth Institute (Institut de la Terre) à la Columbia University

mardi 16 février 2016

Intervention russe en Syrie: clarté et cohérence des buts et des moyens

On n'a guère l'habitude d'entendre ou de lire les diplomates russes s'exprimer sur la politique étrangère menée par leur pays. 
Ici, c'est l'ambassadeur de Russie en Grande Bretagne qui publie une tribune dans un tabloïd londonien à grand tirage. Et il le fait pour exposer la vision russe du conflit en Syrie ainsi que de son règlement.
Deux choses ressortent nettement de son propos. La première est que l'intervention de l'aviation militaire russe a été dictée par la perspective de voir la capitale syrienne tomber entre les mains de Daesh avec la bénédiction des puissances occidentales qui auraient "repeint en blanc" un Sunnistan qui correspond aux objectifs stratégiques des Etats Unis. La deuxième chose qui apparaît nettement, c'est que le gouvernement russe a une vision très précise des buts de son intervention et des moyens militaires mais aussi politiques de les atteindre. Et cette vision ne nie le rôle d'aucun acteur pour peu qu'il n'entre pas dans la liste des organisations terroristes, une liste à établir entre "partenaires" et dont certaines organisations pourraient sortir sous certaines conditions
La diplomatie russe nous offre en définitive un brillant contre exemple de celui donné par les actions brouillonnes, nocives, criminelles et contraires au droit international entreprises dès 2011 par les puissances occidentales et leurs alliés régionaux. Des actions qui n'ont fait qu'aggraver la situation tout en fermant méthodiquement toutes les issues vers une solution de la crise en Syrie.

Alexander Yakovenko: la Russie et les Etats Unis sont partenaires pour essayer de mettre fin à la guerre en Syrie

par Alexander Yakovenko, ambassadeur de Russie au Royaume Uni,
The Evening Standard (UK) 15 février 2016 traduit de l'anglais par Djazaïri
La récente réunion à Munich du Groupe de Soutien International à la Syrie (GSIS) qui cherche un règlement en Syrie - avec la présence de la Russie, des Etats Unis, de la Turquie, de l'Arabie Saoudite et de l'Iran - s'est conclue avec un plan pour essayer de trouver des moyens de mettre fin aux hostilités entre les organisations de l'opposition syrienne et le gouvernement, sans toutefois faire de compromis sur la lutte contre l'Etat Islamique (Daesh) et d'autres force extrémistes.
Cette réunion intervenait après les succès de la récente offensive de l'armée syrienne qui, selon les experts, a progressivement mis en route la dynamique qui lui permettra de mettre un terme à la guerre civile en Syrie.
Alexander Yakovenko lors de la présentation de ses lettres de créance à la reine Elizabeth II

Pour avoir une idée de l'immense défi qu'affronte la communauté internationale, on peut regarder comment la situation en Syrie a évolué ce quatre dernières années. Nous avons constaté un processus de radicalisation du côté de l'opposition. Beaucoup d'organisations syriennes se sont liées à des organisations terroristes étrangères qui étaient bien équipée et financées par divers acteurs régionaux qui, à leur tout, projetaient leurs propres agendas de politique intérieure sur le champ de bataille syrien.
La situation en était arrivé au point où les Américains avaient renoncé à trouver des gens en qui ils auraient pu faire confiance parmi les organisations rebelles qui combattent le gouvernement syrien. Il y a quelques mois, nos collègues britanniques nous avaient dit que la situation en Syrie était un foutoir complet. La situation était rendue encore plus compliquée par l'émergence de Daesh, un mélange explosif de fanatiques religieux et de lambeaux du régime baathiste, dont des anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein.
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Dans le même temps, les Etats Unis constituaient leur coalition anti-Daesh forte de quelque 70 pays membres qui se lança dns des frappes aériennes inefficaces contre Daesh pendant plus d'un an avant que la Russie doive intervenir avec son aviation militaire à la demande du gouvernement syrien. L'été dernier, nos partenaires occidentaux nous avaient dit que'en Octobre Damas tomberait entre les mains de Daesh. Ce qu'ils avaient prévu de faire par la suite, nous l'ignorons. Ils auraient probablement fini par repeindre les extrémistes en blanc pour les accepter en tant qu'Etat sunnite à cheval sur la Syrie et l'Irak.
En ce circonstances l'intervention russe a changé la donne de manière décisive, permettant à l'opposition syrienne démocratique de se réapproprier la cause d'une Syrie démocratique qui avait été détournée par des organisations terroristes étrangères. C'est alors seulement que les principaux acteurs pouvaient se réunir dans le GSIS pour ue approche globale en vue de trouver une solution politique en Syrie et d'éradiquer Daesh. L'ampleur de cette double tâche n'a jamais été sous-estimée, compte tenu de la situation sur le terrain. C'est pourquoi le GSIS a accepté de faire l'inventaire des organisations d'opposition authentiques et de celles qui sont terroristes. C'est difficile à cause des ingérences régionales. Par exemple, les Kurdes syriens n'ont pas été invités aux discussions de Genève en raison de l'opposition de la Turquie.
Hélicoptère russe en couverture de soldats syriens
Cette démarche, impulsée par les Russes et les Américains pour séparer les modérés des organisations extrémistes est cruciale. Elle permettra à l'opposition modérée de rompre ses alliances avec les groupes terroristes de l'étranger. Elle permettrait aussi de soulager l'armée syrienne en tant que principale force à affronter Daesh sur le terrain. Dès lors, un front anti-terroriste commun pourrait se faire jour pendant qu'une solution politique à la crise syrienne se discute entre le régime et l'opposition à Genève. Pendant ce temps, l'armée de l'air russe et la coalition dirigée par les Etats Unis continueront leurs frappes aériennes contre Daesh.
Cette approche est la vraie chance de pouvoir résoudre le problème syrien. Ce n'est pas facile, mais si nous voulons mettre fin à cette guerre nous devons essayer.

lundi 15 février 2016

Les jours d'Assad au pouvoir sont comptés (et recomptés)

Le politologue et universitaire américano-libanais As'ad Abu Khalil s'est amusé à faire une recension des prédictions d'une chute imminente du président syrien. Sa recension n'est que très partielle...

Les "jours d'Assad sont comptés" affirme Obama

En 2011: "Officiels US: les jours d'Assad sont comptés"
En 2012: "Le Président Obama est convaincu que les jours d'Assad sont comptés."
En 2012: "Clinton déclare que les jours d'Assad sont comptés"
En 2012: "La Ligue Arabe affirme que les jours d'Assad sont comptés".
En 2013: "Les renseignements U.S.affirment que les jours d'Assad sont comptés."
OK. je peux continuer encore et encore mais j'ai d'autres choses à faire.

J'en ai recensé quelques uns du même tonneau en langue française:
En novembre 2011, Bernard-Botul Henri Lévy annonçait "Les derniers jours de Bachar al-Assad. Comme en Libye..." " les jours de la dictature sont comptés".
En juillet 2012, Fahad Al Masri, porte-parole de l'Armée syrienne libre (ASL) affirmait que "Les heures de Bachar al-Assad sont comptées..."
En décembre 2012, pour Laurent Fabius "La fin se rapproche pour Bachar el-Assad...les jours au pouvoir du leader syrien sont comptés. "
En mars 2015, "Pour François Fillon, les jours de Bachar al-Assad à la tête de la Syrie sont comptés".