lundi 20 octobre 2014

Kobane, une étape du plan de Washington pour détruire le régime syrien

Ce qui se passe en ce moment en Syrie est d'une complexité inouïe tant les forces en présence sont nombreuses et les intérêts, même entre alliés ou présumés tels, contradictoires.

Les Etats Unis, on le sait, bombardent les positions de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou EI, Daesh) dans le secteur de Kobane (Ayn al-Arab) ville kurde que cette organisation assiège et ailleurs en Syrie, détruisant au passage des infrastructures économiques qui permettent aux civils de survivre.

Le régime syrien aurait consenti à ces frappes.. A mon avis, il n'avait guère le choix et il doit s'estimer bien heureux de ne pas être ciblé directement par les attaques aériennes américaines.
J'écris directement parce que je considère qu'en dernière analyse, derrière l'EIIL, c'est le gouvernement syrien qui est visé.

C'est ce que je suggérais dans un précédent post en observant que l'affaiblissement et l'élimination de l'EIIL n'était pour les Etats Unis que le prélude à une nouvelle phase de la guerre anti-Assad menée par Washington, une phase qui passe par le recrutement d'une armée de mercenaires.

Et aussi par un retournement d'alliances pour les Kurdes de Syrie qui étaient alliés jusqu'à présent avec le régime syrien.

On comprend mieux maintenant pourquoi les bombardements menés par l'aviation américaine sur les forces de l'EIIl à Kobane ont été dans un premier temps marqués par une efficacité plus que douteuse : l'EIIL a été en quelque sorte l'instrument des Etats Unis pour persuader les Kurdes syriens de revoir leur position.

Le largage par les Américains d'armes destinées aux miliciens du PYD semble confirmer le repositionnement des Kurdes dans une nouvelle phase de la stratégie américaine de lutte contre le régime syrien. Tout comme l'adoption par les USA et l'UE de nouvelles sanctions contre les régime syrien

Il va sans dire que tout cela n'augure rien de bon, ni pour la Syrie, ni pour la région à laquelle les Etats Unis et leurs alliés occidentaux semblent prêts à faire subir des années de violence et de chaos.

Qui sortira vainqueur de Kobane ('Ayn-al-'Arab) ?

The Angry Arab, 19 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Ali, le correspondant en chef d'Angry Arab en Turquie m'a envoyé ce commentaire :
« Kobane : un coup gagnant pour les Etats Unis. Personne n'a encore attiré l'attention sur ce fait évident, mais à la vérité, qu'int gagné l'Etat Islamique (EI, Daesh) , la Turquie ou les Kurdes syriens avec l'attaque surprise de l'EI sur Kobane. A part que les Etats Unis ont fait avancer leur agenda politique sous le mot d'ordre d'Obama qui est « d'affaiblir et de détruire l'EI »...
Premièrement, l'EI n'obtiendra rien s'il s'empare complètement de la ville kurde assiégée. Kobane n'a pas d'intérêt stratégique si on la compare avec d'autres objectifs potentiels pour l'EI avant qu'il se lance dans la campagne contre Kobane le 15 septembre : le premier objectif potentiel était à l'évidence la ville d'Azaz, une ville frontalière avec la Turquie située au nord d'Alep et qui a eu un rôle crucial pour l'approvisionnement d'autres groupes armés actifs dans la Syrie du nord. L'EI était à la porte d'Azaz.

frontière syrie-turquie

Le second objectif potentiel était l'aéroport de Deir ezZor qui a été une base très importante pour le ravitaillement des troupes de l'armée syrienne présentes dans la ville assiégée. L'EI a lancé des attaques pour prendre cet aéroport mais avec de faibles effectifs comparées à l'attaque contre Kobane. Le troisième objectif potentiel était Hasakah au nord où les Kurdes contrôlent des puis de pétrole avec l'aide de facto de l'armée syrienne présente dans la ville. Kobane n'a pas de puits de pétrole, n'est pas une route logistique et l'EI contrôle déjà deux points de passage frontaliers dans la région. Il s'agit de Jarablus, à quelques kilomètres à l'ouest de Kobane et de Tall Abiad à l'est. Mais comme on le sait, l'EI a attaqué Kobane avec au moins 3 000 hommes avec un soutien d'artillerie, des tanks, des véhicules blindés, das canons anti-aériens montés sur des pick-ups. Et à cause de la résistance des miliciens kurdes du PYG et des frappes aériennes américaines, , l'EI payera un prix très élevé pour une ville sans importance particulière même s'il s'en empare complètement.
L'aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire
L'aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire
Deuxièmement, qu'a obtenu la Turquie quand on voit que les organes de presse occidentaux sont pleins de commentaires affirmant que la Turquie était derrière l'attaque de l'EI sur Kobane ? Erdogan est maintenant portraituré comme le 'monstre derrière l'EI' et un soulèvement kurde frappe soudain la Turquie et menace le soi-disant processus de paix. Et maintenant, le PYD de Syrie qui est affilié au PKK est en contact direct avec Washington, ce qui doit être un cauchemar pour Ankara.

Troisièmement, les Kurdes syriens qu se considèrent eux-mêmes comme « vainqueurs » étant donné que les Etats Unis les ont reconnus voient Kobane, la capitale de leur province de Rojava, tomber en ruines tandis que la majorité des civils ont fui vers la Turquie.

Les Etats Unis sont le seul gagnant, que vous le vouliez ou non... En effet, avec Kobane ils légitimisent leur opération contre l'EI aux niveaux international et régional, ils trouvent un 'partenaire' absolument stratégique avec les Kurdes de Turquie, et ils savent pouvoir librement dicter leur position au PYD... Avant l'offensive sur Kobane, Reuters avait révélé que les Etats Unis envisageaient d'armer les organisations kurdes de Syrie à la condition préalable qu'ils « rompent leur alliance avec Assad ». Et cette exigence n'est bien sûr pas nouvelle car, ainsi que l'a révélé Foreign Policy, Washington poussait les Kurdes en ce sens depuis plus de deux ans.

Maintenant, les rêves des Etats Unis se réalisent grâce à l'EI. Le résultat des discussions entre le PYD et les Etats Unis reste encore imprécis, mais alors que les Etats Unis accentuent leur campagne aérienne contre les cibles de l'EI dans et autour de Kobane, la chose évidente est que ce que les Etats Unis ont mis sur la table a été accepté, au moins en partie, par la délégation du PYD. Notez que juste après ces discussions directes, le leader du PYD Saleh Muslim s'est rendu au Kurdistan irakien et a participé à une réunion avec Barzani et avec des politiciens kurdes syriens soutenus par Barzani. Lors de cette réunion, le PYD a promis un « partage de pouvoir » avec les groupes soutenus par Barzani pour l'administration de Rojava.

Donc, selon mon opinion, la victoire des Kurdes sur l'EI avec l'aide des Etats Unis ne pourra que décevoir les espoirs des gens de gauche pour les droits des peuples du Moyen Orient.
PS : notez que l'hypocrisie sans limites des médias grand public. Premièrement, la ville de Salamiyya située dans l'est de la province de Hama est attaquée par l'EI mais il n'y a pas un seul reportage sur la situation dans cette ville. L'envoyé spécial de l'ONU dit que 'Kobane pourrait être un autre Srebrenica' mais qu'est-ce qui nous attend si l'EI prend cette ville qui est pleine de « kouffar' (mécréants, la population de la ville est constituée d'Alaouites, de Chiites, d'Ismaéliens et de Duodécimains). Deuxièmement, c n'est pas la première attaque de l'EI sur des zones à peuplement kurde. L'EI et ses alliés de l'époque – considérés comme des modérés – avaient attaqué des villes kurdes en 2013, mais les femmes combattantes kurdes n'ont pas fait les unes, ou personne ne parlait du rôle de la Turquie. Les médias parlaient au contraire de « l'alliance cachée entre Assad et les Kurdes de Syrie. »

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