jeudi 23 octobre 2014

Moshe Ya'alon, ministre sioniste de la défense, prédit la fin de l'Etat prétendu juif!

Je ne résiste pas au plaisir de traduire ce petit post du blogueur Moon of Alabama qui nous annonce la fin de l'entité sioniste prédite par la voix de celui qui est en principe chargé d'en assurer la défense, c'est-à-dire d'agresser le peuple indigène de Palestine et les peuples alentours.

Le ministre israélien de la défense prédit la fin des Etats artificiels du Moyen Orient

Moshe Yaa'lon prédit [dans un entretien accordé à NPR] la fin de son propre pays
Moon of Alabama, 23 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Le ministre israélien de la défense Moshe Ya'alon est connu pour ses manières brutales, et dans un entretien accordé à NPR, il affirme que la carte future du Moyen Orient sera très différente de celle qui existe aujourd'hui.
Moshe Ya'alon. En arrière plan le Dôme du Rocher qui appartient aux indigènes de Palestine
Moshe Ya'alon. En arrière plan le Dôme du Rocher qui appartient aux indigènes de Palestine
« Nous devons distinguer entre pays comme l'Egypte qui ont leur histoire. L'Egypte restera l'Egypte. »

Ya'alon qui est en visite à Washington, s'est exprimé dans l'édition matinale de Steve Inskeep.

Par contraste, déclare Ya'alon, « la Libye était une création nouvelle, une création occidentale suite à la première guerre mondiale. La Syrie, l'Irak, c'est pareil – des Etats nations artificiels – et ce que nous voyons maintenant est l'effondrement de cette idée occidentale. »

Quel est le pays du Moyen Orient le plus artificiel ? Quel pays a été créé suite à une guerre mondiale est est une idée exclusivement « occidentale » ?
Il me semble que Ya'alon manque de la capacité à prendre le recul [self-awareness] qui lui permettrait de déceler l'ironie dans ce qu'il a dit.
carte palestine
Carte du Proche Orient en 1935
La carte ci-dessus provient de la Mary Baker Eddy Library de Boston qui accueille un célèbre mapparium achevé en 1935. la légende sur le site de la May Baker Eddy Library  note:
"Malheureusement, Israël n'est pas dans le mapparium étant donné que l'Etat moderne n'a pas été constitué avant 1948. En 1935, tout le territoire faisait partie de la Palestine"
Je suppose que l'adverbe malheureusement est ce qui permet d'éviter à ce musée d''être taxé d'antisémitisme voire rasé sur ordre du lobby.
Le mapparium de Boston est une structure de verre teinté d'une hauteur de trois étages. Un mapparium est
"un globe terrestre rigide dans lequel vous pouvez vous introduire afin de regarder la mappemonde de l'intérieur. La nature acoustique de l'endroit n'était pas l'objectif principal de la construction mais c'est finalement presque devenu la curiosité principale.
Là aussi, vous avez une " whispering gallery" comme pour le dôme de Londres : chuchotez d'un côté du globe et l'on vous entendra à l'autre extrémité."
Dans le mapparium de Boston
Dans le mapparium de Boston
Note de Djazaïri : Effectivement, les formes étatiques et les contours de ces formes peuvent changer, et même changer de fond en comble, il restera que les populations de toutes ces éventuelles futures entités politiques seront fondées à dire que là où elles vivent et où ont vécu leurs aïeux est leur patrie.

mercredi 22 octobre 2014

L'Etat Islamique en Irak et au Levant (Daesh), les Kurdes, la Turquie, et la lutte des classes

Une lecture intéressante du positionnement de la Turquie à l'égard de la situation à sa frontière avec la Syrie où l'Etat Islamique (EI, Daesh) cherche à s'emparer de la ville de Kobané aux dépends des Kurdes syriens.

En effet, Adnan Khan dépasse la lecture commune qui privilégie soit l'angle religieux, soit l'angle ethnique pour nous donner à comprendre ce qui se joue réellement en Turquie : la reprise du bras de fer entre un gouvernement, d'inspiration islamiste, qui a a lancé le pays, avec un certain succès, dans une expansion économique de type capitaliste et une extrême gauche qui n'a pas renoncé à faire aboutir un projet socialiste par la voie révolutionnaire.
Il s'avère que cette extrême gauche comporte une forte représentation kurde sans pour autant qu'on puisse la caractériser sous l'angle ethnique ou culturel. Et cette extrême gauche se reconnaît dans le projet politique non ethnique porté par le Parti des Travailleurs du Kurdistan et le PYD qui assure la défense de Kobané.

On comprend mieux à la fois les réticences du gouvernement turc mais aussi la réaction d'hostilité d'une partie de la population turque à l'égard des régimes occidentaux, Etats Unis en tête.

Le vrai problème kurde de la Turquie

par Adnan Khan, The Globe and Mail (Canada) 22 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri
Adnan Khan
Adnan Khan
Adnan Khan est un écrivain et photographe qui vit à Istanbul et à Islamabad

Il y a eu peu de manifestations de joie chez les Kurdes de Turquie lorsque l'aviation américaine a commencé à larguer des bombes sur l'État Islamique (EI, Daeeh) en Syrie. Leur réaction a été pour le moins surprenante: depuis des semaines, les Kurdes protestaient à Istanbul et dans le sud à majorité kurde de la Turquie contre le manque de soutien apporté à leurs compatriotes kurdes de Kobané, la ville assiégée en Syrie, juste de l'autre côté de la frontière.

Kobané était encerclée sur trois côtés, la seule voie de passage sûre pour y entrer ou en sortir étant celle vers la Turquie au nord. Mais l'armée turque a fermé la frontière. Les défenseurs de la ville, une milice kurde syrienne locale, la branche armée du Parti de l'Union Démocratique (PYD) ont sollicité une aide internationale. Quand les bombardements et les largages de matériel par les Américains ont enfin contribué à faire reculer les forces de l'Etat Islamique, les Kurdes ont probablement échappé au massacre.

L'intervention [américaine] aurait dû provoquer de la joie, mais la protestation a continué, les Kurdes s'en prenant à l'Etat Islamique et condamnant les actions de la Turquie. Encore plus significatif, les manifestants se sont déchaînés contre les Etats Unis et leurs alliés, dont le Canada, dénonçant l'impérialisme et le capitalisme occidentaux.

Les manifestants étaient en majorité des socialistes, d'une tendance virulente qui reste répandue dans la population kurde de Turquie. Leur colère ne découle pas d'un nationalisme ethnique mais d'une idéologie politique. Une révolution est en cours à Kobané, disent-ils, et tout le monde – l'Occident, l'Etat Islamique, les pays arabes, le gouvernement turc – tente de la faire échouer.

Leur version des faits est préoccupante [pour les autorités turques, NdT]. La Turquie a connu des années de violence politique après l'effondrement d'un processus de paix avec sa minorité kurde en 1993. L'es extrémistes de gauche, principalement des Kurdes favorables au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK interdit) étaient à la lutte contre les ultranationalistes turcs et les islamistes qui se faisaient appeler le Hezbollah turc. Le gouvernement de l'époque, fortement influencé par l'armée, était soupçonné de manipuler les islamistes et les nationalistes dans sa tentative pour écraser l'insurrection dirigée par le PKK.

Ce furent des jours sombres. Des milliers de Kurdes périrent et des centaines de milliers furent déplacés après que pas moins de 3 000 villages du sud-est du pays furent rasés par l'armée pour leur soutien présumé au PKK. « C'était comme une guerre des gangs, » affirme Tolga Baysal, un cinéaste d'Istanbul qui a vécu cette époque. « Le Hezbollah enlevait et assassinait des membres présumés du PKK, le PKK faisait de même avec le Hezbollah. »

Aujourd'hui, l'histoire semble se répéter. Un autre processus de paix avec les Kurdes est sur le point de capoter. Le Hezbollah turc est de retour, revigoré par ce qu'il perçoit comme un renouveau islamique en Irak et en Syrie, ainsi que les penchants conservateurs de l'actuel gouvernement turc. Kobané a donné une nouvelle énergie à une extrême gauche turque inspirée par le Parti de l'Union Démoocratique qui a annoncé en septembre dernier qu'il allait instaurer la société socialiste parfaite à Kobané. Une fois encore, le gouvernement turc se tourne vers les ultra-nationalistes pour les contrer.

Selon le discours prédominant, la volonté kurde d'une auto-détermination sur une base culturelle et ethnique a été réveillée par les événements de Syrie. Mais c'est une simplification excessive. L'escalade du conflit a plus à voir avec l'idéologie politique – un socialisme radical en opposition avec le projet capitaliste turc en plein essor et le gouvernement enraciné dans l'islamisme politique qui le dirige.

En effet, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) qui gouverne la Turquie a fait des avancées significatives ces dix dernières années en reconnaissant des droits culturels aux Kurdes. Beaucoup de travail reste à accomplir, mais il n'est plus illégal de se dire kurde ou de parler d'un espace nommé Kuridtan. Un nombre limité de chaînes de télévision kurdophones onr reçu l'autorisation d'émettre et d'importants projets de développement dans le sud-est ont amélioré la situation économique des Kurdes.

Mais le parti d'Union Démocratique et le PKK ont un projet beaucoup plus vaste que les militants m'avaient expliqué en 2006 quand j'avais visité leur base ses monts Qandil dans le Kurdistan irakien.
« La révolution commence avec le peuple, » m'avait-on dit. « C'est ce qui distingue notre socialisme de tout autre mouvement socialiste : l'action individuelle. Les gens doivent prendre en main leurs propres vies. Essayez d'imaginer ça : un pouvoir qui émane de la base, du peuple vers l'appareil de gouvernement d'une manière qui réduit le pouvoir de ce dernier à un rôle de coordination. C'est la vision du PKK. »

Pendant la semaine que j'avais passée avec les révolutionnaires, j'avais pu voir par moi-même ce à quoi pouvait ressembler leur utopie : une société organisée de manière rigide où tout était mis en commun, les rôles liés au genre étaient éliminés et les idéaux révolutionnaires étaient inculqués. Selon les dirigeants, ce n'était qu'un début.

« Notre mouvement est global, pas seulement limité à la région, » disaient-ils. « Mais nous nous concentrons sur le Moyen Orient comme point de départ. Nous changerons le paysage politique du Moyen Orient comme exemple pour le reste du monde. »

Maintenant, le projet révolutionnaire a trouvé son moment historique : le printemps Arabe. Dans le quartier majoritairement kurde 'Okmeydani à Istanbul, tous les signes sont présents : des graffiti qui annoncent la résurgence du pouvoir populaire, des faucilles et des marteaux grossièrement dessinés avec de la peinture rouge vif, des portraits de Che Guevara à côté de ceux de révolutionnaires kurdes. « Kobané est notre Stalingrad, » affirme un slogan répandu.

« L'Etat Islamique n'est pas seul, » m'a dit un manifestant de gauche. « L'Etat Islamique attaque une révolution... Ce n'est pas une lutte contre l'Etat Islamique. C'est une lutte contre le système et ceux qui le soutiennent, dont l'Etat turc et toute une série d'autres : le Qatar, l'Arabie Saoudite, l'Angleterre, la France, les Etats Unis. On doit s'opposer à tous ces systèmes capitalistes et impérialistes. »

Pour le gouvernement turc, ce genre de ferveur menace de casser des années d'entreprise capitaliste et de ramener la Turquie à l'effusion de sang et à la ruine économique des années 1990. Dans son calcul, l'Etat Islamique est un moindre mal. L'extrême gauche turque, qui se trouve être kurde, est la boîte de Pandore – dont le couvercle doit être maintenu fermé à tout prix.

lundi 20 octobre 2014

L'espoir vient du Burkina Faso!

Il n'y a pas qu'Ebola en Afrique, il y a aussi le Burkina Faso et sa paysannerie travailleuse et solidaire qui s'ouvre à des techniques agricoles qui permettent de reconquérir les sols de manière durable.

Les agriculteurs du Burkina Faso déjouent le changement climatique

Les agriculteurs d'un des pays les moins développés du monde réhabilitent des terres dégradées en utilisant des techniques innovantes pour conserver l'eau et préserver les sols.
par Kieran Guilbert, Thomson Reuters Foundation ,
The Christian Science Monitor (USA) 20 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Londres – Ces trois dernières décennies, les agriculteurs les plus pauvres du Burkina Faso ont produit de la nourriture pour un demi million de personnes en réhabilitant quelque 300 000 hectares de terres dégradées grâce à des techniques innovantes pour conserver l'eau et les sols, selon un rapport publié mercredi 8 octobre.

Le think-tank d Overseas Development Institute (ODI), basé en Grande Bretagne, a indiqué que les paysans qui pratiquent l'agriculture vivrière au Burkina Faso sont à la pointe de la lutte contre le changement climatique dans ce pays d'Afrique de l'Ouest qui est sujet à de graves sécheresses et à une pluviométrie de plus en plus aléatoire.

Amanda Lenhardt, chercheur à l'ODI, explique que les agriculteurs riverains de la ceinture sahélienne dans la région du Plateau Central au Burkina Faso ont fait de gros progrès dans la compensation des effets du changement climatique dans « une des régions du monde les plus fragiles. »

« Si la malnutrition et la pauvreté restent des problèmes majeurs au Burkina Faso, le fait que les paysans restent capables de produire de la nourriture en période d'extrême sécheresse a aidé la région à éviter la famine, » a déclaré Lenhardt à la Thomson Reuters Foundation.

« La réhabilitation de terres improductives dans une région aussi vulnérable sur le plan climatique par des agriculteurs aux ressources limitées est une réussite à tous égards, » a-t-elle dit par téléphone depuis Ouagadougou.

Sans débouché sur la mer, le Burkina Faso se situe au 181ème rang sur 187 sur l'Indice de Développement Humain de l'ONU et reste une des nations les plus pauvres du monde.
L'ODI considère que la réhabilitation de plus de 10 % des terres arables du Burkina Faso dans la région du Plateau Central est d'autant plus remarquable que le tiers des terres cultivables était en voie de dégradation dans le monde.

La régio du Plateau central, le demi-cercle rose qui enserre en partie Ouagadougou, est en bordure de la zone sahélienne
La région du Plateau Central, le demi-cercle rose qui enserre en partie Ouagadougou, est en bordure de la zone sahélienne
Lenhardt affirme qu'il était vital que la réhabilitation des sols dégradés soit lancée dans d'autres régions du Burkina Faso, compte tenu de l'importance de l'agriculture qui représente presque 35 % du Produit Intérieur Brut du pays et emploie 85 % de la population.

Lenhardt a expliqué que l'information sur des techniques de production durable qui sont en constante amélioration, par exemple la construction de fossés d'écoulement pour collecter l'eau, a été diffusée avec grand succès par des groupements paysans et des organisations nationales.
Il était important de faire en sorte que les pratiques soient mises en œuvre à l'intérieur des communautés plutôt que simplement introduites auprès d'agriculteurs individuels, a-t-elle ajouté.

« Il doit y a avoir des discussions avec les agriculteurs sur le terrain au lieu d'organisations de passage qui imposent simplement leurs idées, » a expliqué Lenhardt.

« Le Burkina Faso est dans une situation unique de par la force de ses réseaux communautaires et sociaux [pas Twitter ou Facebook! NdT] qui doivent être mobilisés pour avoir un impact au niveau national, ce qui prendra du temps, a-t-elle ajouté.

Kobane, une étape du plan de Washington pour détruire le régime syrien

Ce qui se passe en ce moment en Syrie est d'une complexité inouïe tant les forces en présence sont nombreuses et les intérêts, même entre alliés ou présumés tels, contradictoires.

Les Etats Unis, on le sait, bombardent les positions de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL ou EI, Daesh) dans le secteur de Kobane (Ayn al-Arab) ville kurde que cette organisation assiège et ailleurs en Syrie, détruisant au passage des infrastructures économiques qui permettent aux civils de survivre.

Le régime syrien aurait consenti à ces frappes.. A mon avis, il n'avait guère le choix et il doit s'estimer bien heureux de ne pas être ciblé directement par les attaques aériennes américaines.
J'écris directement parce que je considère qu'en dernière analyse, derrière l'EIIL, c'est le gouvernement syrien qui est visé.

C'est ce que je suggérais dans un précédent post en observant que l'affaiblissement et l'élimination de l'EIIL n'était pour les Etats Unis que le prélude à une nouvelle phase de la guerre anti-Assad menée par Washington, une phase qui passe par le recrutement d'une armée de mercenaires.

Et aussi par un retournement d'alliances pour les Kurdes de Syrie qui étaient alliés jusqu'à présent avec le régime syrien.

On comprend mieux maintenant pourquoi les bombardements menés par l'aviation américaine sur les forces de l'EIIl à Kobane ont été dans un premier temps marqués par une efficacité plus que douteuse : l'EIIL a été en quelque sorte l'instrument des Etats Unis pour persuader les Kurdes syriens de revoir leur position.

Le largage par les Américains d'armes destinées aux miliciens du PYD semble confirmer le repositionnement des Kurdes dans une nouvelle phase de la stratégie américaine de lutte contre le régime syrien. Tout comme l'adoption par les USA et l'UE de nouvelles sanctions contre les régime syrien

Il va sans dire que tout cela n'augure rien de bon, ni pour la Syrie, ni pour la région à laquelle les Etats Unis et leurs alliés occidentaux semblent prêts à faire subir des années de violence et de chaos.

Qui sortira vainqueur de Kobane ('Ayn-al-'Arab) ?

The Angry Arab, 19 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Ali, le correspondant en chef d'Angry Arab en Turquie m'a envoyé ce commentaire :
« Kobane : un coup gagnant pour les Etats Unis. Personne n'a encore attiré l'attention sur ce fait évident, mais à la vérité, qu'int gagné l'Etat Islamique (EI, Daesh) , la Turquie ou les Kurdes syriens avec l'attaque surprise de l'EI sur Kobane. A part que les Etats Unis ont fait avancer leur agenda politique sous le mot d'ordre d'Obama qui est « d'affaiblir et de détruire l'EI »...
Premièrement, l'EI n'obtiendra rien s'il s'empare complètement de la ville kurde assiégée. Kobane n'a pas d'intérêt stratégique si on la compare avec d'autres objectifs potentiels pour l'EI avant qu'il se lance dans la campagne contre Kobane le 15 septembre : le premier objectif potentiel était à l'évidence la ville d'Azaz, une ville frontalière avec la Turquie située au nord d'Alep et qui a eu un rôle crucial pour l'approvisionnement d'autres groupes armés actifs dans la Syrie du nord. L'EI était à la porte d'Azaz.

frontière syrie-turquie

Le second objectif potentiel était l'aéroport de Deir ezZor qui a été une base très importante pour le ravitaillement des troupes de l'armée syrienne présentes dans la ville assiégée. L'EI a lancé des attaques pour prendre cet aéroport mais avec de faibles effectifs comparées à l'attaque contre Kobane. Le troisième objectif potentiel était Hasakah au nord où les Kurdes contrôlent des puis de pétrole avec l'aide de facto de l'armée syrienne présente dans la ville. Kobane n'a pas de puits de pétrole, n'est pas une route logistique et l'EI contrôle déjà deux points de passage frontaliers dans la région. Il s'agit de Jarablus, à quelques kilomètres à l'ouest de Kobane et de Tall Abiad à l'est. Mais comme on le sait, l'EI a attaqué Kobane avec au moins 3 000 hommes avec un soutien d'artillerie, des tanks, des véhicules blindés, das canons anti-aériens montés sur des pick-ups. Et à cause de la résistance des miliciens kurdes du PYG et des frappes aériennes américaines, , l'EI payera un prix très élevé pour une ville sans importance particulière même s'il s'en empare complètement.
L'aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire
L'aéroport de Deir Ezzor a un usage mixte, civil et militaire
Deuxièmement, qu'a obtenu la Turquie quand on voit que les organes de presse occidentaux sont pleins de commentaires affirmant que la Turquie était derrière l'attaque de l'EI sur Kobane ? Erdogan est maintenant portraituré comme le 'monstre derrière l'EI' et un soulèvement kurde frappe soudain la Turquie et menace le soi-disant processus de paix. Et maintenant, le PYD de Syrie qui est affilié au PKK est en contact direct avec Washington, ce qui doit être un cauchemar pour Ankara.

Troisièmement, les Kurdes syriens qu se considèrent eux-mêmes comme « vainqueurs » étant donné que les Etats Unis les ont reconnus voient Kobane, la capitale de leur province de Rojava, tomber en ruines tandis que la majorité des civils ont fui vers la Turquie.

Les Etats Unis sont le seul gagnant, que vous le vouliez ou non... En effet, avec Kobane ils légitimisent leur opération contre l'EI aux niveaux international et régional, ils trouvent un 'partenaire' absolument stratégique avec les Kurdes de Turquie, et ils savent pouvoir librement dicter leur position au PYD... Avant l'offensive sur Kobane, Reuters avait révélé que les Etats Unis envisageaient d'armer les organisations kurdes de Syrie à la condition préalable qu'ils « rompent leur alliance avec Assad ». Et cette exigence n'est bien sûr pas nouvelle car, ainsi que l'a révélé Foreign Policy, Washington poussait les Kurdes en ce sens depuis plus de deux ans.

Maintenant, les rêves des Etats Unis se réalisent grâce à l'EI. Le résultat des discussions entre le PYD et les Etats Unis reste encore imprécis, mais alors que les Etats Unis accentuent leur campagne aérienne contre les cibles de l'EI dans et autour de Kobane, la chose évidente est que ce que les Etats Unis ont mis sur la table a été accepté, au moins en partie, par la délégation du PYD. Notez que juste après ces discussions directes, le leader du PYD Saleh Muslim s'est rendu au Kurdistan irakien et a participé à une réunion avec Barzani et avec des politiciens kurdes syriens soutenus par Barzani. Lors de cette réunion, le PYD a promis un « partage de pouvoir » avec les groupes soutenus par Barzani pour l'administration de Rojava.

Donc, selon mon opinion, la victoire des Kurdes sur l'EI avec l'aide des Etats Unis ne pourra que décevoir les espoirs des gens de gauche pour les droits des peuples du Moyen Orient.
PS : notez que l'hypocrisie sans limites des médias grand public. Premièrement, la ville de Salamiyya située dans l'est de la province de Hama est attaquée par l'EI mais il n'y a pas un seul reportage sur la situation dans cette ville. L'envoyé spécial de l'ONU dit que 'Kobane pourrait être un autre Srebrenica' mais qu'est-ce qui nous attend si l'EI prend cette ville qui est pleine de « kouffar' (mécréants, la population de la ville est constituée d'Alaouites, de Chiites, d'Ismaéliens et de Duodécimains). Deuxièmement, c n'est pas la première attaque de l'EI sur des zones à peuplement kurde. L'EI et ses alliés de l'époque – considérés comme des modérés – avaient attaqué des villes kurdes en 2013, mais les femmes combattantes kurdes n'ont pas fait les unes, ou personne ne parlait du rôle de la Turquie. Les médias parlaient au contraire de « l'alliance cachée entre Assad et les Kurdes de Syrie. »

mardi 14 octobre 2014

Bill Clinton en Roi David, Monica Lewinsky en sextoy Bethsabée, l'interprétation talmudique d'une célèbre affaire politico-sexuelle

Que vient faire la loi juive (halakha) dans l'affaire Lewinsky du nom de cette jeune stagiaire avec qui le président Bill Clinton avait pris l'habitude de faire frotti frotta dans le bureau ovale de la Maison Blanche ?

On peut effectivement se le demander parce que si Monica Lewinsky est juive, ce n'est pas le cas, jusqu'à plus ample informé, de Bill Clinton.

Et que de toute façon les Etats Unis sont un pays où la religion est séparée de l'Etat et où aucune religion officielle n'existe même si la vie publique est imbibée de religieux et de religiosité. Mais c'est une religiosité en quelque sorte générique.

L'article que je vous propose montre que la loi juive a été invoquée pour exonérer le président de l'époque de l'accusation d'adultère. En effet, d'après ce qui est expliqué, la loi juive ne considérerait comme adultérine et dont illicite que la relation entre un homme marié et une femme marie. Mlle Lewinsky étant célibataire, on ne pouvait reprocher au maximum à Bill Clinton que le péché bénin d'onanisme.

Au passage, on apprend que selon cette interprétation de la loi juive, une jeune femme non mariée avait en quelque sorte le statut d'objet, de sextoy.

Ce qui ne répond cependant pas à la question initiale de la référence à une loi religieuse qui n'a de valeur qu'aux yeux des juifs dûment répertoriés, c'est-à-dire d'une infime minorité aux Etats Unis.

La réponse tient sûrement au fait que si les Juifs sont une toute petite minorité aux Etats Unis, ils sont par contre très très bien représentés dans l'univers des médias et ils sont les principaux donateurs pour le financement des deux grands partis qui dominent la vie politique dans ce pays.qui apportent l'argent dont les politiciens ont besoin pendant leur carrière politique et pour s'assurer une retraite dorée, par exemple en donnant des conférences rémunérées en dizaines voire centaines de milliers de dollars.

Ce sont ces donateurs juifs qu'il importait de convaincre que Bill Clinton avait finalement bien peu de choses à se reprocher, du moins aux yeux de la seule loi qui compte vraiment pour eux.

par Geoff Earle, The New York Post (USA) 11 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Washington -Au plus fort du scandale Lewisnky, un proche collaborateur d'Hillary Rodham Clinton avait fait suivre un mode de défense potentiel farfelu pour la Maison Blanche : une interprétation talmudique selon laquelle Bill Clinton n'était pas coupable d'adultère.
« Selon le droit juif classique [religieux, NdT], le Président Clinton n'a pas commis d'adultère ; l'adultère est défini par le fait qu'un homme marié a des relations sexuelles avec une femme mariée, et Monica Lewinsky est célibataire, » expliquait l'e-mail du 27 janvier 1999 qui avait fini sur le bureau du politique de la Maison Blanche, Sidney Blumenthal.
« Au pire, le Président Clinton est coupable du péché bénin d'onanisme [masturbation]n, un péché qui afflige probablement la conscience de la plupart des hommes juifs à un moment ou à un autre. »

Cet e-mail avait été envoyé à Ruby Shamir, conseiller en matière de politique intérieure d'Hillaty Clinton par Linda Commodore, une femme de Long Island qui faisait suivre un argumentaire détaillé de Susannah Heschel, une professeur d'études juives à Dartmouth et fille du rabbin Abraham Joshua Heschel, un théologien réputé.

Ce document se trouvait dans les quelque 10 000 documents rendus publics vendredi par la bibliothèque présidentielle de Clinton à Little Rock, Arkansas, le dernier lot d'archives de son administration qui étaient encore fermées au public.

« Du point de vue de l'histoire juive, nous devons demander comment des Juifs peuvent condamner la conduite du président Clinton comme immorale quand nous exaltons celle du roi David ? » écrivait Susannah Heschel.

« Le roi David avait fait assassiner Urie, le mari de Bethsabée. Si David a été condamné et puni, il n'a jamais été renversé du trône d'Israël. Au contraire, il est exalté dans notre mémoire juive comme l'unificateur d'Israël. »
Gregory Peck et Susan Hayward dans le "David et Bethsabée" de Henry King
Gregory Peck et Susan Hayward dans le "David et Bethsabée" de Henry King
Dans d'autres documents qui viennent d'être rendus publics, on peut voir Blumenthal, qui a témoigné devant un grand jury fédéral pendant l'enquête Lewinsky, se comporter comme un commissaire politique au moment où le scandale a éclaté.

Dans un mémo de 1998, Blumenthal montre du doigt le commentateur politique conservateur Bill Kristol qui avait dit être au courant des frasques de Bill Clinton avec Lewinsky avant que l''histoire n'éclate. Blumenthal observe que Krisol avait des liens avec un chef enquêteur d'opposition qui avait fait partie de l'équipe de l'ancien vice président Dan Quayle et à des membres conservateurs de la Federalist Society (organisation de juristes républicains).

Dans ce qui ressemblait à une vengeance politique, Megan Maloney, une assistante à la Maison Blanche avait envoyé à quatre membres de l'équipe Clinton la transcription de plaisanteries salaces faites en 1999 par le présentateur radio Tom Joyner sur les « compétences » acquises par Lewisnky à la Maison Blanche.

« Tu dois le sucer ! Et t'agenouiller et prier ! » aurait dit Joyner.

Maloney avait écrit, « S'il vous plaît, gardez ça en mémoire ma prochaine fois qu'il demandera une interview. »

Bill (David) Clinton et sextoy (Bethsabée) Monica Lewinsky
Bill (David) Clinton et sextoy (Bethsabée) Monica Lewinsky
Un autre document consigne la perte d'une broche en or en forme de saxophone d'une valeur de 4 200 dollars qui avait été conçue pour être offerte en cadeau à Clinton en 1994.
Intitulé « cadeau égaré », le document, rédigé par la conseillère Cheryl Mills, précise que la broche offerte par le saxophoniste James Steele avait été enregistrée par « inadvertance » comme acceptée par le président alors qu'en fait, elle avait été égarée avant même que le président ait été informé de son existence. »

vendredi 10 octobre 2014

The Economist explique la finance "islamique"

Je sors des sujets purement politiques avec cet article de The Economiqt sur les placements financiers dits islamiques.
Ces placements qui pouvaient paraître anecdotiques il y a une dizaine d'années sont en plein essor et se distinguent par un rendement assez intéressant même si leur place dans les transactions financières est limitée par leur quasi absence du marché secondaire, c'est-à-dire de la revente des titres. Aujourd'hui, de grandes places financières comme Londres ainsi que des banques privées occidentales proposent ce genre de placements.
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En 2010, la Grande Bretagne s'était déjà immiscée dans un marché jusque là propre aux pays musulmans
J'ai trouvé cet article instructif même si je reste dubitatif quant au caractère islamique des formules proposées qui me rappellent un lointain souvenir de la lecture d'un livre dont un passage était consacré à la finance judaïque, la finance qui concerne les Juifs dans leurs relations financières entre eux. En effet, si les banquiers juifs pratiquent communément le prêt avec intérêt (parfois usuraire), ils doivent limiter cette pratique à leurs relations avec les non juifs.

Pourquoi les produits financiers islamiques prennent en dehors du monde musulman

par J.F. à Singapour, The Economist (UK) 8 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

EN juin, la Grande Bretagne est devenue le premier pays non-musulman à émettre des sukuk , l'équivalent islamique d'une obligation (le mot lui-même est le pluriel de sakk , ce qui signifie contrat ou acte). L'Autorité monétaire de Hong Kong a procédé à une émission en Septembre , et les gouvernements du Luxembourg et d'Afrique du Sud suivront plus tard cette année. Mais la fièvre des sukuk ne s'est pas limitée limitée aux fonds d'Etat: le mois dernier Goldman Sachs a émis une obligation islamique, et avant la fin de l'année, la Bank of Tokyo-Mitsubishi et la Société Générale, une banque française, devraient faire de même. Toutes ces entités veulent être présentes sur un marché de la fiance islamique qui pèse $ 2000000000000 . Mais qu'est-ce que la finance islamique, et pourquoi suscite-t-elle l'intérêt des pays et des sociétés non-musulmans?

De façon générale, les produits financiers islamiques sont conformes au système de lois et de normes musulmanes connues par le terme charia . Les musulmans considèrent le porc, l'alcool, le jeu et la pornographie comme haram [illicites] , par exemple, donc les instruments islamiques d'investissement doivent clairement s'en détourner. Le Coran interdit avec véhémence l'usure. Le débat sur ​​ce qui est précisément entendu par là est ancien (et a conduit à la croissance d'une activité artisanale de conseillers en matière de charia: des savants religieux qui statuent sur ​​l'acceptabilité des produits et des innovations financiers et facturent souvent des honoraires considérables pour le faire). Mais dans la pratique, cela a amené la plupart des produits financiers islamiques à éviter le paiement ou la facturation d'intérêts, de sorte que les sukuk et les prêts hypothécaires islamiques doivent être structurés différemment des obligations et des prêts hypothécaires traditionnels. Au lieu de percevoir des paiements d'intérêts sur ​​l'argent prêté, comme dans une obligation classique, un sukuk ouvre généralement droit à son possesseur (nominal) à une participation aux actifs; il reçoit alors le revenu soit de profits générés par cet actif ou de loyers versés par l'émetteur [de l'emprunt]. Dans un prêt hypothécaire islamique, plutôt que de prêter de l'argent à un client qui va acheter une maison, la banque va acheter la maison elle-même. Le client peut alors soit racheter la maison à la banque à un prix convenu au-dessus du marché et payé par versements fractionnés (c'est ce qu'on appelle Murabahah ) ou il peut effectuer des versements mensuels comprenant une part de loyer et une part du prix d'achat jusqu'à ce qu'il devienne purement et simplement propriétaire de la maison ( ijara ).

La finance islamique traite aussi différemment le risque : la spéculation, ou maysir (mot utilisé aussi pour les jeux de hasard) et l'incertitude (gharar) sont considérées illicites. Ces interdictions tendent à exclure des produits dérivés options et opérations à terme qui ont tous été jugés nécessiter une spéculation excessive sur des événements à venir (ces répugnances expliquent que les banques islamiques ont généralement sorties de la crise financière en meilleure forme que les autres même si leur forte exposition dans le secteur de l'immobilier a fait qu'en fin de compte elles en ont aussi ressenti les effets). Plus largement, la finance islamique voit d'un mauvais œil les transactions qui ne reposent pas sur des actifs tangibles Les principes islamiques de partage des risques écartent les assurances conventionnelles parce qu'elles tendent ^être proposées par des compagnies dans l'intérêt des actionnaires plutôt que dans celui des assurés. Avec takaful, l'assurance islamique, plutôt que de payer des primes à une compagnie, l'assuré contribue à un fonds commun supervisé par un administrateur, et ils reçoivent tous les bénéfices des investissements réalisés par ce fonds.

Ces instruments peuvent sembler abscons, mais ils sont de plus en plus populaires. La vente par la Grande Bretagne de 323 millions de dollars en sukuk a attiré plus de 3 milliards de dollars de commandes. L'émission pour une valeur de 1 milliard de dollars par Hong Kong a attiré pour 4,7 milliards de dollars de commandes, dont près des deux tiers venaient de l'extérieur du monde musulman. Mais ces investisseurs n'ont pas pour autant placé leur argent en sukuk pour satisfaire à de bons sentiments multiculturalistes : ils l'ont fait parce que le produit proposé par Hong Kong était un actif à cinq ans libellé en dollars à 2,005 %, soit 23 points de base au dessus des bons du trésor américain à cinq ans. Le marché secondaire est peut-être limité – en général les investisseurs achètent et conservent les produits financiers islamiques plus qu'ils n'en font commerce – et, au risque de mélanger les métaphores abrahamiques , leurs structures de rémunération peuvent être quelque peu jésuitiques. Mais leur attrait se ramène à deux facteurs principaux. Premièrement, les produits financiers islamiques – en particulier les sukuk dont les émissions ont augmenté à un rythme annuel moyen de 35 % de 2001 à 2012 – ont commencé à attirer non seulement des clients religieux mais toutes sortes d'investisseurs en tant que pure proposition lucrative. Et en second lieu, ils ont permis aux institutions financières étatiques de puiser dans de vastes réserves de liquidités en quête de placements certifiés halal.

lundi 6 octobre 2014

L'armée turque parie sur la défaite des milices kurdes en Syrie

Le blogueur de Moon of Alabama suit avec attention les situations de crise et à cet effet il recourt essentiellement à des informations disponibles au grand public qu'il recoupe ainsi qu'à des informations « privées »qui remontent du terrain.
Il fait le point sur la situation militaire en Irak et en Syrie en apportant des éléments qui donnent à réfléchir.

La situation en Irak et en Syrie

Moon of Alabama, 5 octobre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri
Un état de la situation à partir de sources d'informations publiques et privées

Dans le nord-est de la Syrie, près de la frontière avec la Turquie, des combattants de l'Etat Islamique (EI) assiègent les combattants kurdes du YPG. Jusqu'à cet après-midi, les médias présents en Turquie pouvaient regarder juste de l'autre côté de la frontière et voir les blindés de l'EI encercler la ville de Kobane. Malgré ces cibles très visibles et facilement identifiables, il n'y a eu aucune frappe aérienne américaine pour contrer l 'offensive de l'EI et l'armée turque a gardé la frontière fermée.

Ayn al-Arab (Kobane) prise en étau entre l'armée turque et les milices de l'Etat Islamique (Daesh)
Ayn al-Arab (Kobane) prise en étau entre l'armée turque et les milices de l'Etat Islamique (Daesh)
Un obus de mortier, très probablement tiré par l'Etat Islamique, a touché une maison du côté turc. L'armée a alors déclaré le secteur zone interdite et a commencé à évacuer le village. Il y a quelques mois, quand quelque mortier tiré par l'armée syrienne s'égarait de l'autre côté de la frontière et tombait dans des champs de légumes en Turquie, les Turcs ripostaient par des tirs d'artillerie. Il n'y a pas eu de réaction de ce genre quand le mortier de l'EI a frappé aujourd'hui.

Les médias présents dans la zone ont reçu l'ordre de partir et alors qu'ils s'en allaient, les vans qui transportaient les équipes de la BBC et de CNN se sont fait tirer dessus à coup e grenades lacrymogènes par les forces de sécurité turques. Deux vans ont eu leurs fenêtres arrières brisées avec des grenades lacrymogènes entrant dans les véhicules. Les Turcs n'avaient à l'évidence pas envie que les gens puissent savoir ce qui se passe en ce moment à Kobane. Ce soir, les médias kurdes ont rapporté des échanges de tirs à l'intérieur de la ville.

En Irak, l'EI a attaqué aujourd'hui la ville de Ramadi, capitale de la province d'Anbar, dont ils s'est saisi en grande partie. Les forces de sécurité irakiennes auraient quitté la ville.
L'EI contrôle désormais l'axe Hit, Ramadi, Fallojah et l'autoroute 1 entre Bagdad et la Jordanie et l'autoroute 12 entre Bagdad et la Syrie. La seule ville d'importance qui reste entre la zone contrôlée par l'EI à l'ouest e Bagdad et l'Aéroport International de Bagdad est Abou Ghraib où une présence significative de l'EI a déjà été signalée. Si l'EI était en capacité d'utiliser une partie de l'artillerie dont il s'est déjà emparée, il pourrait fermer l'aéroport et ainsi rendre très compliquée toute évacuation des personnels US.

Les Etats Unis ont engagé aujourd'hui des hélicoptères d'assaut AH-64 Apache pour attaquer les positions de l'EI à Ramadi et à Hit. Ce genre d'hélicoptère est vulnérable aux tirs venant du sol et n'auraient pas été utilisés sauf nécessité extrême. Les Apaches sont stationnés sur l'aéroport de Bagdad dans le seul but d'en assurer la protection.

Des mercenaires de l'Armée Syrienne Libre payés par les USA ont pris une position de l'armée syrienne à al-Hurrah, à mi-chemin entre la frontière jordanienne et le sud de Damas. Ils venaient de l'ouest où ils ont pris position avec le Jabhat al-Nosra près de la ligne de démarcation avec Israël sur les hauteurs du Golan où ils sont protégés par l'artillerie israélienne. Des vidéos les montrent utilisant une quantité de missiles TOW livrés par les USA.

lance missile Tow manipulé par un milicien du Harakat Hazm, un groupe djihadiste agréé par Washington
lance missile Tow manipulé par un milicien du Harakat Hazm, un groupe djihadiste agréé par Washington
Un groupe de combattants de Jabhat al-Nosra venant de la région du Golan a essayé d'attaquer une position du Hezbollah dans l'est du Liban. Il est tombé dans une embuscade et a perdu quelque 30 combattants.

Au nord d'Alep, l'armée syrienne a presque refermé le cercle autour de la ville et les insurgés qui ont occupé certaines parties d'Alep seront bientôt sous un siège rigoureux.
Un grand nombre de combattants d'Ahrar al-Sham de la province d'Alep ont aujourd'hui fait allégeance à l'Etat Islamique qui sera bientôt la seule force antigouvernementale dans la ville.

samedi 4 octobre 2014

La guerre contre l'EIIL (Daesh) s'inscrit dans un nouveau plan pour détruire le régime syrien

Sur l'intervention occidentale en Syrie et ses paradoxes, je vous propose cet article du journal Al-Akhbar suivi de mon (long) commentaire.

La « guerre des ressources » menée par la coalition anti-EIIL frappe tous les Syriens

par Suhaib Anjarini, Al-Akhbar (Liban) 30 septembre 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri

Les frappes de la coalition internationale sur l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) et le Front al-Nosra en Syrie sont entrées dans leur deuxième semaine aujourd'hui, avec des dizaines de raids et de tirs de missiles visant les régions de Raqqa, Deir ez Zohr, al-Hasaka et Idlib.

Si les officiels des Etats Unis, pays qui est à la tête de la coalition anti-EIIL ont confirmé que « les frappes ont été des succès », l'EIIL est resté discret et n'a pas encore publié de communique « officiel. »

Le Front al-Nosra a par contre reconnu avoir subi de lourdes pertes après les attaques contre ses garnisons, et son chef Abou Mohammed al-Joulani a prévenu que cela «impactera toute la région et pas seulement al-Nosra. »

Un aperçu général des sites visés par les forces de la coalition suggère que les frappes aériennes dans les zones rurales d'Alep et d''Idlib pendant les premiers jours de l'opération ont un impact immédiat évident, tandis que les frappes constantes de la coalition sur les régions sous contrôle de l'EIIL ont une dimension stratégique et leurs répercussions pourraient bien aller au-delà de l'EIIL.

Dans les premiers jours, les frappes sur l'EIIL étaient limitées à quelques bases de l'organisation et à des camps d'entraînement, mais elles ont ensuite été étendues pour inclure des puits de pétrole, des raffineries, des champs gaziers et des silos à grain.

Tandis que certaines sources prétendent que ces attaques ont pour but de « tarir les sources de revenus de l'EIIL », d'autres sources affirment que ces actions visent en réalité les « infrastructures et l'économie syriennes. » Une source syrienne appartenant à la soi-disant opposition modérée a déclaré à al-Akhbar, « Les frappes récentes vont dans la bonne direction pour abattre à la fois l'Etat Islamique en Irak et au Levant et le régime. »
La source expliquait que « afin d'abattre les deux parties, certains sacrifices doivent être faits, et bombarder des puits de pétrole et des champs gaziers est seulement le début. » Il a aussi appelé à « viser les oléoducs, les gazoducs et les centrales électriques qui alimentent en électricité les régions contrôlées par le régime. »

« Ces mesures seront prises plus tôt qu'on ne le pense, même si les rebelles doivent prendre ces mesures par eux-mêmes, » a-t-il dit, ajoutant que « une guerre sur les ressources peut constituer une alternative acceptable à une zone d'exclusion aérienne. »
Les civils ont cependant été les premiers à payer le prix de ces attaques qui ont fait grimper en flèche les prix du carburant. En outre, toute nouvelle attaque contre les champs pétroliers syriens risque de provoquer plus de souffrances dans la région, tout particulièrement à l'approche de l'hiver.

La base du pouvoir de l'EIIL ne s'est pas encore effondrée dans les régions sous son contrôle. L'organisation maintient au contraire son emprise sur elles.

Par exemple, l'EIIL a récemment conduit des raids sur un certain nombre de secteurs des zones rurales à l'est de Deir ez Zohr pour capturer des membres du clan al-Shouaitat qui s'y étaient enfuis, tandis que l'organisation continue d'avancer en direction des régions kurdes de la campagne d'Alep.

Une source de l'EIIL sur le champ de bataille a déclaré à al-Akhbar que « l'EIIL était sur le point de libérer la zone et de vaincre les forces kurdes infidèles. »

« Toutes les informations des médias des croisés et de leurs alliés concernant le nombre de martyrs de l'EIIL sont mensongères, » déclare la source, « ils n'ont pas arrêté de mentir depuis l'invasion de l'Irak par les croisés, » ainsi que l'a déjà révélé le Cheikh al-Adnani [porte-parole officiel de l'EIIL].
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Cheikh al-Adnani, porte-parole de l'EIIL (Daesh)
La source qui n'était pas autorisée à donner d'informations sur le véritable nombre des pertes dans les rangs de l'EIIL a dit, « notre cellule vient juste de terminer un projet de rapport aujourd'hui [le 29 septembre] sur la situation dans les campagnes à l'est de Raqqa, et il montre que les attaques des croisés n'ont pas eu d'impact majeur . »

De son côté, une source djihadiste affiliée au Front al-Nosra observe que « les raids ne distinguent pas entre civils et djihadistes, il est évident pour chacun que la coalition des infidèles vise tous les Musulmans. »

« Leurs attaques contre les djihadistes sont de simples tentatives pour aider leurs protégés des brigades traîtresses à contrôler les régions libérées après l'élimination des djihadistes, » a ajouté la source.

Parlant à al-Akhbar, la source a révélé que « environ 150 personnes ont été tuées dans des régions contrôlées par al-Nosra, » mais elle a refusé de donner des précisions sur ce chiffre, affirmant que « nous ne distinguons pas entre le civil et le djihadiste, tout le monde ici est un djihadiste et nous les considérons comme des martyrs pour Dieu. »


Mon commentaire et mes observations sur la situation en Syrie :

Après avoir enregistré des succès foudroyants en Irak, l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) est aujourd'hui désigné en Occident comme l'ennemi du moment, et il est bien entendu affublé de toutes les caractéristiques auxquelles ont droit ceux que l'Occident a désignés comme ennemi,

Pour dire les choses, le portrait peu flatteur qui est dressé de ces « djihadistes » ressemble à peu de choses près à celui qui était brossé de Bachar al-Assad, la composante religieuse en moins quoique la propagande répandue dans la presse occidentale, française notamment, omettait rarement de mentionner l'appartenance du chef de l'Etat syrien à une tendance minoritaire de l'Islam, la secte alaouite elle-même résultat d'une évolution de la doctrine chiite.

Et puis, un ministre des affaires étrangères français, par ailleurs bien propre sur lui, n'avait-il pas affirmé que « Bachar al-Assad ne mériterait pas d'être sur la terre. » ?

Aujourd'hui, ce sont les gens de l'EIIL qui ne mériteraient plus d'être sur la terre sans pour autant que Bachar al-Assad ait gagné le droit d'y rester !

Entendons-nous bien, l'avènement de l'EIIL ou Daesh pour parler comme François Hollande (probablement pas foutu de développer cet acronyme) n'est pas une bonne chose pour les populations de la région dans leur ensemble et cette milice s'est rendue coupable de nombreuses exactions et crimes, en particulier mais pas seulement, à l'encontre des minorités religieuses.

Ce n'est cependant pas une raison pour céder aux délires de la propagande occidentale (voire même des milieux favorables au régime syrien) qui dépeignent l'EIIL comme une meute d'ogres assoiffés de sang et d'une cruauté sans bornes. Un certain nombre de récits qui circulent comme par exemple sur le commerce des femmes étiquetées comme du bétail ne sont des fables de nature à interpeller les imaginaires occidentaux en mobilisant toutes sortes d'images d'Epinal (sorties d'adaptations des Mille et une Nuits).

Ce sont en effet à peu près toujours les mêmes clichés qui ressortent à chaque fois que Washington et l'Axe du Bien sont décidés à châtier les méchants. Si les Occidentaux voulaient vraiment le bien des peuples de la région, ils cesseraient en premier lieu de chercher à tout prix la perte du régime syrien, quitte à générer le chaos dont l'EIIL est issu, un chaos que l'intervention militaire risque d'aggraver.

Pourtant l'EIIL ne dérangeait pas l'Occident il y a peu de temps encore quand il étendait son emprise sur certaines régions de Syrie. Déjà l'EIIL ou d'autres organisations semblables voire même modérées coupaient des têtes, parfois à la tronçonneuse (en France on utilisait la guillotine jusque dans les années 1970).

Qui plus est cet EIIL avant de s'autofinancer en vendant du pétrole extrait en Syrie a bénéficié de subsides et de renforts humains et matériels en provenance des monarchies du Golfe alliées de l'Axe du Bien.

Et last but not least, beaucoup des combattants de cet EIIL sont venus de Turquie, soit parce qu'ils vivaient dans ce pays, soit parce qu'ils y ont transité. Nous parlons là de milliers de personnes, voire de dizaines de milliers, c'est-à-dire d'un flux dont les autorités locales étaient nécessairement informées.

En fait, non seulement les autorités d'Ankara étaient informées, mais elles ont fait au mieux pour faciliter cette activité, recevant même des blessés dans les hôpitaux turcs.

C'est que l'EIIL poursuit en Syrie deux objectifs stratégiques pour un régime turc qui n'osait pas se donner le droit de les réaliser lui-même pour des considérations de politique intérieure et extérieure : détruire le régime syrien et neutraliser les milices kurdes de Syrie.
Les intérêts d'Ankara et de l'EIIL (Daesh) convergent
Les intérêts d'Ankara et de l'EIIL (Daesh) convergent
Aujourd'hui les choses changent puisque les aviations de l'Axe du Bien se précipitent pour bombarder les milices « djihadistes ».

On notera à ce sujet deux faits paradoxaux : le premier est que les plus grosses pertes dans les rangs « djihadistes » ne semblent pas avoir été subies par l'EIIL mais par le Jabhat al-Nosra, cette organisation affiliée officiellement à al Qaïda dont Laurent Fabius estimait qu'elle « faisait du bon boulot » en Syrie. Le deuxième est que, en dépit des bombardements (réussis selon les militaires français ou américains), l'EIIL continue à progresser dans sa confrontation avec les forces kurdes à la frontière syro-turque et qu'il s'est dangereusement rapproché de Bagdad.

On verra ce qu'il en sera par la suite car, ainsi que l'a déclaré le premier ministre britannique David Cameron, l'engagement militaire va durer.

Chaque pays a ses raisons de participer à la campagne militaire contre l'EIIL. On voit par exemple que pour la France, il s'agit à la fois de conforter sa place dans l'OTAN et de redorer le blason d'un François Hollande qui semble apprécier de jouer à l'homme fort.

Mais les motivations principales doivent être cherchées à Washington avec la reprise en main des affaires par les néocons à la faveur de la crise ukrainienne.

L'objectif semble maintenant clairement d'en finir avec le régime syrien mais sans intervenir directement militairement contre lui.

La stratégie adoptée par les néocons consiste à financer, armer, entraîner et recruter des combattants en nombre suffisant afin de reconstituer une opposition « modérée » (c'est-à-dire soumise à Washington). Ces mercenaires seraient amenés à occuper le terrain qui sera progressivement dégagé par l'affaiblissement des deux principales forces militaires « djihadistes », le Jabhat al-Nosra et l'EIIL.

L'objectif prioritaire semble d'ailleurs moins être pour l'instant l'EIIL que le Jabhat al-Nosra, ce dernier étant en effet sur des positions dans la région de Damas, du Golan et du Liban qui promettent une solution de continuité avec la Jordanie d'où les opérations sont commandées par des officiers anglais et américains. Le tout avec la protection de la DCA sioniste qui a instauré une zone d'exclusion aérienne de facto.
On nous a expliqué que la coalition de l'Axe du Bien cherchait à assécher les ressources financières de l'EIIL en frappant les installations pétrolières et gazières dont il tire de gros revenus.
Les choses ne sont pourtant pas si simples. On sait que l'EIIL ne tire pas ses revenus seulement de l'exploitation du pétrole puisqu'il bénéficie de largesses venues des pétromonarchies.
Ensuite, on sait que ce pétrole est vendu essentiellement en Turquie, pays qui n'a rien fait ou pas grand chose pour faire cesser la contrebande de ce produit.
Quant au gaz, il ne saurait être exporté que par gazoduc ou sous forme liquéfiée. Un gazoduc ne peut fournir qu'un client officiel, un autre Etat par exemple et il n'existe pas d'usine de liquéfaction en Syrie.
Le gaz dans le contexte politique actuel est donc un produit essentiellement à consommation locale : pour la cuisson ou le chauffage.
J'espère que quelqu'un demandera à Barack Obama comment les familles syriennes pourront se chauffer cet hiver. Peut-être en déboisant les quelques forêts qui existent en Syrie ?
En attendant de produire les effets recherchés, c'est-à-dire l'élimination du pouvoir baathiste en Syrie, nous sommes peut-être à la veille d'une crise humanitaire sans précédent en Syrie.
Les bombardements américains n'épargnent pas les civils
Les bombardements américains n'épargnent pas les civils; maison détruite par une attaque américaine sur un village syrien

Pour conclure, on comprendra bien que le but de ces bombardements est en réalité de détruire l'infrastructure économique syrienne afin qu'aucune force sur le terrain, ne puisse s'autonomiser par rapport à la volonté des USA.