lundi 17 mars 2014

En 1994, Alexandre Soljenitsyne posait déjà le problème de la Crimée et plus largement de l'Ukraine

 Les problèmes qui se posent aujourd'hui entre le nouveau régime ukrainien et les Etats Unis d'une part, et la Russie d'autre part avaient déjà été posés au début des années 1990 par l'écrivain Alexandre Soljenitsyne, c'est-à-dire avant qu'on entende parler de Vladimir Poutine et bien avant que ce dernier accède à un statut lui permettant de décider du destin de son pays. A toute fin utile, on rappellera que Soljenitsyne était un anticommuniste déterminé.
Alexandre Soljenitsyne
Alexandre Soljenitsyne
L'entretien initialement publié par le magazine Forbes a été reproduit dans l'édition du 14-16 mars 2014 de Counter Punch.
NB : j'ai été aiguillé sur cet article par un post d'Amazigh Maz, un facebookien souvent subtil.

La Nouvelle-Russie

Entretien avec Alexandre Soljenitsyne sur l'Ukraine

par Paul Klebnikov
Cet entretien a été publié dans l'édition du 9 mai 1994,du magazine Forbes
Avec une Russie en plein chaos, il peut sembler un peu tiré par les cheveux de la voir comme un agresseur.
La Russie d'aujourd'hui est terriblement malade. Son peuple est malades jusqu'à l'épuisement total. Mais même ainsi, il est conscient et ne demande pas que, juste pour plaire à l'Amérique - que la Russie abandonne les derniers vestiges de sa préoccupation relative à sa sécurité et à son effondrement sans précédent. Après tout, cette préoccupation ne menace en rien les États-Unis.
L'ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis Zbigniew Brzezinski n'est pas d'accord. Il fait valoir que les États-Unis doivent défendre l'indépendance de l'Ukraine.
En 1919, quand il a imposé son régime à l'Ukraine, Lénine lui a donné ses plusieurs provinces russes pour apaiser ses sentiments. Ces provinces n'ont jamais historiquement appartenu à l'Ukraine. Je parle les territoires de l'Est et du sud de l'Ukraine d'aujourd'hui.
 Puis, en 1954, Khrouchtchev, avec le caprice arbitraire d'un satrape, a fait «cadeau» de la Crimée à l'Ukraine. Mais lil n'a pas réussi à faire « cadeau » à l'Ukraine de Sébastopol, qui est restée une ville à part sous la juridiction du gouvernement central de l'URSS. Cela sera l'oeuvre du Département d'Etat américain, d'abord verbalement par l'Ambassadeur Popadiuk à Kiev et plus tard d'une manière plus officielle
Pourquoi le Département d'État décide-t-il qui doit posséder Sébastopol? Si l'on se rappelle la déclaration sans tact du président Bush en soutien à la souveraineté ukrainienne [sur Sébastopol], avant même le référendum sur cette question, on doit conclure que tout cela découle d'un objectif commun: utiliser tous les moyens possibles, quelles que soient les conséquences, pour affaiblir la Russie.
 Pourquoi l'indépendance de l'Ukraine affaiblit-elle la Russie?
En raison de la fragmentation soudaine et brutale des peuples slaves entremêlée, les frontières ont déchiré des millions de liens de famille et d'amitié. Est-ce acceptable? Les récentes élections en Ukraine, par exemple, montrent clairement les sympathies[russes] des populations de Crimée et du Donetz. Et une démocratie doit respecter cela.
Je suis moi-même presque à moitié ukrainien. J'ai grandi avec avec la musique du parler ukrainien. J'aime sa culture et je souhaite sincèrement toutes sortes de succès à l'Ukraine, mais seulement dans ses véritables frontières ethniques, sans usurper des provinces russes.

En Ukraine, les régions non russophones sont à l'ouest du pays (en bleu sur la carte)
En Ukraine, les régions non russophones sont à l'ouest du pays (en bleu sur la carte)

dimanche 16 mars 2014

Quand l’évocation de Juifs combattant aux côtés des soldats nazis débouche sur une argumentation islamophobe!

Ce n'est pas un fait abondamment couvert par le presse française, mais d'anciens membres lettons de la Waffen SS viennent dé défiler à Riga comme ils le font chaque année depuis que la Lettonie n'est plus une république membre de l'Union Soviétique.
Défilé d'anciens combattants de la Waffen SS à Riga
16 mars 2014: défilé d'anciens combattants de la Waffen SS à Riga
La Légion lettone de la Waffen SS continue de déchaîner les passions, aussi bien dans ce pays balte de 2 millions d'habitants qu'à l'étranger, notamment au sein de la communauté juive. Moscou et la minorité russe de Lettonie y voient une glorification du nazisme, alors que les anciens combattants et leurs partisans affirment que les légionnaires n'étaient pas des nazis, mais qu'ils se battaient pour l'indépendance.
Le ministre letton en charge de l'environnementEinars Cilinskis , a participé à ce rassemblement, ce qui lui a quand même valu d'étre évincé du gouvernement.
Einars Clinkis, ex ministre de l'environnement de Lettonie
Einars Clinkis, ex ministre de l'environnement de Lettonie
A la différence de l'Ukraine, on note ici que communauté juive et communauté russe sont sur la même longueur d'onde pour stigmatiser cette marche de commémoration.
Une marche qui nous vaut un excellent numéro de pilpoul de la part du Centre Simon Wiesenthal (Marque déposée).
"Dans les pays baltes, beaucoup de ceux qui ont lutté contre le communisme ont aussi assassiné des juifs. De ce point de vue, ils ne méritent pas d'être les héros de la nouvelle et démocratique Lettonie", a déclaré le directeur du centre Simon Wiesenthal à Jérusalem. "Ce qui se passe en Ukraine reste évidemment en rapport avec ce qui se passe ici. Si des gens sont inquiets ici, je comprends parfaitement qu'ils ont raison de l'être. Une marche nazie ici ne peut que nourrir la propagande de Poutine", a-t-il ajouté.
On aimerait connaître la position du Centre Simon Wiesenthal sur le sujet dont je vous entretins dans ce post.
On savait que des soldats « juifs » avaient combattu dans les rangs de l'armée allemande pendant la seconde guerre mondiale.
On apprend maintenant que des Juifs avaient aussi servi et combattu dans l'armée finlandaise aux côtés des troupes allemandes. A l'époque l'Union Soviétique était l'ennemi commun de l'Allemagne et de la Finlande.
Cette histoire est relatée dans un long article du Daily Telegraph, un article qui étonne pour certaines raisons.
La première est que justement, l'auteur ne s'étonne pas plus que ça de l'implication de soldats finlandais de confession juive aux côtés de l'armée allemande. En effet, non seulement les Allemands savent (assez souvent apparemment) qu'ils combattent avec des Juifs mais ces derniers étaient aussi informés de la politique antisémite du Reich.
Et comme on le voit dans l'article, la relation entre les uns et les autres est pour le moins cordiale, au point que des soldats allemands assistent par exemple à un office religieux dans une synagogue dressée non loin du théâtre des combats..
Si l'article explique corrrectement les motivations des soldats juifs finlandais, patriotisme et défense du pays, il n'explique pas le comportement des militaires allemands qui apparemment se laissent éjecter sans broncher d'un commerce tenu par un Juif ! Et qui accordent la distinction prestigieuse qu'est la Croix de Fer à trois citoyens finlandais dont ils n'ignorent pas qu'ils sont juifs !
Le deuxième – et principal en réalité – motif d'étonnement est que cet article qui soulève d'importantes questions sur le rapport des Juifs à l'Allemagne et de l'Allemagne aux Juifs à l'époque glisse finalement vers un argumentaire islamophobe et à la gloire des Juifs si ce n'est du judaïsme.
On se demande effectivement par quel chemin tortueux l'auteur de l'article, qui semble ignorer que des centaines de milliers de soldats musulmans ont contribué à la défaite du nazisme, en vient à comparer la position de l'Islam qui chercherait à modifier les lois du pays où ses adeptes sont installés et le judaïsme qui exhorterait ses fidèles à adhérer aux lois du pays et à prouver qu'ils sont parmi les « meilleurs citoyens ».
On aurait aimé que le journaliste nous cite les extraits du Talmud qui invitent les Juifs à s'intégrer, tel est le mot qui convient, dans les sociétés où ils vivent. Eh bien non, puisqu'il choisit ce citer une femme rabbin d'une synagogue libérale, c'est-à-dire un courant du judaïsme minoritaire, sauf peut-être aux Etats Unis et qui jusqu'à la seconde guerre mondiale était défavorable à l'idéologie sioniste. Par ailleurs, ce judaïsme libéral (ou réformé) est un courant tout à fait récent et n'est en rien caractéristique essentielle du judaïsme dans le rapport avec la société où il est présent.
Ce qui n'empêche pas l'auteur de conclure que, [excellent] citoyen ou pas, le Juif restera toujours fondamentalement séparé du non juif.
Autant dire qu'il n'y a pas de remède possible à l'antisémitisme hormis l'émigration en Palestine occupée.
Un article qui, en fin de compte, nous rappelle qu'il serait salutaire de revisiter l'histoire de la seconde guerre mondiale et des événements qui ont abouti à son déclenchement, Et que lla transformation de « l'antisémitisme » délitant « en un « philosémitisme » tout aussi dénué de raison, permet au racisme, contre les Musulmans notamment, de s'exprimer en toute bonne conscience.
Ils combattaient à leurs côtés , les soignaient et se liaient souvent d'amitié avec eux. Mais quel est aujourd'hui le sentiment des Juifs finlandais sur leur troublante – et rarement mentionnée – alliance avec les Nazis ?
Par Paul Kendall, The Daily Telegraph (UK) 14 mars 2014
En Septembre 1941, un médecin a effectué un acte si héroïque, qu'il a été décoré de la Croix de Fer par le haut commandement allemand. Au mépris de sa propre sécurité, et en sous un intense bombardement soviétique, le Major Leo Skurnik, un médecin généraliste qui avait autrefois ambitionné de devenir pianiste de concert, avait organisé l'évacuation d'un hôpital de campagne à la frontière russo-finlandaise, sauvant la vie de plus de 600 hommes, y compris des membres de la SS.
Skurnik était loin d'être le seul soldat à avoir reçu la Croix de Fer au cours de la Seconde Guerre mondiale . Plus de quatre millions de personnes ont reçu cette décoration. Mais Skurnik avait une particularité remarquable: il était juif. Et Skurnik n'était pas le seul Juif à combattre au côté des Allemands. Plus de 300 d'entre eux faisaient équipe avec les Nazis lorsque la Finlande, qui avait un ennemi commun en l'Union soviétique, est entrée à son tour en guerre en Juin 1941.
L'alliance entre Hitler et la race qu'il voulait anéantir – le seul exemple de Juifs combattant pour un allié de l'Allemagne – est un des plus extraordinaires aspects de la seconde guerre mondiale, et pourtant, très peu de gens, y compris en Finlande, en ont une connaissance quelconque.
« J'ai vécu 25 ans ici avant d'en avoir entendu parler, et je suis juif, » déclare John Simon, un Newyorkais qui s'est établi à Helsinki en 1982. « Ce n'est pas une histoire dont on parle beaucoup. »
Les raisons pour lesquelles on en parle rarement racontées touchent au cœur même de ce que signifie être juif et la quête d'acceptation par cette race [juive!] pour être acceptée dans une longue série de pays d'accueil peu enthousiastes. Les anciens combattants juifs - une poignée d'entre eux est encore en vie aujourd'hui - insistent pour dire qu'ils n'ont pas honte de ce qu'ils ont fait. Mais passez une soirée en leur compagnie et parlez à d'autres membres de la communauté qui ont étudié les événements en détail, et vous comprendrez vite que «le compromis », un Choix de Sophie sur le champ de bataille, a laissé de profondes cicatrices psychologiques.
C'est en 1939 qu'Aron Livson connut son baptême du feu. A l'âge de 23 ans, ce fils de chapelier de la ville de Vyborg avait été incorporé dans l'armée quand l'armée soviétique envahit la Finlande. Comme beaucoup de Juifs, il était déterminé à accomplir son devoir au mieux de ses capacités, et à donner sa vie pour son pays si nécessaire.
Presque sans exception, les Juifs de Finlande étaient des descendants de soldats russes qui avaient été affectés dans la région pendant leur service militaire. (Sous la domination russe, les Juifs étaient enrôlés de force dans l'armée dès l'âge de 10 et devaient servir jusqu'à 25 années). Ils étaient considérés avec suspicion par le reste de la Finlande, qui lavait elle-même été gouverné par la Russie jusqu'à son indépendance en 1917, et la guerre qui a éclaté en 1939, connue en Finlande sous le nom de guerre d'hiver, avait été considéré par la petite population juive comme une chance de prouver qu'ils étaient de loyaux citoyens finlandais .
Livson avait combattu dans l'isthme de Carélie et, quoique l'armée finlandaise avait dû finalement battre en retraite devant des forces russes beaucoup plus importantes, il avait combattu si vaillamment, faisant preuve d'une grande compétence et initiative, qu'il avait été promu sergent.
Pendant un certain temps, une paix fragile régna entre la Finlande et l'Union soviétique, mais, quand Hitler lança l'opération Barbarossa , l'invasion surprise de l'État communiste, la Finlande vit une occasion de reprendre le territoire qu'elle avait perdu dans la guerre d'Hiver et elle unit donc ses forces avec Allemagne.
Comme tous les Juifs, Livson avait entendu les diatribes venimeuses de Hitler contre son peuple. Il avait entendu parler de la Nuit de Cristal , des attaques contre les maisons, les entreprises, les écoles et les synagogues des Juifs allemands en Novembre 1938. Mais, quand il reçut l'ordre de rejoindre la lutte contre la Russie, il n'envisagea pas un instant de désobéir.
Livson a 97 ans aujourd'hui et il na plus grand chose du rude soldat difficile qu'i il était à l'époque, mais sa voix reste forte et claire, sa poignée de main ferme et ses opinions inébranlables.
«Je faisais mon devoir, comme tout le monde, » dit-il. «Nous n'étions pas des Juifs qui combattaient dans une armée finlandaise - nous étions des Finlandais, des soldats finlandais, combattant pour notre pays." Nous nous sommes rencontré dans la cafétéria au sous-sol de la synagogue de Helsinki, en présence de l'épouse de Livson et d'autres membres de l'association des anciens combattants juifs finlandais. L'ambiance était conviviale, joviale même, comme c'est parfois le cas dans les discussions entre anciens combattants, mais on ne pouvait pas se méprendre sur le sérieux de Livson. Quand il évoque un point important, il martèle le sol avec sa canne pour souligner chaque mot.
 En plus d'avoir fait leur devoir de soldats et d'avoir prouvé leur loyauté envers leur pays, les anciens combattants insistent pour dire qu'ils étaient heureux de se battre pour une autre raison: de leur point de vue, la Finlande et l'Allemagne menaient deux guerres distinctes, disent-ils, la Finlande une guerre d'auto-défense et l'Allemagne une guerre de conquête. «Je n'avais rien à voir avec les Allemands», dit Livson. "Il n'y avait pas d'Allemands là où je servais. Ils étaient 200 km au nord de mon régiment ».
Mais tous les Juifs n'ont pas été aussi chanceux. A la frontière avec la Russie, dans la région de Carélie, les troupes finlandaises et allemandes combattaient côte à côte et les Juifs devaient composer avec deux ennemis : un en face d'eux et l'autre dans leurs rangs.
Ils vivaient dans la crainte permanente que leur identité soit révélée, mais, fait incroyable, quand c'était le cas où il était, les soldats allemands ont pris l'affaire plus loin. Les hommes étaient finlandais, ils avaient l'entier soutien de leurs officiers supérieurs, et les Allemands - bien que souvent choqués de se retrouver à combattre aux côtés de Juifs - n'avaient pas le pouvoir de s'en prendre à eux. En fait, quand ils [les Allemands] se retrouvaient face à un officier juif supérieur en grade, ils étaient obligés de saluer.
Il y avait certes eu des soldats allemands en Finlande et un commandement allemand ainsi que la Gestapo à Helsinki, mais la Finlande rejeta les demandes de Hitler d'introduction de lois anti-juives. Lorsque Heinrich Himmler , l'architecte de la solution finale, vint en Finlande en Août 1942 et interrogea le Premier ministre Jukka Rangell sur la "question juive", Rangell répondit: «Nous n'avons pas de question juive».
"Il faut savoir», dit John Simon, qui a interviewé pendant plusieurs années des anciens combattants au sujet de la guerre pendant plusieurs années, "que seulement 20 ans avant, la Finlande avait connu une horrible guerre civile qui avait coupé la société en deux. Par la suite, il y avait eu un effort concerté, mené par quelques brillants hommes politiques, pour unir le pays - pour que les Rouges et les Blancs [communistes et non communistes, NdT] vivent ensemble.Les Juifs faisaient partie de cette action de rassemblement de tout le peuple.
«Les responsables politiques étaient déterminées à protéger tous les citoyens, même les anciens communistes. S'ils avaient fait une exception, même pour les Juifs, ils auraient détruit leur propre raisonnement. "
Un général, Hjalmar Siilasvuo, était ouvertement fier de l'origine juive de ses soldats. Dans les mémoires de Salomon Klass, un autre soldat juif qui a été décoré de la Croix de Fer, Klass, qui avait perdu un oeil dans la guerre d'hiver, raconte une histoire sur le général lui demandant de venir à une une réunion et le présentant aux officiers allemands présents comme "un de mes meilleurs commandants de compagnie ". "Le Général Siilasvuo savait très bien qui j'étais et à quelle partie de la population j'appartenais", écrit Klass. Les Allemands n'avaient rien dit.
Leo Skurnik, (à g.), et Salomon Klass
Leo Skurnik, (à g.), et Salomon Klass
Plus troublants peut-être, étaient ces histoires d'amitiés nouées entre des juifs et de simples soldats de la Wehrmacht, révélées par l'historien finlandais Hannu Rautkallio, 
"J'ai entendu une histoire à propos d'un soldat juif qui faisait le chemin de retour au camp [militaire] avec un Allemand de même grade," dit Simon. «Le Juif a dit à l'allemand,« Quand nous serons de retour au camp, il ne faut pas dire aux gens que je suis juif. " L'allemand lui a répondu: «Mais rien ne va t'arriver - tu es un soldat finlandais. C'est moi qui aurais des ennuis. " "
Les sentiments étaient particulièrement vifs chez les blessés. Un album qui appartenait à Chaje Steinbock, une infirmière juive du principal hôpital de Oulu, à près de 400 kilomètres au nord d'Helsinki, contient plusieurs messages sincères de patients allemands. "Pour ma chérie, ce que vous êtes pour moi, je vous l'ai dit," commence un d'un soldat qui se fait appeler Rudy. "Ce que je suis pour vous, je ne l'ai jamais demandé. Je ne veux pas le savoir, je ne veux pas pas l'entendre parler, parce que trop savoir peut détruire le bonheur. Je vais vous dire une seule chose: je voudrais vous donner tout ce que votre coeur désire. Vous êtes la femme la femme que j'ai aimée par dessus tout. Jusqu'à présent, je n'avais jamais cru que cela puisse exister. "
journal infirmière
L'album de Chaje Steinbock
Une autre femme, Dina Poljakoff, qui travaillait comme aide-soignante, aurait fait une telle impression sur ses patients allemands que, comme Skurnik et Klass, elle a reçu la Croix de fer (la troisième et dernière des Juifs finlandais à avoir été décorée de cette médaille). "Les femmes non-aryennes n'étaient pas supposées soigner des hommes aryens et les Allemands savaient que ma mère était juive, mais en dépit de tout cela, ils l'aimaient," dit Aviva Nemes-Jalkanen, la fille de Steinbock.
On rapporte même que lesAllemands auraient visité une synagogue de campagne installée à proximité de la ligne de front. «C'était une image incroyable," disait Rony Smolar, le fils de Isak Smolar, l'homme qui avait fondé la synagogue, lors d'une conférence aux États-Unis en 2008. "Les soldats allemands en uniforme, assis coude à coude avec les hommes juifs priant. Les fidèles juifs avaient même remarqué que certains Allemands témoignaient d'un certain respect pour l'office religieux juif ».
Synagogue de campagne dressée près de la ligne du front finno-soviétique
Synagogue de campagne dressée près de la ligne de front finno-soviétique
Bien sûr, de nombreux détails de l'Holocauste étaient alors encore secrets. Les soldats juifs ne connaissaient pas les chambres à gaz et les horreurs d'Auschwitz, de Dachau et Bergen-Belsen. Mais la plupart étaient en contact avec des parents en Pologne et dans d'autres pays d'Europe orientale.
«Ils recevaient des lettres», explique Simo Muir, professeur adjoint d'études juives à l'Université d'Helsinki. «Ils étaient au courant des déportations."
Leo Skurnik était certainement conscient des dangers. Scientifique de talent dont la carrière avait été bloquée par l'antisémitisme en Finlande, il avait dans sa famille des commis voyageurs qui lui avaient écrit sur les nuages qui s'amoncelaient sur l'Europe. "Il en savait assez pour avoir peur», dit son fils, Samuli. Néanmoins, en tant que médecin en charge de soldats allemands et finlandais, il a refusait de discriminer.”
"Si vous voulez décrire mon père, la seule caractéristique vraiment saillante chez lui était son humanité. Il avait fait le serment d'Hippocrate et c'est pourquoi il ne se serait jamais détourné d'un homme blessé, quelle que soit sa nationalité ".
Et il y avait beaucoup d'Allemands blessés qui avaient besoin de son aide. Le secteur où Skurnik était stationné a vu certains des combats les plus féroces de la guerre et aussi bien son régiment, le 53e d'infanterie, que la division SS allemande avec laquelle il combattait, avaient subi de lourdes pertes.
«C'était vraiment horrible», dit Samuli. "Il y avait beaucoup de victimes et mon père n'avait pas assez de médicaments." Mais Skurnik n'a jamais renoncé. A un moment, il s'est même aventuré dans un no man's land pour sauver des soldats allemands blessés lquand aucun autre officier n'osait le faire. Enfin, comme il n'y avait aucun signe d'accalmie dans le bombardement russe, il prit la décision d'évacuer l'hôpital de campagne. Cette opération, à travers près d'une dizaine de kilomètres de tourbières, lui a valu la Croix de fer, mais, comme Klass, qui a remporté sa décoration pour avoir ouvert la voie à un assaut allemand à flanc de colline, et Dina Poljakoff, Skurnik la refusa.
«Quand les Allemands ont décidé qu'ils aimeraient donner cette décoration à mon père, ils l'ont fait savoir au général Siilasvuo. Il l'a alors dit à mon père qui pensait que ce devait être une erreur et avait décidé de voir ce qui se passerait lorsque Berlin aura découvert qu'il était juif. Mais, après un certain temps, le général Siilasvuo revint vers mon père et lui a dit que la décision avait été approuvée. Il a dit au général: «Mon bon ami, pensez-vous que je peux prendre ce genre de décoration? Faites savoir à vos collègues allemands que je me torche le cul avec! Le général leur a répété, mot pour mot, ce que mon père avait dit. "Les Allemands, furieux, ont alors dit à Siilasvuo de leur livrer Skurnik pour qu'il soit puni peine, mais il a refusé.
 Il y eut beaucoup d'autres actes de mini-rébellion pendant la guerre. Un médecin en poste à Oulu, qui avait moins – ou plus, diront certains – de principes que Skurnik, qui avait refusé de soigner les Allemands avait été transféré à un autre secteur. Sissy Wein, une chanteuse juive qui était la réponse de la Finlande à Vera Lynn, refusait de chanter pour les soldats allemands. Et le père et le frère de Aron Livson, stationné dans la ville de Kotka affichaient au quotidien leur dédain pour leurs soi-disant "alliés". "Mon frère, qui était un sergent dans la défense anti-aérienne, refusait de saluer les Allemands et mon père mettait les Allemands dehors quand ils venaient dans sa boutique», dit Livson. Un tel comportement dans une autre partie de l'Europe aurait signifié une mort certaine.
Néanmoins, après la guerre, quand les horreurs de l'Holocauste se révélèrent, un malaise relatif à leur traitement de faveur se répandit tant parmi les Juifs finlandais eux-mêmes que dans la communauté juive dans son ensemble. Lors d'une réunion d'anciens combattants à Tel Aviv en 1946, les Finlandais avaient presque été rejetés comme des traîtres. Ne leur était-il jamais venu à l'esprit, leur avait-on demandé, qu'en aidant Hitler, ils avaient prolongé la durée de son pouvoir et ainsi permis que plus de Juifs aillent dans les chambres à gaz que s'ils s'étaient comportés autrement?
Ce malaise est encore décelable aujourd'hui. Quand je le répète le passage sur la Finlande "aidant l'Allemagne", je sens la température baisser dans la pièce où nous sommes.
"Nous n'avons pas aidé les Allemands," jette Kent Nadbornik, le président de la Guilde des anciens combattants finlandais juifs. «Nous avions un ennemi commun qui était les Russes et c'est tout."
Sémantique mise à part, une autre justification essentielle pour les anciens combattants - que preuve a été faite de leur loyauté envers l'Etat finlandais - a également été l'objet de critiques au cours de ces dernières années. La "ligne officielle" est que la présence des Juifs dans l'armée a non seulement mis à mal l'antisémitisme dans le pays, mais qu'elle a également protégé de l'Holocauste l'ensemble de la population juive de Finlande.
La réalité d'une phrase très importante citée ci-après et qui aurait été, suppose-t-on, dite par le commandant en chef de l'époque de la guerre Gustav Mannerheim à Himmler - "Alors que des juifs servent dans mon armée, je ne vais pas permettre leur expulsion" - a été mise en doute par les historiens, qui pensent maintenant que Mannerheim ne savait même pas que des Juifs avaient combattu dans l'armée finlandaise avant une visite pour un service commémoratif dans une synagogue d'Helsinki en 1944. «Peut-être que», explique Simo Muir, "dans la période de l'après-guerre, la valeur des juifs [sic] qui ont combattu pour la Finlande a été surestimée." S'ils étaient coupables de quelque chose, c'est d'avoir fait trop d'efforts pour s'adapter.
Contrairement à l'islam, qui exhorte ses disciples à réformer la loi de leur pays d'accueil afin qu'elle se conforme à la loi musulmane, les textes principaux du judaïsme soulignent l'importance d'adhérer à la loi du pays, même si la société est laïque [secular]. Des centaines d'années de persécution et un désir d'échapper aux ghettos, d'aller à l'université et de jouer un rôle actif dans la politique et la société, ont ajouté au fort désir d'adaptation des Juifs.
« Au long des siècles, les Juifs ont voulu prouver qu'ils étaient parmi les meilleurs citoyens, » affirme Lea Mühlstein, une femme rabbin de la synagogue libérale Northwood and Piner. « Il voulaient montrer qu'il n'y avais pas de conflit entre être un Juif et être un patriote, qu'il n'y avait pas de double loyauté. »
Mais les Juifs finlandais étaient dans une mission impossible.Quoiqu'ils aient pu faire, il y avait toujours une différence incontournable [inescapable] entre eux et leurs compatriotes finlandais : ces derniers se battaient pour leur destin, mais si Hitler avait gagné, les soldats juifs n'auraient eu aucun avenir. Qu'étaient-ils supposés faire ? C'est la question à laquelle personne en peut répondre.

mercredi 12 mars 2014

Jésus au checkpoint contre le sionisme "chrétien"

Le combat armé n'est qu'une des modalités du conflit qui oppose Palestiniens et Sionistes pour le contrôle de la Palestine. A un certain stade de la lutte du peuple palestinien il peut en être une caractéristique prédominante, à d'autres il peut passer au second plan, question de stratégie et de circonstances.
Parce que la lutte des Palestiniens pour le recouvrement de leurs droits sur leur patrie ancestrale est avant tout un combat politique qui ne s'achèvera qu'une fois satisfaits les objectifs nationaux de ce peuple.
Comme toute lutte politique, le combat palestinien prend diverses formes outre la lutte armée : manifestations, information, appels au boycott etc. Et ce combat politique n'a pas de frontière pour trois bonnes raisons : le déni des droits des Palestiniens est une question de droit international, plusieurs pays de la région sont impliqués directement, ne serait-ce que par le fait que certains accueillent de nombreux réfugiés palestiniens et enfin parce que l'entité sioniste s'appuie aujourd'hui comme hier sur d'importants soutiens en Occident, aux Etats Unis en premier lieu.
De ce fait, tout ce qui popularisera la lutte du peuple palestinien et son caractère juste est de nature à être suivi de mesures concrètes venues du terrain (comme les boycotts ou les missions humanitaires) et de nature à affaiblir le régime sioniste.
La popularisation de la lutte palestinienne amènera tôt ou tard les gouvernements occidentaux à réduire ou conditionner leur soutien au régime sioniste même si dans l'immédiat ce dernier a choisi d'exercer de plus en plus directement son contrôle sur les politiciens occidentaux, un fait que l'affaire Dieudonné a démontré de manière éclatante en France.
Aux Etats Unis, où le lobby sioniste est très influent à tous les échelons du pouvoir politique, les choses sont en train de bouger et elles le font sur deux fronts qui se chevauchent parfois : les campus universitaires ou l'activisme sioniste est de plus en plus contesté, y compris au sein d'organisations juives, et les différentes églises qui constituent la religion protestante majoritaire aux Etats Unis.
On l'a vu récemment avec l'église presbytérienne et on le voit aussi jusque dans les églises évangéliques qui sont considérées comme le socle du sionisme chrétien.
L'article que je vous propose laisse entendre qu'il faut nuancer le propos et que l'engagement sioniste n'a jamais été le fait de la majorité des dirigeants de ces élises évangéliques. Il laiss entendre aussi que les choses sont en train de changer dans le sens d'un rééquilibrage plus favorable aux positions pro-palestiniennes,
Ce sont des évolutions assez timides qui inquiètent toutefois Christians United For Israel (CIFI), l'expression organisationnelle du sionisme chrétien dont le directeur exécutif est un certain David Brog qui n'est autre que le cousin d'Ehud Barak.
Ehud Brak est le fils d'Israel Brog
Ehud Barak est le fils d'Israel Brog

 L'emprise israélienne sur les Chrétiens évangéliques se désserre

La jeune génération est ouverte au point de vue palestinien sur le conflit
par Nathan Guttman, The Jewish Forward (USA) 11 mars 2014
L'affaiblissement du soutien à Israël chez les Chrétiens évangéliques est à l'origine d'une nouvelle lutte pour conquérir les esprits et les cœurs des membres les plus jeunes du groupe pro-Israël le plus important en nombre.
Même si on ne dispose pas de chiffres précis, les dirigeants évangélistes des deux tendances relativement à Israël sont d'accord pour dire que les membres de la génération du millénaire ne partagent pas la passion de leurs parents pour l'Etat juif;nombre d'entre eux sont même en recherche d'une certaine forme d'impartialité dans l'approche du conflit israélo-palestinien.
« Ce qui se passe, c'est que la ligne dure du sionisme chrétien n'a pas été transmise avec succès à la génération suivante parce qu'elle est basée sur des thématiques théologiques qui sont maintenant remises en question par de jeunes évangéliques, » explique David Gushee, professeur d'éthique chrétienne et directeur du Center for Theology and Public Life à l'université Mercer d'Atlanta.
L'emprise du sionisme chrétien sur les évangéliques les plus jeunes s'affaiblit depuis quelques années, selon des observateurs membres de la communauté. Mais dans les dernières semaines, la plus importante organisation évangélique pro-israélienne, Christians United for Israel (CUFI), a tiré la sonnette d'alarme dans des articles et des interviews qui dénoncent les percées réalisées par les activistes pro-palestiniens dans la communauté évangélique. Les dirigeants de CUFI appellent à une stratégie nouvelle pour les contrer.
« La seule manière de résoudre le problème est d'en informer les gens, » affirme le directeur exécutif de CUFI, David Brog, qui a pris la tête de l'offensive pour récupérer les jeunes évangéliques. « C'est la meilleure façon de rassembler nos troupes. »
Brog a écrit un long article, publié dans l'édition de printemps du Middle East Quarterly dans lequel il expose en détail ce qu'il voit comme un phénomène croissant et les raisons qui sont derrière. Intitulé « La fin du soutien évangélique à Israël ? », l'article déplore que la remise en cause du soutien sans réserve des Chrétiens à l'Etat juif est en train de rapidement devenir une des voies royales chez les millénaristes pour faire preuve de compassion chrétienne et de bona fides. » Brog soutient que les jeunes évangéliques sont maintenant « en jeu » et que leur soutien à Israël ne peut plus être tenu pour acquis.
Cette conclusion se base d'abord sur un ressenti et sur des informations anecdotiques. En juin 2011, le Pew Ressearch Center avait réalisé une enquête auprès de leaders évangéliques réunis au Cap en Afrique du Sud pour le troisième Congrès de Lausanne pour l'Evangélisation du Monde. Les résultats indiquaient un soutien pour Israël moindre que prévu. Une majorité (43%) des dirigeants évangéliques exprimaient leur neutralité quand on les interrogeait pour savoir s'ils éprouvaient plus de sympathie pour les Israéliens ou pour les Palestiniens . 30 % d'entre eux avaient exprimé leur soutien à Israël contre 13 % aux Palestiniens.
L'enquête n'avait touché que les dirigeants qui avaient participé à cette conférence internationale et n'éclairait en rien sur les opinions de la base évangélique. Mais elle avait mis en lumière le fait que seule une minorité parmi les dirigeants évangéliques actuels avaient des opinions franchement pro-israéliennes en ce qui concerne l'occupation de la Cisjordanie par Israël et le conflit avec les Palestiniens.
Pourtant, le sionisme chrétien est de loin le plus important courant organisé sur la question du Moyen Orient chez les évangéliques. CUFI, présidé par le révérend John Hagee, fondateur de la Cornerstone Church à San Antonio, a 1,6 millions d'adhérents et a 25 employés à plein temps. Avec un budget de fonctionnement supérieur à 7 millions de dollars, CUFI organise des dizaines d'événements en faveur d'Israël dans tout le pays ainsi qu'une conférence annuelle à Washington qui réunit des activistes évangéliques et des politiciens. Les dirigeants de CUFI essayent maintenant de mobiliser des bailleurs de fonds et des soutiens pour traiter le changement qui s'opère dans la jeunesse de leur communauté religieuse. Le défi auquel ils sont confrontés est constitué d'individus, de militants et de professeurs sur les campus universitaires et même de films documentaires qui présentent Israël comme entravant la liberté religieuse des Chrétiens en Terre Sainte.
 Dans les campus universitaires, le Palestiniens chrétiens ont eu une certaine réussite face aux 120 sections de CUFI bien installées. Des militants du Wheaton College, une importante faculté chrétienne de l'Illinois, ont protesté en 2009 contre une manifestation prévue par CUFI sur le campus ; à Tulsa, dans l'Oklahoma, l'université Oral Roberts a nommé un critique acerbe d'Israël à son conseil d'administration, et à l'université Bethel dans l'Ohio, le président de l'université, Jay Barnes, a visité Israël et les territoires palestiniens dans un voyage qui a changé la vision du conflit par les participants. Barabara Barnes, l'épouse du président de l'université, a publié un poème après le voyage dans lequel elle écrit : « L'apartheid est devenu un mode de vie. Je suis sûre que Dieu pleure. »
Les évangéliques américains qui ont de la sympathie pour les Palestiniens font aussi venir des coreligionnaires en Israël et en Cisjordanie pour des circuits et des conférences. Cette semaine, le Bethlehem Bible College et le Holy Land Trust dont le siège se trouve à Bethléem organisent leur 3ème conférence « Jésus au checkpoint ».Parmi les orateurs participant à cette réunion qui présente aux Chrétiens le point de vue palestinien sur l'occupation de la Cisjordanie par Israël, se trouvent le Dr Izzeldin Abuelaish, le médecin de Gaza qui travaillait en lien étroit aussi bien avec les Arabes qu'avec les Juifs israéliens jusqu'à ce que ses trois filles soient tuée chez dans leur maison par un tir de blindé israélien pendant la campagne militaire de 2008 ; William Wilson, le président de l'université Oral Roberts  et Gary Burge, un professeur de théologie au Wheaton College et auteur du livre « Whose Promise ? What Christians Are Not Being Told About Israel and the Palestinians. » [La promesse de qui ? Ce qu'on ne dit pas aux Chrétiens sur Israël et les Palestiniens .]
Le « manifeste » en douze points de la conférence condamne fermement « toutes les formes de violence » et met en garde contre « la vision stéréotypée de toutes les formes de religion qui trahit le commandememnt divin d'aimer nos voisins et nos ennemis. » Il rejette aussi « toute prétention exclusive sur la terre de la Bible au nom de Dieu » et souligne que « l'appartenance ethnico-raciale à elle seule ne garantit pas les privilèges de l'alliance abrahamique. » Pour certains sur les campus universitaires chrétiens, l'attrait exercé par les opinions pro-palestinennes entre peut-être dans le cadre d'une tendance générale de remise en cause du conservatisme de leurs parents par la jeune génération évangélique. Certains étudiants sont en quête d'une lecture théologique de leur religion qui soit plus progressiste sur les questions de société. Des enquêtes réalisées ces dernières années montrent que les jeunes évangéliques blancs sont moins conservateurs sur les questions du mariage homosexuel, de l'avortement et de la contraception. La même tendance à la diversification politique est peut-être à l'oeuvre sur des questions de politique internationale.
L'inquiétude de CUFI, telle qu'énoncée par Brog dans son article, porte sur la nouvelle génération de leaders évangéliques ; à la différence de Jerry Falwell et Pat Robertson, ils ne donnent pas de la voix sur la question d'Israël. Il décrit la nouvelle génération de leaders d'opinion évangéliques «comme des gens généralement bien coiffés et habillés à la mode qui se consacrent à vendre le christianisme à une génération sceptique en en faisant quelque chose de cool, humaniste et moins ouvertement politique. »
Une des organisations qui attire le plus l'attention sur ce plan est le Telos Group, une association créée il y a cinq ans à Washington et qui se présente elle-même comme « pro-israélienne, pro-palestinienne, pro-américaine et pro-paix. » Dans un entretien pour « The Blaze TV », l'émission de Glenn Beck, Brog a pointé particulièrement cette organisation en disant : « Ce n'est pas l'organisation anti-Israël de papa. Ces gars sont rusés, ces gars sont intelligents. »
Gregory Khalil fondateur de Telos
Gregory Khalil fondateur de Telos
Telos, qui consacre une bonne partie de son travail aux communautés religieuses, a à ce jour organisé 43 séjours de groupes en Israël et dans les territoires occupés. Son président et fondateur, Gregory Khalil dit que son organisation va à la rencontre  de Palestiniens et d'Israéliens très divers pendant ses séjours. « Je pense en fait que David Brog pourrait apprendre beaucoup de choses sur Israël s'il participait à un de nos séjours, » déclare Khalil qui affirme que Brog dénature le travail de Telos.
Mais s'il y a bien un débat naissant sur Israël dans le monde évangélique ; son importance ne doit pas être surestimée. « Nous sommes une petite organisation, » dit Khalil au sujet de son association qui a seulement deux employés. D'autres publications et organisations citées par CUFI comme pro-palestiniennes sont également de dimension bien moindre que l'entreprise pro-israélienne de CUFI.
CUFI a décidé de ne pas attendre que ces organisations se développent. En janvier, à une manifestation juive de collecte de fonds, l'organisation a présenté son plan consistant à emmener chaque année en Israël deux groupes de jeunes leaders d'opinion évangéliques. « Nous devons utiliser le même outil pour riposter, » déclarait CUFI dans son argumentaire pour obtenir le soutien des bailleurs de fonds juifs. «L'organisation lance aussi des tournées de conférences dans les campus et va investir dans la vidéo et les médias sociaux pour faire une veille [to monitor = surveiller, contrôler] sur les Chrétiens influents et « leur répondre quand ils dépassent la limite. »
Le précédent marquant que citent les évangéliques pro-israéliens pour justifier leur démarche est le chemin emprunté par les grandes églises protestantes. Par le passé, beaucoup d'entre elles étaient favorables à Israël, ou au pire neutres. Mais certaines sont depuis devenues le repaire de points de vue pro-palestiniens dans le monde du christianisme américain. Quelques organisations, comme l'église presbytérienne, ont ouvert la voie en appelant au boycott et au désinvestissement contre IsraëL.
 Mais Gushee affirme que les évangéliques ne prendront sans doute pas ce chemin. Les grandes églises protestantes sont peut-être aujourd'hui agressivement anti-Israël, dit-il, mais l'évolution chez les évangéliques ne consistera pas à passer de « pro-Israël à anti-Israël, mais de pro-Israël a une approche plus équilibrée. »

vendredi 7 mars 2014

La crise ukrainienne comme nouvelle et dangereuse étape de la stratégie des néo-conservateurs

 La crise ukrainienne a d'impressionnants relents de guerre froide, susceptible à tout moment de basculer dans une confrontation militaire, scénario dont personne ne semble vouloir mais on sait que les confits majeurs ont rarement été le résultat d'une volonté délibérée mais plutôt celui d'enchaînements imprévus.
Le terme de guerre froide peut sembler inapproprié si on veut bien tenir compte du fait qu'il n’existe plus de bloc communiste en Europe et que la Russie n'est qu'un des Etats issus de l'éclatement de l'Union Soviétique.
Et pourtant, la longue parenthèse communiste a simplement masqué une opposition plus profonde entre la Russie eurasiatique et l'Europe regroupée à quelques exceptions près dans l'Union Européenne et l'OTAN.
Deux structures politiques qui évoluent en partie dans des espaces différents et en partie dans des espaces qui se chevauchent, ces derniers étant susceptibles de disputes plus ou moins fortes selon leur importance stratégique pour l'un ou l'autre des acteurs.
C'est précisément le cas de l'Ukraine aujourd'hui disputée entre l'UE et la Russie. Cette ancienne république soviétique n'a pas vocation à entrer rapidement dans l'UE qui n'a en fait pas les moyens d'absorber un Etat aussi important aussi bien par sa taille et sa population que par la somme de problèmes et de coûts qu'il représente. Et pourtant, la crise d'aujourd'hui met aux prises l'UE (et les Etats Unis) avec une Russie pour laquelle il est absolument vital de maintenir l'Ukraine dans sa sphère d'influence, pour des raisons à la fois historiques et culturelles, économiques et stratégiques.
On peut alors se demander pourquoi les Etats de l'UE et les Etats Unis n'ont pas ménagé leurs efforts pour encourager des troubles qui ont débouché sur un coup d'Etat qui a abouti à la déposition d'un chef de l’État régulièrement élu.
Robert Parry essaye de répondre à cette question en situant la crise ukrainienne dans un contexte plus global qui met en jeu la stratégie politique des néo-conservateurs américains telle qu'elle a été mise en œuvre à partir de l'accession au pouvoir de George W. Bush et des attentats du 11 septembre 2001.
Selon Robert Parry, les néo-conservateurs qui se heurtent à Washington aux velléités du président Obama de développer une autre politique internationale se sont emparés du dossier ukrainien pour nuire à la relation entre le président des Etats Unis et son homologue russe, voire même déstabiliser le pouvoir d'un Poutine qu'ils perçoivent comme un obstacle majeur au déploiement de leur stratégie de domination mondiale.
Robert Parry
Robert Parry
Robert Parry est un journaliste chevronné qui avait notamment couvert l'affaire des Contras (Irangate) pour Newsweek et Associated Press.
Comme un certain nombre d'autres grandes plumes américaines, il s'est éloigné de ce qu'on appelle les « corporate medias », c'est-à-dire la presse aux mains des grands groupes capitalistes et a fondé Consortium News.

Ce que les néoconservateurs attendent de la crise ukrainienne

La crise ukrainienne, fomentée en partie par les néoconservateurs américains, y compris leurs avatars au Département d'Etat, ont envenimé les relations russo-américaines et perturbé la coopération secrète du président Obama avec son homologue russe Vladimir Poutine dans la résolution des crises au Moyen Orient., écrit Robert Parry.
par Robert Parry, Consortium News (USA) 2 mars 2014 traduit de l'anglais par Djazaïri
Le président Barack Obama a tenté, essentiellement en secret, d'élaborer une nouvelle politique étrangère qui s'appuie fortement sur la coopération avec le président russe Vladimir Poutine pour réduire les confrontations dans des points chauds tels que l'Iran et la Syrie. Mais la réticence d'Obama à expliquer publiquement cette stratégie l'a rendue vulnérable aux attaques venues d'éléments puissants dans les milieux officiels de Washington, y compris des néo-conservateurs bien placés et des gens à l'intérieur de sa propre administration.
La menace la plus grave à cette collaboration Obama-Poutine s'est aujourd'hui révélée en Ukraine, où une coalition d'activistes néo-conservateurs américains et des avatars néo-conservateurs au sein du Département d'Etat ont attisé les flammes de l'agitation en Ukraine, en contribuant au renversement brutal du président démocratiquement élu Viktor Ianoukovitch et maintenant à une intervention militaire russe en Crimée, une région du sud de l'Ukraine, qui a été historiquement partie intégrante de la Russie.
Avec la crise ukrainienne, les intérêts vitaux de la Russie sont directement menacés
Avec la crise ukrainienne, les intérêts vitaux de la Russie sont directement menacés
Même si on dit que la crise Ukraine a pris Obama et Poutine par surprise, la détermination des néo-conservateurs à enfoncer un coin entre les deux dirigeants était évidente depuis des mois, surtout après que Poutine a négocié un accord pour éviter des frappes militaires américaines contre la Syrie l'été dernier et a contribué à amener l'Iran à négocier des concessions sur son programme nucléaire, deux évolutions qui ont fortement contrarié les néo-conservateurs qui auraient préféré une aggravation des confrontations.
Poutine aurait également tancé verbalement vers le s Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le chef des renseignements saoudien, le prince Bandar bin Sultan eu égard à ce que Poutine considérait comme leurs actions provocatrices dans la guerre civile syrienne. Donc, en perturbant les plans néo-conservateurs et en offensant Netanyahou et Bandar, le président russe s'est carrément retrouvé dans le collimateur de certaines personnes très puissantes.
Sans Poutine, les néo-conservateurs - avec Israël et l'Arabie Saoudite - avaient espéré qu'Obama allait lancer des frappes militaires contre la Syrie et l'Iran qui auraient pu ouvrir la voie à plus de «changements de régime» au Moyen-Orient, un rêve au centre de la stratégie géopolitique des néoconservateurs depuis les années 1990. Cette stratégie néo-conservatrice a pris forme après la guerre high-tech des États-Unis contre l'Irak en 1991 et l'effondrement de l'Union soviétique plus tard la même année. Les néoconservateurs américains avaient commencé à croire en un nouveau paradigme d'un monde unipolaire où les décrets américains seraient loi..
Les néo-conservateurs estiment que ce changement de paradigme signifiait aussi qu'Israël n'aurait plus besoin de mener des négociations frustrantes avec les Palestiniens. Plutôt que de marchander une solution à deux Etats, les néoconservateurs américains poussaient simplement à un "changement de régime" dans les pays musulmans hostiles qui aidaient les Palestiniens ou le Hezbollah libanais.
L'Irak était le premier sur la liste des cibles des néoconservateurs, mais le tour de la Syrie et de l'Iran devait suivre. L'idée force est que, une fois les régimes qui soutiennent les Palestiniens et le Hezbollah sont renversés ou neutralisés, alors Israël pourra dicter ses conditions de paix aux Palestiniens qui n'auront d'autre choix que d'accepter ce qui leur sera imposé.
Les néoconservateurs américains qui travaillaient dans l'équipe de campagne de Netanyahou en 1996, dont Richard Perle et Douglas Feith, avaient même officialisé leur nouveau plan audacieux, qu'ils avaient présenté dans un document de stratégie, appelé "A Clean Break:. Une nouvelle stratégie pour sécuriser le monde" [“A Clean Break: A New Strategy for Securing the Realm.”]. Le document faisait valoir que seul un «changement de régime» dans les pays musulmans hostiles pourrait permettre la nécessaire «rupture nette» des blocages diplomatiques qui ont suivi les pourparlers de paix non concluants entre Israéliens et Palestiniens.
En 1998, le projet néo-conservateur pour le Nouveau Siècle Américain [New American Century] appelait à une invasion américaine de l'Irak, mais le président Bill Clinton avait refusé. La situation changea, cependant, lorsque le président George W. Bush prit ses fonctions et après les attentats du 11 septembre. Soudain, les néo-conservateurs eurent un commandant en chef qui était d'accord avec la nécessité d'éliminer Saddam Hussein de l'Irak - et une opinion publique américaine abasourdie et en colère qu'on pouvait facilement convaincre. [Voir l 'Consortiumnews.com " La raison mystérieuse de la guerre en Irak . "]
Alors, Bush envahit l'Irak, évinçant Hussein, mais sans parvenir à soumettre le pays. Le bilan des tués américains approcha les 4 500 et les coûts faramineux, estimé à plus de 1 000 milliards de dollars ont fait que le peuple américain et même Bush refusèrent de respecter jusqu'au bout la vision néo-conservatrice telle qu'exprimée dans une de leurs blagues préférées de l'année 2003 sur le prochain pays à attaquer, l'Iran ou la Syrie, la chute étant: "Les vrais hommes vont à Téhéran!"
Bien que les faucons comme le vice-président Dick Cheney avaient plaidé en faveur du projet néo-conservateur et israélien pour que l'armée américaine bombarde les installations nucléaires iraniennes - avec l'espoir que les attaques pourraient également susciter un «changement de régime» à Téhéran - Bush avait décidé qu'il ne pouvait pas s'y risquer , surtout après que la communauté du renseignement des États-Unis avait estimé en 2007 que l'Iran avait cessé de travailler sur une bombe depuis quatre ans.
L'ascension d'Obama
Les néo-conservateurs connurent un nouveau revers en 2008, lorsque Barack Obama a battu un favori des néo-conservateurs, le sénateur John McCain. Mais Obama a ensuite pris une des décisions fatidiques de sa présidence, en décidant de doter les postes clés de la politique étrangère avec "une équipe de rivaux», c'est-à-dire en gardant le Républicain Robert Gates au Département de la Défense et en plaçant Hillary Clinton, une néoconservatrice « light », à la tête du Département d'Etat.
Obama avait également maintenu le haut commandement militaire de Bush dont la personnalité la plus significative étant le chouchou des médias, le général David Petraeus. Ce qui signifie qu'Obama n'avait pas pris le contrôle de sa propre politique étrangère.
Gates et Petraeus étaient profondément influencés par les néo-conservateurs, en particulier par Frederick Kagan, qui avait été un grand défenseur du "surge", l'escalade militaire de 2007 en Irak, qui avait été saluée par les médias grand public américains comme un grand "succès" mais n'avait jamais atteint son objectif principal d'un Irak unifié. Au prix de près de 1000 tués américains, le « surge » avait seulement acheté du temps pour un retrait ordonné qui épargnait à Bush et aux néo-conservateurs l'embarras d'une défaite évidente.
Ainsi, au lieu d'un important remaniement du personnel dans le sillage de la guerre catastrophique en Irak, Obama présidait à ce ressemblait plus à une continuité avec les politiques de guerre de Bush, mais avec un engagement plus ferme de retirer des troupes en Irak et aussi en Afghanistan finalement.
Dès le début, cependant, Obama a rencontré l'opposition d'éléments clés de sa propre administration, en particulier au niveau des Départements d'État et de la Défense, et par les néoconservateurs encore influents dans les milieux officiels de Washington. Selon diverses informations, y compris les dans Duty, les mémoires récemment publiées de Gates, Obama a manœuvré en soutenant le "surge" en Afghanistan, tel que préconisé par le néo-conservateur Frederick Kagan et poussé par Gates, Petraeus et Clinton.
Gates écrit que Kagan l'avait persuadé de recommander le "surge"en Afghanistan et qu'Obama avait accepté à contrecœur quoique Gates conclut que Obama ne croyait pas à la «mission» et voulait renverser le cours des choses plus vite que Gates, Petraeus et leur camp ne le voulaient.
Face à cette résistance de sa propre bureaucratie, Obama a commencé à s'appuyer sur un petit cercle construit autour du vice-président Joe Biden et de quelques conseillers de la Maison Blanche avec le soutien en matière d'analyse de certains agents de la CIA, dont le directeur de la CIA Leon Panetta.
Obama a également trouvé un allié surprenant avec Poutine après son retour à la présidence russe en 2012. Un conseiller de Poutine m'a dit que le président russe appréciait personnellement Obama et voulait vraiment l'aider à résoudre des différends dangereux, en particulier les crises avec l'Iran et la Syrie.
En d'autres termes, l'erreur de jugement d'Obama au début avec "l'équipe de rivaux" a évolué vers un style présidentiel extraordinaire de politique étrangère, où Obama a élaboré et mis en œuvre une grande partie de son approche du monde hors de la vue ses secrétaires d'Etat et de la Défense (sauf lorsque Panetta été brièvement en poste au Pentagone).
Même après le départ de Gates en 2011, celui par démission du général Petraeus de son poste de directeur de la CIA après un scandale sexuel à la fin de 2012, et celui de Clinton au début de 2013, l'approche singulière d'Obama n'a pas particulièrement changé. On me dit qu'il a une relation distante avec la secrétaire d'Etat John Kerry, qui n'a jamais rejoint le cercle rapproché de politique étrangère d'Obama.
La protection taciturne par Obama de sa « vraie » politique étrangère peut se comprendre car, compte tenu de la persistance de la mentalité « dur à cuire » qui domine encore dans les milieux officiels à Washington., l'approche freelance d'Obama a laissé des espaces aux éléments bellicistes de sa propre administration.
Par exemple, le secrétaire d'État Kerry était tout près d'annoncer le déclenchement d'une guerre américaine contre la Syrie, dans un discours belliqueux prononcé le 30 août 2013, seulement pour se voir couper l'herbe sous le pied par Obama qui avait travaillé avec Poutine pour désamorcer la crise déclenchée par une attaque litigieuse à l'arme chimique dans les alentours de Damas.
De même, Obama et Poutine ont défini le cadre pour un accord intérimaire avec l'Iran sur la façon de limiter son programme nucléaire. Mais quand Kerry a été envoyé pour sceller cet accord à Genève, il a au contraire ajouté les nouvelles exigences nouvelles des Français (qui étaient de corvée pour le compte des Saoudiens) et avait ainsi été près de tout faire capoter. Après s'être fait remonter les bretelles par la Maison Blanche, Kerry est retourné à Genève et a finalisé les arrangements. [Voir l 'Consortiumnews.com " Une défaite Arabie-Israël avec l'accord sur l'Iran . "]
Politique étrangère hétérodoxe
Le politique étrangère hétérodoxe d'Obama -- généralement un travail en tandem avec le président russe et parfois en porte-à-faux avec sa propre bureaucratie – a obligé Obama à feindre l’indignation devant ce qui peut être perçu comme un affront infligé par la Russie, comme son accord pour donner temporairement asile au lanceur d'alerte de la National Security Agency (NSA), Edward Snowden.
En public, Obama était tenu de faire connaître sa désapprobation catégorique de l'asile accordé à Snowden, quoique à plusieurs égards, Poutine faisait une faveur à Obama en lui épargnant d'avoir à poursuivre en justice Snowden avec les conséquences négatives que cela impliquerait pour la sécurité nationale des USA et les répercussions politiques préjudiciables dans la base politique libérale [de gauche] d'Obama.
Des erreurs de Poutine ont aussi compliqué les relations, comme quand il a défendu l'hostilité russe à l'égard des homosexuels et réprimé les voix critiques avant les jeux olympiques de Sotchi. Poutine était ainsi devenu une cible facile pour les commentateurs et les humoristes américains.
Mais l'hésitation d'Obama à expliquer son niveau de coopération stratégique avec Poutine a permis aux néo-conservateurs qui restent influents à Washington, avec notamment leurs avatars dans la bureaucratie du Département d'Etat, d'enfoncer d'autres coins significatifs entre Obama et Poutine. Les néo-conservateurs en sont venus à comprendre que le tandem Obama – Poutine était un obstacle majeur à leur vision stratégique.
A n'en pas douter, la contre-action la plus spectaculaire – et potentiellement la plus dangereuse – des néo-conservateurs a été l'Ukraine où ils ont apporté leur appui financier et politique à des forces d'opposition qui visaient à provoquer la rupture entre l'Ukraine et son voisin russe.
Même si la crise est aussi liée à la division historique de l'Ukraine – entre sa partie occidentale plus tournée vers l'Europe et l'est et le sud peuplés majoritairement de Russes – les agents des néo-conservateurs, avec l'argent du National Endowment for Democracy subventionné par les Etats Unis et d'autres sources US, ont joué un rôle décisif dans la déstabilisation et la déposition du président démocratiquement élu.
Le NED, une agence avec un budget annuel de 100 millions de dollars, a été créé par l'administration Reagan pour promouvoir l'action politique et la guerre psychologique contre des Etats ciblés, soutient financièrement 65 projets en Ukraine, dont la formation de militants, le soutien aux « journalistes » et la promotion d'organisations d'affaires, créant ainsi une structure efficace prête à déstabiliser un gouvernement au nom de la promotion de la « démocratie ».[voir Consortiumnews.comA Shadow US Foreign Policy.”]
Les Néo-conservateurs du Département d'Etat ont également mis la main à la pâte en poussant l'Ukraine là se détourner de la Russie. La Secrétaire d'État adjointe aux Affaires européennes, Mme Victoria Nuland, femme de l'éminent néo-conservateur Robert Kagan et belle-sœur du conseiller-de Gates et -Petraeus Frederick Kagan, a plaidé vigoureusement pour la réorientation de l'Ukraine vers l'Europe
En décembre 2013, Nuland avait rappelé aux chefs d'entreprise ukrainiens que, pour aider l'Ukraine à réaliser"ses aspirations européennes, nous avons investi plus de 5 milliards de dollars." Elle avait dit que le but des États-Unis était d emmener "l'Ukraine vers l'avenir qu'elle mérite", ce par quoi elle entendait dans l'orbite de l'Occident et à l'écart de la Russie.
Mais le président Ianoukovitch a rejeté un plan de l'Union européenne qui aurait imposé une austérité sévère sur une Ukraine déjà pauvre. Il a accepté un prêt plus généreux de 15 milliards de dollars par la Russie, qui a également soutenu l'économie de l'Ukraine en fournissant du gaz naturel à moindre prix. La décision de M. Ianoukovitch a suscité des manifestations de rue anti-russes à Kiev, située dans la partie ouest du pays, la région la plus pro-européenne.
 Nuland s'était vite mise au travail pour planifier un «changement de régime», encourageant les désordres dans la rue distribuant en personne des biscuits aux manifestants anti-gouvernementaux. Elle n'avait pas semblé pas remarquer ou se soucier du fait que les manifestants de la place Maidan à Kiev avaient hissé une grande bannière honorant Stepan Bandera, un nationaliste ukrainien qui avait collaboré avec les nazis allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et dont les milices avaient participé à des atrocités contre les Juifs et les Polonais.
Fin Janvier, Nuland avait discuté avec l'ambassadeur des États-Unis en Ukraine Geoffrey Pyatt de qui devrait être autorisé à entrer dans le nouveau gouvernement.
Yats est l'homme de la situation», avait dit Nuland dans une communication téléphonique avec Pyatt qui a été interceptée et mis en ligne. «Il a l'expérience en économie, l'expérience du gouvernement. Il est le gars qu'on connaît. "Par" Yats, "Nuland faisait allusion à Arseni Iatseniouk, qui avait servi comme chef de la banque centrale, ministre des Affaires étrangères et ministre de l'économie -. Et qui s'engage à appliquer une politique d'austérité sévère.
Tandis que la Secrétaire adjointe Nuland et le Sénateur McCain applaudissaient les manifestants, les manifestations de rue devenaient violentes. La police se heurtait à des groupes néo-nazis, les descendants idéologiques des Ukrainiens anti-russes de Bandera qui avaient collaboré avec la SS nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
La crise s'aggravant et des dizaines de personnes étant tuées dans des combats de rue, Ianoukovitch a accepté un accord négocié par l'UE qui a appelait à des élections anticipées et la police se retirer. Les troupes d'assaut néo-nazies ont alors saisi l'occasion pour occuper les édifices gouvernementaux et forcer Ianoukovitch et plusieurs de ses collaborateurs à fuir pour sauver leur vie.
Avec ces néo-nazis pour assurer "la sécurité", les autres parlementaires ont accepté une série de votes à l'unanimité ou presque unanimes pour mettre en place un nouveau gouvernement et demander l'arrestation de M. Ianoukovitch pour meurtre de masse. Le choix de Nuland, Iatseniouk, a été retenu pour le poste de Premier ministre par intérim.
L'éviction violente de Ianoukovitch a provoqué la résistance populaire au coup d'Etat dans les régions sud et est à peuplement russe.. Après avoir trouvé refuge en Russie, Ianoukovitch a sollicité l'aide de Poutine. Poutine a alors envoyé des troupes russes pour s'assurer le contrôle de la Crimée. [Pour en savoir plus sur cette histoire, voir Consortiumnews.com l '« Encourager un «Coup démocratique» en Ukraine . "]
Éloigner Obama de Poutine
La crise ukrainienne a donné l’opportunité aux néo-conservateurs de Washington d'enfoncer un nouveau coin entre Obama et Poutine. Par exemple, le vaisseau amiral des néo-conservateurs, le Washington Post, a écrit dans son éditorial de samedi qu'Obama réagissait par des « appels téléphoniques » là où quelque chose de bien plus menaçant qu'une « condamnation » était nécessaire.
C'est toujours étonnant de voir le Washington Post, qui avait plaidé avec force pour une intervention militaire américaine en Irak sous le faux prétexte d'éliminer des (inexistantes) armes de destruction massive, se fâcher quand un autre pays agit en réponse à une vraie menace pour sa sécurité à ses propres frontières, pas à l'autre bout du monde.
Mais les chefs de rédaction du Washington Post n'ont jamais reculé devant leur propre hypocrisie . Ils ont écrit, « L'objectif probable de M. Poutine n'était pas difficile à imaginer. Il semble réagir à la déposition la semaine dernière du gouvernement pro-Kremlin en Ukraine avec un ancien et ignoble procédé russe : provoquer une rébellion séparatiste dans un Etat voisin, en se servant de ses propres troupes si nécessaire. »
La réalité, cependant, semble avoir été que des éléments néo-conservateurs au sein du gouvernement des États-Unis ont encouragé le renversement du président élu de l'Ukraine par un coup d'Etat mené par des groupes d'attaque néo-nazis qui ont ensuite terrorisé les députés pour que le Parlement adopté des lois draconiennes, dont certaines destinées à punir les régions tournées vers la Russie qui préfèrent Ianoukovitch.
Pourtant, en plus d'égratigner Obama pour son discours modéré sur la crise, le Post a déclaré que "M. Obama et les dirigeants européens doivent agir rapidement pour empêcher le démembrement de l'Ukraine. Il manquait à la déclaration du président la mention d' une première étape nécessaire: l'exigence que toutes les forces russes - régulières et irrégulières – se retirent ... et que Moscou reconnaisse l'autorité du nouveau gouvernement de Kiev. Si M. Poutine ... ne se conforme pas, les dirigeants occidentaux devraient indiquer clairement que la Russie paiera un prix élevé ".
Les responsables de rédaction du Post sont friands d'appels à donner des ultimatums à divers pays, spécialement l'Iran et la Syrie, en impliquant que s'ils ne se conforment pas à certaines exigences des Etats Unis, des mesures sévères, dont des représailles militaires, s'ensuivront.
Mais maintenant, les néo-conservateurs, dans leur poursuite obstinée et sans fin de "changement de régime" dans les pays qui suivent leur propre voie, ont porté leurs ambitions à un niveau dangereux, en voulant confronter la Russie détentrice de l'arme nucléaire avec des ultimatums.
Dimanche, la rédaction néo-conservatrice du Post a « énoncé les conséquences » pour Poutine et la Russie qui consistent pour l'essentiel en la proposition d'une nouvelle Guerre Froide. Le Post a moqué Obama pour sa présumée mollesse à l'égard de la Russie et a laissé entendre que le prochain « changement de régime » devait intervenir à Moscou.
"Beaucoup en Occident ne croyaient pas que M. Poutine n'oserait tenter une intervention militaire en Ukraine en raison des graves conséquences possibles», écrit le Post. "Le fait que le dirigeant russe soit passé à l'acte montre qu'il doute que les dirigeants occidentaux réagissent avec force. S'il ne recule pas rapidement, les États-Unis doivent lui prouver qu'il a tort ".
 La folie des néoconservateurs a longtemps est depuis longtemps signalée par leur arrogance extraordinaire et leur mépris pour les intérêts des autres nations. Ils supposent que la puissance militaire des États-Unis et d'autres moyens coercitifs doivent s'exercer sur toute nation qui ne s'incline pas devant les ultimatums américains ou qui résiste aux coups de force orchestrés par les USA.
Chaque fois que les néo-conservateurs rencontrent une résistance, ils ne repensent pas leur stratégie, ils passent simplement à l'étape suivante. Irrités par le rôle de la Russie dans l'empêchement des attaques militaires américaines contre la Syrie et l'Iran, les néo-conservateurs élèvent le niveau de leur conflit géopolitique en s'en prenant à la frontière même de la Russie, en misant sur l'éviction violente du président élu de l'Ukraine.
L'idée était de porter à Poutine un coup sérieux et embarrassant comme punition pour avoir interféré avec le rêve néo-conservateur de « changement de régime » à travers le Moyen Orient. Maintenant, avec le contre effectué par Poutine avec le déploiement de troupes russes pour s'assurer du contrôle de la Crimée, les néo-conservateurs veulent qu'Obama aille vers l'escalade en s'en prenant à Poutine.
Certains néo-conservateurs de premier plan voient même dans l'éviction de Poutine l'étape décisive pour rétablir la prééminence de leur agenda. Carl Gershman, le président du NED, a écrit dans le Washington Post, « Le choix de l'Ukraine de rejoindre l'Europe accélérera la disparition de l'idéologie de l'impérialisme russe que représente Poutine... Les Russes aussi sont devant un choix, et Poutine pourrait bien se retrouver du côté perdant, pas seulement avec le proche étranger mais en Russie même. »
Au minimum, les néo-conservateurs espèrent pouvoir neutraliser Poutine en tant qu'allié d'Obama pour réduire les tensions avec le Syrie et l'Iran – et ainsi réactiver l'hypothèse de frappes militaires contre ces deux pays.
Avec les événements devenus incontrôlables, il semble plus que temps maintenant pour le président Obama d'expliquer au peuple américain pourquoi il a coopéré avec le président Poutine pour essayer de résoudre certains des problèmes mondiaux les plus épineux.
Ce qui nécessiterait cependant qu'il prenne enfin le contrôle de sa propre administration, pour la purger des représentants néo-conservateurs qui ont œuvré à saboter sa vraie politique étrangère et ferme des organisations contrôlées par les néo-conservateurs comme le National Endowment for Democracy qui se servent de l'argent des contribuables américains pour encourager des troubles à l'étranger. Il lui faudrait un réel courage politique.