jeudi 31 octobre 2013

La route de la Turquie reste ouverte pour ceux qui veulent combattre en Syrie

L'article que je vous propose évoque le transit par la Turquie de combattants qu'on qualifie de «djihadistes» et qui veulent rejoindre les milices qui combattent le régime syrien.

Ce que montre l'article, c'est que ce transit est organisé avec des hommes qui assurent l'acheminement et le contrôle des futures recrues, pour détecter la présence d'espions éventuels, s'appuyant pour cela sur tout un réseau de planques en Turquie, notamment le long de la frontière syro-turque.

L'article n'affirme pas que le gouvernement turc participe à cet acheminement de combattants étrangers, mais suggère qu'il ferme au minimum les yeux.

On retiendra les pauvres arguments de la police turque pour justifier son incapacité à endiguer l'entrée en Syrie de voyageurs à qui on ne peut rien reprocher du fait que leurs papiers sont en règle!
Ce qui est certain par contre, c'est que les autorités turques ont perdu le contrôle d'un phénomène qu'elles ont tout fait au départ pour encourager.

Et que certaines agglomérations du sud-est du pays sont désormais sous le contrôles des milices djihadistes de l'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Comme je l'écrivais tantôt, des lendemains douloureux attendent le gouvernement turc quand la crise syrienne sera terminée (et peut-être même avant) et ce, quelle que soit l'issue de cette crise, que Bachar al-Assad reste en place ou pas.

Les recrues d'al Qaïda pénètrent en Syrie à partir de leurs planques en Turquie

Des djihadistes étrangers – dont des Britanniques – affluent en Syrie pour rejoindre al Qaïda à partir de planques en Turquie
par Ruth Sherlock, The Daily Telegraph (UK) 31 octobre 2013 

Des centaines de recrues d'Al-Qaïda sont accueillies dans des centres d'hébergement dans le sud de la Turquie, avant d'être transférées clandestinement vers la frontière pour mener le "djihad" en Syrie, a appris le Daily Telegraph.


Le réseau de planques permet à un flux régulier de combattants étrangers – dont des britanniques et des Australiens – de participer à la guerre civile en Syrie, selon plusieurs personnes impliquées dans le dispositif.
Ces djihadistes étrangers ont largement éclipsé l'aile «modérée» des rebelles de l'Armée Syrienne Libre (ASL) qui a le soutien de l'Occident. La capacité d'al Qaïda à utiliser le territoire turc va soulever des interrogations sur le rôle que joue ce pays membre de l'OTAN dans la guerre civile en Syrie.

La Turquie soutient les rebelles depuis le début – et on supposait que son gouvernement partageait les préoccupations occidentales au sujet d'al Qaïda. Mais des spécialistes disent qu'on craint de plus en plus le risque que la Turquie puisse avoir perdu le contrôle des mouvements des nouvelles recrues d'al Qaïda – voire même qu'elle ferme les yeux.

«Chaque jour arrivent des moudjahidine de toutes nationalités,» déclare Abu Abdulrahman, un bénévole Jordanien qui supervise le flux de combattants étrangers. Il gère un réseau de centres d'accueil dans le sud de la Turquie pour les volontaires qui souhaitent rejoindre la branche d'al Qaïda en Syrie, connue sous l'appellation d'Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Il s'exprimait depuis une planque d'al Qaïda, au moyen du compte Skype d'un intermédiaire tout en étant écouté par des volontaires de plusieurs pays, dont la Grande Bretagne.

Une fois que le volontaire est arrivé en Turquie, il y a des «procédures» avant qu'il puisse rejoindre al Qaïda, explique Abu Abdulrahman: «Si vous voulez entrer [dans al Qaïda], vous devez être un bon musulman. Nous devons enquêter pour être sûrs que vous n'êtes pas un espion. Si vous êtes étranger, quelqu'un de notre réseau doit vous recommander,» dit-il.

Ces planques sont en général des appartements loués sous de faux noms dans des villages proches de la frontière turque avec la Syrie. Les recrues doivent parfois attendre des semaines avant d'être autorisées à franchir la frontière. Les logements sont aussi utilisés comme lieux de repos pour les combattants d'al Qaïda qui reviennent du front syrien.

Il y peut-être 10 000 combattants étrangers en ce moment en Syrie, selon des experts. Certains sont des vétérans endurcis par la guerre en Irak, d'autres sont des jeunes «des bleus du djihad» et une part significative d'entre eux vient de pays occidentaux. 

Abu Abdullah, un volontaire Australien, dit être parti pour aller combattre en Syrie parce qu'un «mode de vie occidental est contre l'Islam», Il a aussi été révulsé par les atrocités commises par le régime du président Bachar al-Assad.
"Quand vous voyez des femmes et des enfants – n'importe quel être humain - être abattus ou violés ou tués devant leurs pères et leurs familles, tout simplement parce qu'ils prient Dieu [Allah], vous devez être ému par leur humanité. Le prophète Muhammad a dit que si une partie du corps est blessée, alors le reste du le corps ne peut connaître le repos. Si une seule personne est blessée et si quelque chose va contre l'Islam, nous avons le devoir de réagir.»
Mais Abu Abdullah hésite quand il essaye de se rappeler un passage du Coran [justifiant ses dires, NdT]: «Je suis désolé, je ne suis pas le plus compétent des musulmans. Dieu, pardonne-moi pour cela ", dit-il.

Charles Lister, d'IHS Jane's, un consultant défense, déclare: «Il existe de fortes présomptions sur le fait que le nombre de djihadistes en Syrie est en augmentation. Si on examine par exemple la nature de la présence de l'EIIL, l'aire géographique de présence des étrangers est en expansion. Ce qui a probablement un rapport avec la facilité avec laquelle les recrues peuvent traverser la frontière.»


Un autre analyste dit que la Turquie «ferme les yeux» devant le nombre de combattants étrangers qui entrent en Syrie via son territoire, y compris en passant par Antakya, la capitale de la province limitrophe de Hatay. Le résultat, ajoute-t-il, est que les djihadistes sont devenus une épine dans le pied de la Turquie, ayant pris de facto le contrôle de villes et de villages proches de la frontière.

Les officiels Turcs contestent ces affirmations avec véhémence et mettent l'influx de combattants à l'échec de la communauté internationale à mettre fin à la guerre en Syrie. «Nous n'avons jamais été laxistes sur ce problème. Nous ne tolérons pas la présence d'extrémistes et d'éléments terroristes sur notre sol,» déclare un officiel Turc. «Si des djihadistes sont passés [par notre territoire], c'est à notre insu et hors de notre contrôle. La présence d'extrémistes en Syrie est un motif de préoccupation pour la Turquie et d'autres pays – et la raison pour laquelle le nombre de djihadistes en Syrie continue de croître en Syrie tient à l'échec de la communauté internationale à résoudre la crise actuelle.»

Cet officiel appelle les pays étrangers à ne pas «pointer seulement la responsabilité» de la Turquie et à oeuvrer à renforcer la surveillance de leurs citoyens qui pourraient vouloir aller en Syrie: «Sauf si on nous donne des informations sur l'appartenance de ces gens à al Qaïda, à une organisation terroriste, sur quelle base juridique pouvons nous les stopper s'ils voyagent avec un passeport valide?»

La police turque essaye de fermer les planques d'al Qaïda en faisant des descentes dans les appartements où des renseignements ont signalé une présence d'al Qaïda. Et les autorités turques ont commencé à améliorer la qualité des contrôles à la frontière. Mais avec plus de 800 kilomètres de frontières communes entre la Turquie et la Syrie, et avec le grand nombre de djihadistes étrangers qui arrivent dans le pays, les autorités ont été pour l'instant incapables de couper le robinet. Si la police arrête quelqu'un, elle ne peut pas l'incarcérer ni le renvoyer dans son pays d'origine parce qu'il est difficile de prouver qu'il est membre de l'EIIL, jubile un djihadiste.

Dans la ville frontalière de Kilis, à trois heures de route d'Antakya, les djihadistes se sentent suffisamment à l'aise pour siroter le café dans les halls d'hôtels en discutant tranquillement avec leurs collègues. Cette semaine, le Telegraph a discuté avec un membre de l'EIIL dans uns de ces hôtels, Que la Turquie le veuille ou pas, «elle a été très bonne avec nous,» dit en clignant de l'oeil le djihadiste qui souhaite rester anonyme.

lundi 28 octobre 2013

Les Etats Unis ont choisi de tuer ma mère.

Un témoignage édifiant. Sans commentaire.

Momina Bibi était une sage-femme et une grand-mère du Waziristan âgée e 67 ans Pourtant, le président Obama nous dit que les drones visent des terroristes
par Rafiq ur Rehman, The Guardian (UK) 25 octobre 2013 traduit de l'anglais par Djazaïri
 
                                        Habitants du Waziristan manifestant contre les frappes                                          de drones devant le parlement pakistanais à Islamabad

La dernière fois que j'ai vu ma mère, Momina Bibi, c'était le soir d'avant l'Aïd al-Adha. Elle préparait les vêtements de mes enfants et leur montrait comment on prépare le sewaiyaan, un dessert traditionnel à base de lait. Elle disait toujours: la joie de l'Aïd est l'excitation qu'il procure aux enfants.

Sewaiyaan est un dessert traditionnel du sous-continent indien
 
L'année dernière, elle n'a pas pu vivre cette expérience. Le lendemain, le 24 octobre 2012, elle était morte, tuée par le feu tiré par un drone américain alors qu'elle s'affairait à son jardin.
Personne ne m'a jamais dit pourquoi ma mère avait été visée ce jour là. La presse a rapporté que l'attaque visait une voiture, mais il n'y a pas de route à côté de chez ma mère. Certains ont dit que l'attaque visait une maison. Mais les missiles ont touché un terrain voisin, pas une maison. Une seule personne avait été tuée – une femme âgée de 67 ans et neuf fois grand-mère.
Mes trois enfants – Zubair, 13 ans, Nabila, 9 ans et Asma, 3 ans – jouaient non loin quand leur grand-mère a été tuée. Tous ont été blessés et emmenés d'urgence à l'hôpital. Ces enfants étaient-ils les «militants» dont parlaient les dépêches d'agences de presse? Ou peut-être, étaient-ce les enfants de mon frère? Eux aussi étaient sur place. Ils sont âgés de 3ans, 7 ans, 12 ans, 14 ans, 15 ans et 17 ans. Les quatre plus grands venaient juste de rentrer de l'école, peu de temps avant que les missiles frappent. 

Mais les Etats Unis et leurs citoyens ne savent probablement pas ça. Personne ne nous a jamais demandé qui avait été tué ou blessé ce jour là. Ni les Etats Unis, ni mon propre gouvernement. Personne n'est venu pour enquêter et personne n'a été tenu pour responsable. Dit simplement, personne ne semble s'en soucier.

Je m'en soucie par contre, moi. Tout comme ma famille et mon village. Nous voulons comprendre pourquoi une grand-mère âgée de 67 ans représentait une menace pour un des pays les plus puissants au monde. Nous voulons comprendre comment neuf enfants, certains jouant dans les champs, certains venant juste de rentrer de l'école, pouvaient d'une manière quelconque avoir menacé la sécurité de ceux qui vivent séparés de nous par un continent et un océan.

Plus important, nous voulons comprendre pourquoi le président Obama, quand il est interrogé sur qui sont ceux que tuent les drones, répond qu'ils tuent des terroristes. Ma mère n'était pas une terroriste. Aucun membre de ma famille n'est un terroriste.
Ma mère était sage-femme, la seule sage-femme de notre village. Elle a mis au monde des centaines de bébés dans notre village et ses alentours. Maintenant, les familles n'ont plus personne pour les aider.

Et mon père? C'est un directeur d'école à la retraite. Il a consacré sa vie à l'éducation des enfants, quelque chose bien plus nécessaire pour mon village que des bombes. Les bombes ne créent que de la haine dans le coeur de notre peuple. Et cette haine et cette colère génèrent plus de terrorisme. Mais l'éducation – l'éducation peut aider un pays à prospérer.
Je suis aussi un enseignant. J'enseignais à l'école primaire du village le jour où ma mère a été tuée. Je suis rentré à la maison pour trouver tout autre chose que les joies de l'Aïd, mais mes enfants à l'hôpital et un cercueil qui ne contenait que des restes de ma mère.

Rafiq-ur-Rehman

Notre famille n'a plus été la même après la frappe du drone. Notre maison s'est transformée en enfer. Les petits enfants pleurent dans la nuit et ne parviennent pas à dormir. Ils pleurent jusqu'au petit matin.

Certains de mes enfants ont dû subir plusieurs interventions chirurgicales. Cela nous a coûté un argent que nous n'avons plus étant donné que les missiles ont tué tout notre bétail. Nous avons été obligés d'emprunter à des amis; un argent que nous ne pouvons pas rembourser. Nous utilisons donc l'argent pour payer un médecin, un médecin qui retire du corps des enfants les cadeaux métalliques que les Etats Unis nous ont donnés ce jour là.

Les frappes de drones ne se comparent pas à des batailles où des personnes innocentes sont accidentellement tuées. Les frappes de drones visent les gens avant de les tuer. Les Etats Unis décident de tuer quelqu'un, une personne qu'elles ne connaissent que par une vidéo. Une personne à qui on ne laisse pas une chance de dire – je ne suis pas un terroriste. Les Etats Unis ont choisi de tuer ma mère.

Plusieurs parlementaires Américains m'ont invité à venir à Washington DC pour faire connaître mon histoire aux membres du Congrès. J'espère qu'après avoir raconté mon histoire, l'Amérique finira par comprendre le véritable impact de son programme de drones et qui se trouve à l'autre bout de la frappe par un drone.

Je veux que les Américains sachent au sujet de ma mère. Et j'espère que, peut-être, j'obtiendrai une réponse à cette simple question: pourquoi?




samedi 26 octobre 2013

La Syrie et la stratégie saoudienne d'embrasement régional

Dans l'article que je vous propose, Vijay Prashad essaye de situer les développements de la situation en Syrie dans leur contexte régional en insistant sur le rôle de l'Arabie Saoudite.
Selon lui, les milices se l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL) sont désormais en position absolument dominante dans les rangs de l'opposition armée au régime syrien.

Si la situation militaire est pour l'instant relativement figée entre l'opposition armée d'une part et les forces gouvernementales d'autre part, cela ne signifie pas que les choses ne peuvent pas bouger.
Cette impasse ne saurait en effet durer éternellement et deux chemins semblent possibles pour en sortir, chacun d'entre eux ayant des implications différentes.

Le premier chemin est celui de la négociation sous les auspices de l'ONU entre les autorités en place et le(s) opposition(s). C'est le chemin que semble commander la sagesse même si on sait qu'il faudra du temps avant qu'une telle négociation aboutisse, en admettant cependant qu'elle commence puisque si le gouvernement syrien souffle le chaud et le froid sur cette question, l'opposition regroupée dans la Coalition au nom à rallonge (qu'on appellera CNS par commodité) se fait tirer l'oreille et fixe un préalable inacceptable pour les autorités de Damas, à savoir la démission du président Bachar al-Assad.

Le deuxième chemin est celui de l'aggravation de la guerre par son extension à l'Irak et au Liban.
C'est ce chemin qu'a choisi l'EIIL en accord semble-t-il avec l'Arabie Saoudite (ou à son instigation. Et l'EIIL a déjà entrepris de concrétiser cette option stratégique par des actions militaires visant à s'assurer le contrôle de la route Bagdad – Beyrouth, ce qui lui permettrait de faire circuler dans de bonnes conditions armes et combattants dans les deux sens. 
 
Les choix de l'EIIL ont parfaitement été compris par l'armée syrienne qui entend au contraire s'assurer le contrôle complet de la frontière avec le Liban tandis que l'armée irakienne a pour l'instant mis en échec la tentative de l'EIIL de prendre le contrôle du segment irakien de la route Bagdad – Beyrouth.

L'inclusion de l'Irak dans la guerre livrée par l'EIIL est déjà chose faite tandis que celle du Liban devrait bientôt commencer, les signes avant coureurs en étant les affrontements à Tripoli et dans les villages libanais frontaliers avec la Syrie.

Le corridor d'al Qaïda à travers la Syrie

par Vijay Prashad, The Hidu (Inde) 25 octobre 2013 traduit de l'anglais par Djazaïri

Ce n'est plus l'Armée Syrienne Libre, mais l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) qui constitue une menace sérieuse pour le régime d'Assad

Mardi soir, des kamikazes et des hommes armés ont attaqué des points de contrôle irakiens le long de la route N°11, qui relie Bagdad à la Syrie via Ramadi. Ils ont déclenché des explosions au poste de contrôle de Routba ainsi qu'à d'autres checkpoints un peu à l'ouest de Ramadi. Trente-sept personnes ont été tuées dans ces attaques, en majorité des membres des services de sécurité. La route N°11 est la route du sud de l'Irak vers la Syrie. L'autre route qui relie Bagdad à la Syrie est l'autoroute N°12, qui passe au nord de Ramadi dans les villes de Anan et Rawah, le long de l'Euphrate et dans la ville syrienne de Raqqa. La semaine dernière, des combattants de l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL) ont attaqué les villes de Anan et Rawah, détruisant un pont et essayant de détruire des pylônes électriques. L'armée irakienne a pu contrer l'attaque de l'EIIL sur Rawa, et a ainsi déjoué la tentative de l'EIIL de s'emparer des villes qui lui auraient permis de contrôler l'autoroute N°12. Le vice-Premier ministre Saleh Iraq al-Mutlaq a déclaré que l'attaque de la semaine dernière était une «tentative désespérée d'al-Qaïda [EIIL] pour s'implanter en Irak." Il semble probable que l'EIIL a décidé d'essayer de prendre le contrôle de l'autoroute N°11 après que son attaque sur la route N°12 a été repoussée.


La route qui relie l'Irak au Liban via Raqqa est partiellement sous contrôle de l'EIIL

 

Le mois dernier, l'EIIL a obtenu des succès remarquables. Son opération, baptisée Elimination de l'Impureté, a expulsé ou absorbé les unités de l'Armée Syrienne Libre tout au long du flanc nord de la Syrie. La ville d'Azaz à la frontière syro-turque est aux mains de l'EIIl depuis un mois. A partir d'avril, l'EIIL a commencé à attirer à lui toutes les factiosn salafistes plus petites, dont le Jabhat al Nosra (non sans heurts) et des éléments d'Ahrar el Cham (dont le chef Abou Obeida al-Binnishi avait été tué par l'EIIL en septembre). Un nouveau rapport de l'International Crisis Group daté du 17 octobre observe que l'EIIL est désormais «l'organisation la plus puissante dans le nord et l'est de la Syrie et profitait de son contrôle sur les champs pétroliers.» L'analyste Aymenn Jawad al-Tamimi affirme que l'EIIL ne peut être délogé de ses places fortes dans le nord et l'est de la Syrie par aucune coalition de l'ASL et de ses alliés. De fait, dans les derniers mois, l'EIIL a gravement affaibli le potentiel militaire de l'ASL, après avoir tué en juillet Kamal Hamami, un de ses plus importants chefs de bataillons, et avoir attiré à lui nombre de ses combattants locaux. L'Armée Syrienne Libre ne représente plus une véritable menace pour le gouvernement syrien.

Une situation déplorable

La principale voix séculière du soulèvement en Syrie, Yassin al Haj Saleh, qui vivait dans la clandestinité dans son pays pendant la guerre civile, s'est enfui à l'étranger le 12 octobre. Dans sa lettre ouverte, «Adieu à la Syrie, pour un certain temps», M. Saleh écrit que sa ville d'origine, Raqqa, est passée sous le contrôle des «spectres qui hantaient notre enfance, les ogres.» La situation à Raqqa, écrit M. Saleh, est déplorable. C'était dur de voir «des étrangers l'opprimer et tenir en main le destin de sa population, confisquant les biens publics, détruisant une statue d'Haroun al-Rachid ou profanant une église, arrêtant des gens qui disparaissent ensuite dans leurs prisons. 

Le départ de Syrie de M. Saleh indique que les choses ont empiré par rapport à l'été dernier quand le chercheur Yasser Munif s'était rendu dans le nord du pays et avait constaté qu'à Raqqa, «les gens sont de plus en plus critiques à l'égard de l'EIIL et d'al-Nosra.» Il semble que cet espace laissé à la critique interne de l'EIIL est manitenant plus restreint. Les affiches qui promeuvent les vues de l'EIIL abondent à Raqqa, laissant entendre une mise en sourdine des rivalités entre les diverses factions islamistes. Comme l'observe el-Tamimi, dans les manifestations publiques les bannières de l'EIIL et du jabhatal Nosra flottaient côte à côte.

En juillet 2013, l'EIIL avait organisé une évasion massive à la prison irakienne d'Abou Ghraib, libérant 500 détenus. L'EIIL avait eu recours à des voitures piégées, des kamikazes et des miliciens pour cette opération. L'EIIl avait ensuite dirigé ces combattants vers la frontière irako-syrienne dans le but d'essayer de prendre le contrôle des points de passage frontaliers dans le cadre de leur projet d'établir un corridor pour relier Ramadi en Irak à Tripoli dans le nord Liban (un affrontement dans cette ville a causé la mort d'un garçon de13 ans le 23 octobre). Les attaques de la nuit du 22 octobre s'inscrivaient dans ce scénario.

L'EIIL et sa forme de radicalisme sont un produit du financement de la rébellion par le Qatar et l'Arabie Saoudite. L'argent des Arabes du Golfe ainsi que des combattants étrangers et un groupe de combattants Syriens motivés ont donné l'avantage à l'EIIL. Dans le même temps, tandis que l'argent du Qatar et de l'Arabie saoudite a permis à leur client de dominer les autres rebelles sur le champ de bataille, l'influence de ces deux monarchies a empêché l'unification des rangs et le développement d'un agenda par les dirigeants de la rébellion. En trois ans, la Coalition Nationale des Forces Syriennes Révolutionnaires et d'Opposition (CNS) a été incapable de formuler un programme clair pour la Syrie. Cette absence [de programme] n'est pas dû à un manque d'imagination, mais à la subordination du CNS aux rivalités mesquines entre ses bienfaiteurs Arabes du Golfe. Le CNS s'était mis lui même dans l'impasse quand il avait en fin de compte laissé faire une révolution de palais pour écarter Mo’az al-Khatib de son poste [de leader du CNS]. Après d'intenses luttes intestines, le CNS avait finalement désigné Ahmad Saleh Touma en qualité de premier ministre. Ghassan Hitto avait démissionné car on le voyait comme trop proche du Qatar dont l'étoile commençait à pâlir. Le président actuel est Ahmad Jarba, qui a des liens étroits avec la monarchie saoudienne. Vers la fin septembre, les islamistes ont rejeté le CNS. Abdul Qader Saleh, le chef de la Brigade Tawhid [unicité de Dieu] d'Alep, a fait savoir qu'ils [les islamistes] envisageaient de former une alliance islamique (al-tahaluf al-islami). Le chercheur Aron Lund considère que les islamistes ne sont pas allés au delà d'une simple proposition. La marque des rivalités entre Arabes du Golfe traverse profondément la coalition.

L'agenda saoudien

Malgré les gains obtenus par l'EIIL dans le nord de la Syrie, l'agenda de l'Arabie Saoudite pour la Syrie est bloqué. En l'absence d'intervention militaire étrangère, l'EIIL sera incapable de renverser le régime en place à Damas. - c'est une des raisons pour lesquelles l'EIIL a décidé de s'emparer des postes frontaliers (avec l'Irak, la Turquie et le Liban). Une confrontation dangereuse va probablement avoir lieu dans la région de la Ghouta occidentale près de Damas, mais elle ne débouchera sur aucun gain stratégique significatif pour quiconque. Ce sera un bain de sang sans résultat substantiel, comme une bonne partie de ce qui se passe maintenant dans cette guerre. Incapable d'avancer dans le centre du pays, l'EIIL revendique les marges de la Syrie. L'Arabie Saoudite s'attendait à ce que les Etats Unis bombardent la Syrie en septembre, ce qui aurait affaibli le pouvoir d'Assad et permis à ses clients de prendre le pouvoir (l'Arabie Saoudite est aussi déçue par l'acceptation par les Etats Unis de l'ouverture iranienne pour des discussions). La route de Damas semblant fermée, l'EIIL s'est adonné avec plus de force à la violence nihiliste dans les régions qu'il contrôle – pas vraiment le résultat espéré par l'Arabie Saoudite. C'est la raison pour laquelle le Prince Bandar bin Sultan, qui assure la liaison avec les rebelles, a parlé de réévaluer la relation de l'Arabie Saoudite avec les USA, et c'est aussi la raison qui a conduit l'Arabie Saoudite à refuser d'occuper le siège qu'elle venait tout juste d'obtenir au Conseil de Sécurité de l'ONU. L'Arabie Saoudite avait soutenu les Talibans dans les années 1990 avec l'idée que ce mouvement modérerait son idéologie avec le temps. Il n'en fut rien. Il semble que la monarchie veuille faire encore le même pari, en dépit d'un précédent défavorable. 

Le type de violence qui a éclaté la nuit du 22 octobre est devenue chose courante en Irak, avec plusieurs milliers de morts cette année (presque 500 rien que pour ce mois). La guerre en Syrie, bloquée dans une impasse douloureuse, s'est déplacée vers l'Irak, un pays déjà affligé par la guerre et la dévastation dans son histoire récente. Ici, les «visages qui se durcissent sous un masque de tristesse» comme l'écrit le poète Syrien Adonis, regardent les civilisations s'effondrer pour de vulgaires desseins géopolitiques. L'ombre d'al Qaïda s'installe sur l'Irak et la Syrie, durcissant encore plus les traits des Syriens et des Irakiens ordinaires. Le moment du lancement d'une offensive générale de l'EIIL au Liban se rapproche nécessairement ainsi que le donnent à penser les affrontements à Tripoli et dans les villes frontalières. Les discussions pour un cessez-le-feu et les négociations à Genève sont fort éloignées dans la désolation qui est venue envelopper les routes qui relient Beyrouth à Bagdad, un trajet qui aurait pu être fait assez tranquillement il y a un siècle mais qui connaît aujourd'hui la tourmente des fusils et de la frustration.

(Vijay Prashad est titulaire de la chaire Edward Saïd à l'Université Américaine de Beyrouth, Liban)

dimanche 20 octobre 2013

Commercer ou s'indigner (de l'attitude du gouvernement turc vis-à-vis de l'Etat sioniste)

S'il est une personnalité du Moyen Orient qui aura déçu, c'est bien le premier ministre Turc Recep Tayyip Erdogan.

Ce dernier avait en effet suscité beaucoup d'espoirs quand il avait exprimé sans ménagement son indignation à la face du chef du gang sioniste Shimon Peres suite à l'opération dite "Plomb durci" menée par les terroristes sionistes contre Gaza fin 2008 – début 2009.

C'était une réaction émotionnelle et sans doute sincère mais qui n'a pas résisté aux nécessités politiques du gouvernement turc, le tournant pouvant être situé au moment où la Turquie, après de fortes réticences, avait accepté d'apporter sa contribution à l'effort de guerre contre la Libye. 

Le fait est que, même après l'arraisonnement sanglant par les tueurs sionistes (9 morts, tous Turcs dont un américano-turc) de la flottille humanitaire emmenée par le Mavi Marmara, et en dépit d'une crise diplomatique sans précédent, les échanges commerciaux entre les deux pays ont non seulement continué mais ont atteint un niveau record.

Cette logique profonde des relations entre la Turquie d'Erdogan et l'entité sioniste est en quelque sorte un démenti par les faits des postures indignées du chef du gouvernement turc.

On peut comparer cette manière de récompenser l'Etat prétendu juif avec l'attitude intransigeante et agressive qu'a adoptée M. Erdogan à l'égard des autorités syriennes qui n'ont pourtant assassiné aucun ressortissant turc.

Des députés de l'opposition turque font éclater aujourd'hui au grand jour l'hypocrisie de M. Erdogan dont le fils ne s'est pas gêné pour profiter du boom des échanges entre l'Etat prétendu juif et la Turquie.

L'info est reprise par un journal sioniste selon le bon vieux principe en vigueur à Tel Aviv qu'il faut écraser impitoyablement ses ennemis et humilier ses amis car l'humiliation a la vertu paradoxale de les rendre encore plus dociles (pour ceux que ça intéresse, allez voir du côté de la théorie de la dissonance cognitive de Leon Festinger).
 

Selon l'opposition: le fils de M. Erdogan fait des affaires avec Israël

 Des membres de l'opposition turque affirment qu'un bateau appartenant au fils dy premier ministre a accosté au port d'Ashdod trois mois avant la réconciliation entre les deux pays
 par Itamar Eichner, Yediot Aharonot (Sionistan) traduit de l'anglais par Djazaïri

 Des membres de l'opposition turque ont mis dans l'embarras le premier ministre Recep Tayyip Erdogan en révélant que durant ces trois dernières années, alors que les relations entre Tel Aviv et Ankara étaient au plus bas, son fils avait continué à faire des affaires avec Israël.

Le fils, Ahmet Burak Erdogan, est propriétaire de la MB Shipping company qui possède deux navires cargos. L'un d'entre eux, le Safran-1, a relié des ports turcs et israéliens plusieurs fois, transportant des marchandises dans les deux sens.

Le bateau qui mesure 95 mètres de long a accosté au port d'Ashdod le 12 janvier – environ trois mois avant la fin de la crise entre les deux pays.

Erdogan père et fils avaient un petit bateau

Lors d'une conférence de presse à Ankara, l assistant du président du Parti Républicain du Peuple (CHP), le principal mouvement d'opposition à Erdogan au parlement, a pourfendu le premier ministre Turc pour son «hypocrisie.»

D'autres membres de l'opposition ont posé une série de questions à Erdogan: «Votre fils avait-il été exempté de l'embargo commercial contre Israël? Est-ce que c'est éthique? Quelle a été la part prise par le bateau dont votre fils est propriétaire dans le commerce avec Israël?»
 
Les parlementaires Turcs se sont pourtant trompés: en fait, la Turquie n'a jamais proclamé un embargo commercial contre Israël même au plus fort de la crise diplomatique. Erdogan avait bien annoncé qu'il suspendait les relations économiques avec Israël, mais il avait ensuite précisé qu'il ne parlait que des échanges en matière de défense.

Pendant la crise entre Israël et la Turquie, les échanges commerciaux entre les deux pays ont prospéré et atteint le niveau record de 4 milliards de dollars – une augmentation de 30%.





Sex Shop halal sur internet

Après le sex shop halal de Casablanca (à moins que ce soit un canular),un sex shop halal en ligne en Turquie.
Après tout, on a bien les sauces végétales et les oeufs halal.
En tout cas Youssef al Qaradaoui saura maintenant où acheter ses godemichés

Ouverture du premier sex shop halal en ligne en Turquie

Hürriyet (Turquie) 20 octobre 2013 traduit de l'anglais par Djazaïr
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Un sex shop en ligne vient d'être lancé pour vendre des produits "halal" aux Musulmans en Turquie, ce qui en fait le premier de ce genre dans le pays.

Sex shop halal en ligne
Le site web présente ses produits comme absolument sûrs et halal conformément aux normes islamiques.  
Quand les usagers d'internet entrent sur le site marchand en ligne, il y a deux liens différents, un pour les hommes et un pour les femmes, qui guident les visiteurs vers deux sections séparées pour les produits féminins et masculins.

Il y a aussi d'autres sections sur le site web pour discuter des relations sexuelles sous l'angle de l'Islam.

samedi 19 octobre 2013

Le Juif antijuif qui représente les Musulmans aux Etats Unis

Le Council on American Islamic Relations (CAIR) est une des plus importantes organisations de défense des droits des Musulmans aux Etats Unis.

Selon son site web,

La vision de CAIR est la défense ardente de la justice et de la compréhension mutuelle.

La mission de CAIR est d'améliorer la compréhension de l'Islam, d'encourager le dialogue, de protéger les libertés publiques et de promouvoir la justice et la compréhension mutuelle.

On reconnaîtra là les principes habituels qui guident l'action des associations qui entendent représenter les droits des minorités aux Etats Unis. L'action de CAIR s'exerce de manière tout à fait classique par la pratique du lobbying dans la capitale fédérale et dans les différents Etats qui composent les Etats Unis.
CAIR cherche aussi à encourager la participation des Musulmans à la vie publique et intervient dans la lutte contre les discriminations en offrant médiation et prestations juridiques.
Rien que de très banal, surtout pour un pays comme les Etats Unis.
Sauf que CAIR représente la communauté musulmane qui fait l'objet de la culture du soupçon aux Etats unis, au moins depuis les attentats du 11 septembre 2001, et d'une campagne islamophobe menée de manière méthodique,
Cette campagne islamophobe, si elle prend prétexte des attentats de 2001  trouve en réalité son fondement, comme on l'a déjà vu sur ce blog à propos notamment des lois anti-charia, dans la démarche d'activistes sionistes radicaux qui s'appuient sur un appareil financier et une organisation bien rodés.
Et CAIR, en tant qu'organisation représentant des Musulmans et plaidant pour la justice a ce défaut insigne de plaider pour une solution juste au conflit du proche Orient quoique ce conflit ne soit pas au coeur de ses préoccupations.

C'est cependant encore trop pour les ultrasionistes qui n'ont de cesse de dénoncer les liens de cette organisation avec ce qu'ils appellent des organisations terroristes. 

Daniel Pipes
 
Les (prétendus) arguments contre CAIR sont bien synthétisés par le néoconservateur  Daniel Pipes (Pipes est un nom qui fleure bon l’Angleterre mais la famille de Daniel Pipes est juive polonaise et a émigré aux USA dans les années 1940), et c’est en gros la même que celle présentée par les organisations qui constituent le lobby sioniste comme l’Anti Defamation league (ADL, équivalent de la LICRA aux Etats Unis).
Il va de soi que pour ces tenants du sionisme radical, CAIR flirte forcément avec l’antisémitisme compte tenu de ses prises de position sur la Palestine.

Un argument qui vient de prendre un petit coup dans l’aile avec la nomination d’un Juif au poste de directeur de la section de CAIR à Philadelphie (chaque section régionale est autonome).

Bon, ce n’est pas n’importe quel Juif puisqu’il s’agit de Jacob Bender, un documentariste connu pour ses positions de gauche, y compris sur la question palestinienne.

Jacob Bender
Un Juif antijuif présume déjà Abraham Foxman, le premier responsable de l’ADL.

Jacob Bender est le premier Juif à diriger une section de CAIR, l'organisation de défense des droits des Musulmans

L'activiste de Philadelphie fait face à l'hostilité dans l'establishment juif

par Nathan Guttman, The Jewish Forward (USA) 17 octobre 2013 traduit de l’anglais par Djazaïri

Jacob Bender va devenir le porte-voix des Musulmans de la région de Philadelphie dans la lutte contre la discrimination qu'ils subissent sur les lieux de travail et dans la sphère publique, et dans le combat contre les expressions de haine.
Bender est convaincu que son appartenance à la confession juive ne peut que l'aider à faire ce travail avec efficacité.

«La communauté musulmane est attaquée par des forces islamophobes, et il est de l'obligation et de le responsabilité de toutes les personnes de bonne volonté de se lever et de dire que cette agression est une manifestation d'intolérance,» affirme Bender. «C'est [cette mission] absolument cohérent avec les objectifs que je me suis fixés dans la vie.»

La section de Philadelphie du Council on American Islamic Relations a annoncé la nomination de Bender à son poste de directeur exécutif le 15 octobre. Bender est le premier Juif, et le premier non musulman, à exercer comme directeur d'une branche de CAIR.

«Les besoins de la communauté musulmane sont exactement les mêmes que ceux de toute communauté minoritaire aux Etats-Unis", déclare Iftekhar Hussein, président du conseil d'administration de CAIR-Philadelphie. «Jacob, en tant que juif, le comprend du fait des ses propres origines."

Militant des questions liées au dialogue interreligieux entre Juifs et Musulmans qui a été impliqué par le passé dans la défense d'une vision progressiste de la paix au Moyen Orient, la nouvelle position de Bender va le placer devant deux types d'attentes de natures très différentes.

Il va rencontrer une communauté locale musulmane qui attend qu'un non musulman représente ses besoins aussi bien que l'aurait fait un coreligionnaire.

Il va aussi être confronté à un leadership juif national qui a décidé que CAIR n'était  absolument pas un partenaire avec qui on peut dialoguer.

Dans un long document publié en 2006, l'Anti-Defamation League (ADL) accusait CAIR d'avoir des positions extrémistes sur Israël et d'avoir des liens avec des individus et des organisations qui ont exprimé leur soutien à des organisations terroristes.

Les organisations juives avaient aussi souligné par le passé le fait que CAIR avait été initialement citée dans le dossier judiciaire de la Holy Land Foundation, une organisation caritative basée aux Etats Unis qui avait été accusée de rassembler des fonds pour le Hamas. Mais un tribunal avait ordonné en 2012 que la référence à CAIR soit retirée du dossier.

«CAIR ne fait pas partie des partenaires potentiels de la communauté juive,» déclare Ethan Felson, vice-président du Jewish Council for Public Affairs. «La communauté juive a examiné son dossier et a conclu que «Nous ne pouvons pas travailler avec cette organisation.»

Même si aucune position officielle n'a été adoptée, la communauté juive a exclu CAIR de toute action interreligieuse commune avec la communauté musulmane et s'est concentrée sur les relations avec l'Islamic Society oh North America et avec des mosquées et des imams locaux.

CAIR et Bender rejettent les assertions des organisations juives selon lesquelles l'organisation serait de quelque manière extrémiste. «Il y aura toujours ceux qui essaieront de diaboliser les autres organisations,» déclare Bender. «En tant que personne qui soutient depuis longtemps les droits des palestiniens et qui critique la politique d'occupation, je ne vois pas de contradiction entre mes opinions affirmées de longue date sur le Moyen orient et celles de CAIR.»

Israël n'est pas une question prioritaire pour CAIR, en particulier pour ses sections locales, qui tendent à s'intéresser plus à la lutte contre les discriminations contre les Musulmans dans la communauté locale [où ils vivent]. Pourtant, pour beaucoup dans la communauté juive, le problème arabo-israélien est perçu comme l'obstacle essentiel qui éloigne CAIR de l'establishment juif américain.

Le fait d'avoir un Juif à un poste de dirigeant pourrait-il contribuer à réduire la coupure entre les deux parties? La réponse consiste généralement en un mélange d'espoir et de scepticisme.

«Il y a toujours un potentiel de changement,» déclare Hussain, tout en observant que jeter un pont en direction des organisations juives n'était pas la motivation derrière le recrutement de Bender pour le poste. «Ceux qui n'ont pas de contact avec CAIR devraient s'asseoir autour d'une table et comprendre que nous sommes une organisation des droits civiques.»

Abraham Foxman, le responsable national de l'ADL, explique dans une déclaration à Forward que «on verra avec le temps.» L'appartenance de Bender à la confession juive, dit-il, n'a pas nécessairement une importance. «Malheureusement, il y a des Juifs qui sont antijuifs et anti-Israël,» ajoute Foxman, «mais nous allons attendre et on verra bien.»

L'intérêt de Bender pour la communauté musulmane a commencé après les attaques terroristes du 11 septembre. Producteur de documents vidé et télévisuels, il a commencé à organiser des rencontres inter-religieuses et à donner de la voix contre contre les expressions islamophobes devenues plus fréquentes après les attentats.

En 2009, son documentaire “Out of Cordoba: Averroes and Maimonides in Their Time and Ours a été présenté au public/ Le film traite «de Juifs, de Musulmans et de Chrétiens qui luttent contre le détournement de leurs religions par des extrémmistes,» écrivait Bender dans une brève description qui accompagnait le film.

Le film s'intéresse à deux contemporains historiques de l'Espagne médiévale: le philosophe Juif Maïmonide et le penseur Musulman Averroes. A travers ces deux personnages, Bender cherchait à remettre en cause «la thèse selon laquelle il y a un inévitable 'choc des civilisations' entre l'Occident et le monde musulman.»


Au cours de ces deux edernières années, Bender s'est déplacé dans tout le pays pour présenter son film aux communautés juives et musulmanes, pour parler du besoin d'une plus grande compréhension entre religions. Dans les années 1980, Bender activait dans plusieurs organisations juives progressistes qui plaidaient pour une solution à deux Etats [au Moyen Orient]. Il a ensuite été directeur exécutif d' American Friends of Meretz [les amis américains de Meretz]; le parti politique israélien de gauche.

Sa mission à CAIR Philadelphie, une des 20 branches indépendantes à travers le pays, consistera principalement à lutter conte la discrimination anti-musulmane. Ces dernières années, la section de CAIR à Philadelphie a été parmi les organisations les plus en pointe dans le combat contre les lois anti-charia proposées en Pennsylvanie. Elle s'est publiquement exprimée contre les stéréotypes anti-musulmans après l'attenta qui a visé le marathon de Boston.

Le profil de Bender, en tant que réalisateur et orateur, observent les renponsables laïcs de l'organisation, le rend apte au rôle de porte-parole pour l'organisation et les droits civiques des Musulmans.
«Je n'ai jamais eu de doute ou de sentiment négatif à propos de CAIR depuis que je suis en contact avec cette organisation,» déclare Bender. «Je n'ai jamais rencontré de sentiment antijuif ou antisémite. Bien au contraire.»

samedi 12 octobre 2013

Les racines du dénouement en vue de la crise en Syrie et la chasse au Netanyahou

J'étais parti pour faire une petite intro sur Yair lapid et Benjamin Netanyahou mais j'ai un peu dérivé... 

La crise syrienne a connu récemment un tournant décisif et ce tournant n'a pas été militaire mais politique,
On est en effet passé de l'exigence du départ du président Syrien Bachar al-Assad par les puissances occidentales (souvenons-nous de Laurent Roquet Fabius qui affirmait que le président syrien ne mériterait pas d'être sur la Terre) à celle de la destruction des armes chimiques dont dispose l'armée syrienne.

C'est ce qu'on appelle un changement de paradigme, changement concocté par les Etats Unis, la Russie et ,,, le gouvernement syrien, prenant au dépourvu la Turquie et une diplomatie française ridiculisée dans sa vaine posture belliciste.

Le camouflet à répétition n'a pourtant apparemment pas suffi à vacciner Paris contre l'emploi d'un langage musclé qui n'est plus vraiment dans ses moyens et de toute façon ne sert pas ses intérêts.

Ne vient-on pas en effet de lire que François Hollande a assuré Benjamin Netanyahou de «toute sa fermeté» à l'égard de l'Iran?

Parce que l'élection de Hassan Rohani à la présidence de la république islamique d'Iran est aussi un des éléments qui ont joué dans l'évolution du traitement du dossier syrien. Non pas que le nouveau chef de l'Etat ait pris des positions radicalement différentes de son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad, du moins sur les dossiers syrien et nucléaire, mais son image de modéré bien mise en avant dans la presse occidentale (malgré de vaines tentatives sionistes de le diaboliser comme on l'a fait pour Mahmoud Ahmadinejad) a donné l'opportunité aux Etats Unis de changer de ton à l'égard de l'Iran.

Ahmadinejad et Rohani (faisant un salut nazi?)
 
La conséquence de ce changement de ton a été la rencontre entre les présidents Rohani et Hollande en marge de l'assemblée générale de l'ONU, et l'échange téléphonique entre Barack Obama et le président de la république islamique d'Iran. Il va sans dire que François Hollande avait été dûment autorisé par la maison Blanche à rencontrer son homologue iranien.

Ce rapprochement entre l'Iran et l'Occident a bien sûr pour conséquence que l'élimination du régime syrien n'a plus le caractère impérieux qu'elle avait il y a seulement quelques mois, d'autant qu'il apparaît clairement que la fraction de l'opposition polico-militaire tenue à bout de bras par Londres, paris et Washington ne représente pratiquement rien, ni sur le terrain militaire, ni sur le terrain politique.

Un troisième facteur qui a joué un rôle absolument décisif dans le changement de posture des Etats Unis est la déposition du président Mohamed Morsi par l'armée égyptienne, un coup d'état qui était motivé entre autres par le refus d'un engagement militaire de l'Egypte contre le régime syrien, même par volontaires interposés, et qui a pu s'appuyer sur l'hostilité de l'Arabie Saoudite à l'égard des Frères Musulmans.

Il faut bien se figurer en effet que, vu de Riyad, les Frères Musulmans que nous qualifierions de bourgeois conservateurs, sont perçus comme de dangereux révolutionnaires, une véritable menace pour la monarchie (l'épisode de la proclamation d'une république au Yémen par les Frères Musulmans avec à leur tête l'Algérien Fodil El Ouartilani n'a sans doute pas été oublié en Arabie).
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Fodil al Ouartilani
Si le paysage reste confus, avec des retournements qui semblent fourmiller de contradictions, il est peut-être possible de mieux saisir sa logique globale en prenant de la hauteur, c'est-à-dire en examinant la situation dans la région asiatique dans son ensemble.
On le sait, le centre de gravité de l'économie mondiale est en train de se déplacer vers l'Asie orientale (Corée, Chine, Thaïlande) quoique d'autres pôles de puissance semblent émerger ailleurs (Inde, Brésil par exemple) et tôt ou tard le politique suivra. Des tentatives d'organisation autonome de ces espaces ont vu le jour comme le BRICS (Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du Sud) ou l'Organisation de Coopération de Shangaï.

Deux pays asiatiques retiendront notre attention ici: la Chine et l'Inde, Ces deux géants ont pour point commun d'avoir d'énormes besoins en énergie (pétrole, gaz) que la production nationale est absolument incapable de satisfaire, Ces deux pays se tournent donc vers des fournisseurs étrangers dont l'Iran fait partie. Mais ce rôle de fournisseur de l'Iran n'a en réalité pas vraiment de rôle dans les inflexions de la diplomatie des Etats Unis. Ce qui est important à cet égard, ce sont les réserves d'hydrocarbures présentes dans l'Asie Centrale ex soviétique et qui font l'objet de toutes les sollicitudes. Des réserves auxquelles la Chine peut accéder par voie terrestre moyennant des aménagements en infrastructures de transport qui existent déjà et d'autres qui sont en cours de réalisation ou à l'étude.

Pour l'Inde, les choses se présentent différemment puisque son accès terrestre à l'Asie Centrale est barré par le Pakistan, l'ennemi intime depuis la sécession de 1947.

L'accès de l'Inde à l'Asie Centrale passe donc par l'Iran où l'Inde investit 100 millions de dollars dans le port et la zone franche de Chabahar, des investissements qui complètent ceux effectués dans des infrastructures routières qui relient de grandes villes afghanes à l'Iran. De son côté,la Chine s'est ménagée une ouverture portuaire semblable au Pakistan qui lui offre une route sud-nord complémentaire à la route est-ouest.

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Nouvelles routes terrestres et maritimes en Asie
Et bien sûr, ces régions d'Asie, et peut-être l'Afghanistan une fois la paix revenue, seront des fournisseurs mais aussi des clients.
Cette partie du monde est donc à la veille d'un boom économique auquel l'Iran va participer ne serait-ce que par son positionnement géographique au débouché sud-ouest de ces régions.

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Transports de gaz et de pétrole en Asie centrale et au Moyen Orient
C'est là que se situent les enjeux majeurs pour le monde, pour l'Iran et par conséquent pour le Moyen Orient et non dans une prétendue lutte entre Islam chiite et sunnite,
L'affaire syrienne a été l'occasion pour les Etats Unis de jauger la volonté de la Russie et de la Chine quant au contrôle de l'accès aux ressources et aux marchés de l'Asie Centrale et du Moyen orient.
Et les Etats Unis ont semblé conclure que cette volonté était trop forte pour qu'ils puissent tenter quoi que ce soit de significatif sans en subir de conséquences, par exemple dans l'unique position clef qu'ils occupent encore, c'est-à-dire en Afghanistan.
Sous peine d'être à moyen terme exclus de la région, la solution qui s'est imposée à eux est celle d'un rapprochement avec l'Iran.
Ce rapprochement va sans doute prendre du temps, parce qu'on ne passe pas du jour au lendemain d'un langage belliqueux et menaçant à des relations amicales et surtout en raison de la présence de l'Etat prétendu juif qui torpille toute approche rationnelle de la part des Etats Unis dans la région.
L'analyse qui semble prévaloir à Washington est que c'est Benjamin Netanyahou qui représente un obstacle et la tête de ce dernier est en quelque sorte mise à prix par la maison Blanche qui aimerait avoir un interlocuteur plus sensible aux intérêts de l'allié américain.
Cet interlocuteur pourrait être Yaïr lapid, l'actuel ministre des finances du cabinet Netanyahou qui vient d'être reçu très chaleureusement par Joe Biden malgré le Shutdown.
Pourtant, comme l'explique l'article que je vous propose, si Yaïr lapid a une autre prestance que Benjamin Netanyahou, il est fondamentalement sur la même ligne aussi bien sur la question des négociations avec les Palestiniens que sur le dossier iranien.

par Philip Weiss, Modoweiss (USA) 11 octobre 2013 traduit de l'anglais par Djazaïri
Yaïr Lapid, le ministre des Finances d'Israël et étoile montante centriste, est reçu comme une star aux Etats Unis. Lapid s'est entretenu hier, en plein Shutdown, avec le vice-président, ils se sont apparemment bien entendus. Le vice président a tweeté la photo ci-dessus et publié une déclaration selon laquelle ils avaient une "conversation sur de nombreux sujets", notamment sur l'Iran et les négociations avec les Palestiniens. Ils avaient été rejoints par le secrétaire au Trésor Jack Lew et le coordonnateur pour le Moyen-Orient à la Maison Blanche, Phil Gordon.
Lapid était une vedette de la télévision, et ça se voit. Charlie Rose a passé beaucoup de temps avec Lapid mardi. D'abord sur le Charlie Rose Show. Puis au centre culturel 92d Street Y pour une co-présentation avec une organisation pro-israélienne, l'Israeli Policy Forum.
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Yaïr Lapid interrogé par Charlie Rose
A 92d Street Y, Rose a présenté Lapid comme étant «un des Juifs les plus célèbres du monde.» L'interview (vidéo ici) était dans l'ensemble gentille et Lapid a pu contrôler aisément la situation, comme si c'atait lui qui animait le talk show.
Il a plaisanté avec naturel l'accent sudiste de Rose et l'a rembarré quand il lui a demandé s'il aspirait à être premier ministre, et il a moqué le New York Times qui cite les gens hors contexte. Mais ses positions ne sont guère différentes de celles de Netanyahou, et on n'a pas à attendre longtemps avant que Lapid commence à parler de la Cité de David [Jérusalem].
C'est un tenant d'une ligne dure sur Jérusalem.
“Jérusalem ne sera jamais divisée. Jérusalem est la capitale d'Israël. Les pays ne renoncent pas à leurs capitales… mais oui, il y aura – certains territoires qui seront restitués…”
Rose: “Vous n'êtes pas en faveur de Jérusalem comme capital pour les Palestiniens et les Israéliens.”
“Vrai.”

Gaza ne fait pas partie de l'Etat palestinien tel qu'il peut l'imaginer.

Gaza est hors jeu. Il n'y pas de négociations avec le Hamas. Le Hamas est une... organisation terroriste qui devrait être traitée comme telle.

La vallée du Jourdain est également exclue des négociations. «Sécurité.»

Il est aussi partisan d'une ligne dure sur l'Iran.
“Le problème que nous avons avec l'Iran…c'est qu'ils construisent des armes nucléaires… et que les Iraniens financent le Hamas et le Hezbullah… Je pense que la ruse et la fraude ont toujours fait partie des instruments de la stratégie |de l'Iran].”
Lapid dit que l'Iran doit faure deux chose simples pour une levée des sanctions. Renoncer aux centrifugeuses, il y en a 18 000, et fermer son réacteur au plutonium.“parce que personne n'utilise des réacteurs au plutonium à des fins pacifiques.”

Ses attitudes par rapport à Israël sont très marquées par un chauvunisme ethnique. Son père avait échappé à l'holocauste à Budapest et il aime vivre dans un Etat juif.
“Ecoutez, je ne cherche pas un mariage heureux avec les Palestiniens. Je veux un divorce. L'idée de gouverner... environ 3 millions de Palestiniens est problématique pour l'identité juive d'Israël, et je veux vivre dans un Etat juif.…”

Quel est votre principal motif d'inquiétude pour l'avenir d'Israël? lui a demandé Rose? Une bonne partie de la réponse de Lapid est: les Arabes.
“Je dirais l'éducation…. Cette année, 49 % des élèves qui entrent à l'école élémentaire sont soit des ultra orthodoxes, soit des Arabes. Je ne veux pas dire que c'est une menace existentielle mais c'est un changement existentiel pour Israël. Et nous devons faire en sorte que tous participeront à la société israélienne.. Donc oui, je crains plusles menaces internes que les menaces externes.”

Et quand Lapid dit qu'il tend constamment la main aux autres partis, pour travailler avec eux, il parle d'autres partis juifs, du Likoud au Foyer Juif en passant par les travaillistes. Pourquoi Charlie Rose ne luii demande-t-il pas s'il parle avec les partis palestiniens, et s'il ne le fait pas, pourquoi? Ros accepte ainsi le même genre de discrimination que celui auquel il s'opposait en Caroline du Nord dans son enfance.

Lapid dit de l'extrémiste de droite Naftali Bennett que c'est un ami, et que le gouvernement de Netanyahou ne tombera pas avant l'expiration de son mandat. “Il y a une bonne énergie et la volonté de travailler ensemble.”

La première question qui vient de l'auditoire est, “Pourquoi ne pouvez-vous pas diviser la ville de Jérusalem?”
La réponse référait à la doctrine ethno-religieuse, et était un peu effrayante:
“[si nous] posons que tout relève du rationnel… alors– je serais sans doute mieux à vivre à New York . Vous savez, Israël a été créé au début pour être un havre de sécurité pour les Juifs du monde. Je ne pense pas que c'est un lieu sûr. J'entends par là que New York est un endroit plus sûr quand on est juif. Je vis en Israël parce que je veux vivre dans un pays qui n'est pas seulement un territoire, mais aussi une idée. Et Jérusalem est l'essence de cette idée. Certes, il y a... des raisons logiques pour dire OK, je renonce à Jérusalem Est, mais un pays ne peut pas survivre sans un ethos et l'ethos d'Israël est à Jérusalem Est. C'est la cité du roi David. C'est – vous savez quoi, notre droit au retour doit aussi être pris en compte – et nous sommes revenus à Jérusalem. J'aime Tel Aviv, la ville où je vis mais nous ne sommes pas rentrés après 2 000 ans pour Tel Aviv, nous sommes rentrés pour Jérusalem.

Applaudissements nourris du public à 29 dollars la place.

Lapid dit aussi croire en Dieu et lire «beaucoup» la Bible. Parce que la Bible est pleine de héros et que notre monde est celui des «anti-héros », Oui, et il préférerait vivre dans une idée, pas dans un pays. Il y a chez lui beaucoup plus de vernis que chez Netanyahou, mais l'ethos est le même.