jeudi 26 juillet 2012

Les réfugiés Syriens fuient-ils tous la violence du régime?


Il s'en faut de beaucoup en réalité.

Un article du Spiegel allemand qui, s’il n’a sans doute pas grande valeur en termes d’analyse politique, nous rappelle que tous les réfugiés qui quittent la Syrie ne le font pas par crainte des forces gouvernementales. On avait vu par exemple que les Irakiens fuient la Syrie sous la pression des forces d’opposition au régime de Damas. De la même manière, le Spiegel nous parle de ces chrétiens qui fuient également la marche en avant de la démocratie, à Qusayr notamment. Et puis on a tous ces réfugiés qui fuient simplement la situation dangereuse que connaît leur pays.

Incidemment, nous apprenons que d’autres réfugiés sont tout simplement les membres des familles de ceux qui ont pris les armes contre le gouvernement de leur pays et qui ne se gênent pas pour menacer ou tuer leurs compatriotes qui ne sont pas de la bonne confession ou couleur politique. Leur parenté étant en sécurité, ils se sentent effectivement libres de se livrer à leurs exactions.
D’ailleurs ces combattants eux-mêmes sont qualifiés de réfugiés ! C’est dire à quel point la crise syrienne permet à la presse occidentale de donner libre cours à ses abus de langage.

Pour information, c’est plus d’un million de réfugiés que la Syrie accueillait sur son sol au début cette crise. Des réfugiés essentiellement Irakiens qui avaient fui la terreur imposée par George W. Bush et d’autres grands démocrates occidentaux comme Tony Blair. Mais bon Dieu, vous savez pas que la terre d’asile c’est la France ?

A comparer aux 112 000 réfugiés Syriens à l’étranger décomptés par l’ONU (et non les centaines de milliers comme l’indique l’article).
Sur la question des réfugiés Syriens, je me permets de vous renvoyer à un précédent post qui est plus que jamais d’actualité.

Je souhaite bien entendu que tous ces réfugiés puissent rentrer chez eux en toute sécurité, chose qui dépend avant tout malheureusement des pétromonarchies et de l’OTAN.

Pour finir cette introduction à l’article, quand je parle de la valeur limitée de l’article en termes d’analyse politique, je veux simplement dire qu’il semble ignorer la place capitale des chrétiens d’orient dans l’idée moderne de nation arabe. Une idée dont le régime de Damas, avec tous ses défauts il est vrai, est sans doute la dernière incarnation. C’est pour cette raison aussi que les monarchies démocratiques du Golfe ont décidé de l’éliminer.

par Ulrike Putz à Qa, Liban
Der Spiegel (Allemagne) 25 juillet 2012 traduit de l’anglais par Djazaïri

Des milliers de Syriens fuient vers le Liban voisin - pas tous par peur du régime Assad. La minorité chrétienne du pays souffre sous les coups des attaques menées par les troupes rebelles. Dans la vallée de la Bekaa dans l'est du Liban, les familles chrétiennes ont trouvé un refuge temporaire, mais elles sont encore terrifiées.

On nous a averti maintes fois que la famille Khouri (nom d’emprunt) n’accepterait pas de parler. »Ils ne diront pas un mot – ils sont trop effrayés,» nous avait prédit le maire de Qa, un petite bourg du nord-est du Liban où les Khouris se sont installés. « Ils n’ouvriront pas même la porte aux journalistes,» avait dit une autre personne qui était entrée en contact avec la famille pour une organisation non gouvernementale.

D’une manière ou d’une autre, l’interview a quand même pu être organisée en fin de compte. Réservées et hésitantes, les femmes ont relaté ce qui était arrivé à leurs maris, frères et neveux dans leur ville de Qusayr en Syrie. Ils ont été assassinés par des combattants rebelles syriens, disent les femmes – assassinés parce qu’ils étaient chrétiens, des gens qui, aux yeux des combattants de la liberté islamistes radicaux, n’ont pas de place dans la nouvelle Syrie.

En un an et demi, depuis le début du soulèvement contre Bachar al-Assad, le président autoritaire de la Syrie, des centaines de milliers de Syriens ont fui leurs domiciles pour chercher refuge à l’étranger. A l’intérieur du pays, les nations Unies estiment à 1 million le nombre de personnes qui sont parties de chez elles pour fuir la violence et se retrouvent maintenant déplacées à l’intérieur du pays. La majorité a probablement fui pour échapper à la brutalité des soldats d’Assad. En effet, comme c’est le cas depuis le début de la guerre civile syrienne, la plupart des violences sont toujours commises par l’armée, les services secrets et des groupes de voyous aux ordres de l’Etat.

Avec la poursuite des combats cependant, les rebelles ont aussi commis des excès. Et certaines factions qui composent le patchwork de groupes disparates qui forment l’Armée Syrienne Libre se sont radicalisées à un rythme très rapide dans les derniers mois. Certains sont même influencées par des djihadistes étrangers qui sont venus en Libye pour leur prodiguer leurs conseils. C’est du moins ce que rapportent les témoignages sur le terrain à Qusayr où de rudes combats ont fait rage pendant des mois. Le contrôle de la ville a changé de mains à plusieurs reprises ; passant parfois entre celles du régime et parfois entre celles des rebelles. En ce moment, ce sont les combattants de l’Armée Syrienne Libre qui ont la haute main, e t ils ont fait de cette ville de 40 000 habitants un endroit où la minorité chrétienne du pays ne se sent plus en sécurité.

Campagnes contre les Chrétiens

 «Il y a toujours eu des chrétiens à Qusayr – ils étaient environ 10 000 avant la guerre [civile], » explique Lila, la matriarche du clan Khouri. Présentement, 11 membres du clan se partagent deux pièces. Il y a la grand-mère, le grand-père, trois filles, un mari et cinq enfants. «En dépit du fait que beaucoup de nos époux travaillaient dans la fonction publique, ça se passait plutôt bien avec les rebelles pendant les premiers mois de l’insurrection. Les rebelles laissaient les chrétiens tranquilles. De leur côté, les chrétiens prenaient soin de préserver leur neutralité dans l’esclade des combats. Mais la situation a commencé à se détériorer l’été dernier, raconte Lila, baissant un peu plus la voix avant de garder le silence.

«Nous avons trop peur pour parler,» explique sa fille Rim, avant de trouver le courage de poursuivre. «l’été dernier, des salafistes sont venus à Qusayr, des étrangers. Ils ont monté les rebelles locaux contre nous, » dit-elle. Bientôt, une campagne ouvertement contre les chrétiens de Qusayr a pris forme. «Ils disaient dans les sermons du vendredi dans les mosquées que c’était un devoir sacré que de nous expulser, » dit-elle. «Nous étions constamment accusés de travailler pour le régime. Et les chrétiens devaient souvent graisser la patte  des djihadistes pour éviter d’être tués.»

La grand-mère, Leila, fait le signe de la croix. «Quiconque croit en cette crois souffre,» dit-elle.

Des Djihadistes Etrangers au Combat à Qusayr

Il n’est pas possible de corroborer de manière indépendante le récit des Khouris, mais l’essentiel des informations est cohérent avec ce qu’on sait déjà. Le 20 avril, Abdel Ghani Jawhar a involontairement apporté la preuve que des djihadistes étrangers participent aux combats à Qusayr. Jawhar, un ressortissant libanais qui était un des chefs de l’organisation terroriste Fatah al islam, avait péri dans la ville syrienne ce jour là. Spécialiste des explosifs, Jawhar se trouvait à Qusayr pour former les rebelles à la fabrication de bombes et il une bombe qu’il était en train d’assembler avait explosé accidentellement. Jusqu’à sa mort, Jawhar avait été l’homme le plus recherché au Liban où il était mis en cause pour la mort de 200 personnes. Les autorités libanaises ont confirmé sa mort en Syrie. Le fait que les rebelles aient coopéré avec un homme comme Jawhar a éveillé des craintes de coir après sa mort les rangs insurgés de plus en plus infiltrés par des acteurs du terrorisme international.

La décision des Khouris de fuir la Syrie est en partie attribuable aux menaces quasi quotidiennes qu’ils commençaient à recevoir, tout comme les autres chrétiens de la ville. Elle résulte aussi cependant du fait que les combats dans la ville sot tout simplement devenus insupportables. «Les bombes tombaient au beau milieu de notre quartier. Nous sommes incapables de dire d’où venaient les tirs – des rebelles ou de l’armée, » déclare un membre de la famille. Pendant une pause dans les tirs, un jour d’hiver glacial, la famille a fini par partir. «Nous nous sommes procurés une voiture et nous avons roulé vers le Liban. Le trajet n’est que de 45 minutes.»

Le mari de Rim avait aussi fui avec eux. Son destin fut scellé quand il repartit en voiture pour Qusayr, le 9 février. Il possédait une supérette dans la ville et il voulait rentrer pour ramener de la nourriture à sa famille en exil. Sa famille ne sait ce qui lui est arrivé par ce que leur en ont raconté des parents et amis qui sont restés à Quasyr. «Il a été stoppé à un checkpoint rebelle près de la bolangerie gérée par l’Etat, »explique Rim. «les rebelles savaient qu’il était chrétien. Ils l’ont emmené et puis ils ont jeté son corps devant la porte de la maison de ses parents quatre ou cinq heures après.»

La grand-mère Leila se signe à nouveau. Il n’y a pas que son gendre qui a été tué. Son frère et deux de ses neveux ont aussi été tués. «Ils ont tué par balles un de mes neveux, un pharmacien, dans son appartement parce qu’il soutenait le régime,» dit-elle.

Peur de ses Compatriotes Syriens

32 familles chrétiennes ont trouvé refuge et asile à Qa, qui se trouve à seulement 12 kilomètres de la frontière syrienne. Quoique la ville soit aussi chrétienne et veille sur ceux qui ont fui les rebelles pour cette raison, n’empêche pas les Khouris et les autres victimes comme eux de vivre dans un état de permanent de peur.  La première raison en est qu’ils peuvent entendre le grondement assourdi des tirs d’artillerie dans la Syrie toute proche. Le bruit diffuse bien au-delà de la frontière et sert de rappel constant de ce qui se passe dans leur pays. Le jour de l’interview, on pouvait voir une colonne de fumée s’élever derrière au-dessus de la chaîne de montagne à côté. La veille, un obus avait touché une station service du coté syrien de la frontière provoquant un incendie qui n’est toujours pas terminé. Il y a quatre semaines, les Khouris ont appris que leur maison avait été détruite après avoit été frappée par une roquette.

Mais ce dont la famille a le plus peur, c’est de ses propres compatriotes Syriens. En tant que ville frontalière, Qa est un pôle d’attraction pour deux types de réfugiés, explique Mansour Saad. «Vous avez d’un côté les chrétiens qui fuient les rebelles,» dit-il. Et puis vous avez les réfugiés qui appartiennent aux familles des hommes qui combattent dans des rangs de l’ASL. Ces deux groupes antagonistes s’affrontent parfois dans leur exil libanais.»
«Il y a beaucoup de tension entre eux, » observe Saad. «Nous faisons de notre mieux pour maintenir les deux groupes séparés.»

Comme de nombreux chrétiens Libanais et Syriens, Saad est aussi un partisan du régime d’Assad. En tant que minorité religieuse au Moyen Orient, les Chrétiens n’ont guère d’autre choix que de s’aligner avec un homme fort qui peut les protéger, déclare Saad. «Les rebelles n’ont pas réussi à me convaincre qu’ils luttaient pour plus de démocratie, » affirme le maire.
Et si on peut franchement se des poser des questions sur le régime syrien, par exemple sur le fait « qu’il n’y a assurément pas de liberté d’expression en Syrie,» il considère que les rebelles ne sont pas mieux. Il y a avait peut-être des objectifs louables au début du soulèvement, mais l’insurrection a depuis été détournée par les islamistes, soutient le maire. «Et nous savons quel genre de musulmans a pris la tête de la rébellion : ceux qui voudraient ramener la population à l’âge de pierre.»

* Les noms des personnes citées ont été changés afin de protéger l’identité des personnes interviewées.

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