mardi 16 août 2011

David Cameron et "l'effondrement moral" au Royaume Uni


Les émeutes sont terminées au Royaume Uni. Le premier ministre Britannique David Cameron  n’a pas tardé à livrer son diagnostic et, comme il fallait s’y attendre, sa lecture des événements est une interprétation en termes de « criminalité » et « d’effondrement moral au ralenti ( !). »

Une « analyse » somme toute classiquement néolibérale qui s’énonce comme suit :
« les écoles, les prestations sociales, les familles, l’éducation des enfants, les communautés et les problèmes culturels, juridiques et bureaucratiques de notre société … pendant des années, notre système a encouragé les pires comportements dans la population, a encouragé la paresse (…) et découragé le travail ».
Ce n’est pas encore "Travail, Famille, Patrie ", mais nous avons là quelque chose d’approchant et les media chrétiens ne s’y sont pas trompés.

Et certes, les récentes émeutes n’ont pas les caractéristiques d’une action de protestation sociale et politique, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas une profonde signification politique. Elles révèlent en réalité une adhésion d’un sous-prolétariat vivant surtout de petits boulots et d’aides sociales à la société de consommation ainsi qu’un désir d’accéder aux biens que cette société propose. Le problème étant que ces biens sont tarifés et difficilement accessibles à ces catégories de population.

Le pillage vient, à sa manière, rétablir un semblant d’égalité dans une société de plus en plus inégalitaire par la faute justement de politiques qui , depuis Margaret Thatcher au moins, ont conduit à la désindustrialisation du Royaume Uni, à la déqualification de nombreux emplois et à l’explosion de la précarité. Le tout dans un contexte où aucune alternative politique ne semble proposer de débouché politique crédible aux populations déclassées et rejetées à la marge car, comme en France, la gauche institutionnelle incarnée ici par le parti travailliste n’est qu’une version un peu édulcorée du libéralisme porté par David Cameron.

Les invocations morales ne sont pas le propre de M. Cameron et on se souvient que c’était une thématique forte de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Ce qui n’empêche pas Dominique Quinio dans le journal « La Croix » de considérer, pour apparemment le regretter que :
Les mots employés par David Cameron pour expliquer l’explosion de violences dans son pays ne seraient sans doute pas audibles en France. « Morale » et « ordre » y ont si mauvaise presse. 
Pourtant, le problème n’est pas vraiment là. Le problème est plutôt de savoir si des gens comme David Cameron sont vraiment qualifiées pour invoquer des principes moraux. Car, outre que les avions britanniques, bombardent quotidiennement des objectifs civils en Libye, M. Cameron et ses alter ego incarnent en réalité des politiques qui ont certainement plus valorisé la finance que le travail et glorifié le pillage pour peu qu’il soit le fait d’individus en costume cravate qui travaillent dans des bureaux de la City ou de tel quartier des affaires dans telle ou telle métropole dans le monde (au choix, Paris, New York, Singapour, Dubaï…).

Ce dessin de Daryl Cagle le dit mieux qu’un long discours.



Eh oui, des amateurs à côté des requins de la finance! 

Par ailleurs, M. Cameron devrait plutôt féliciter les émeutiers car ces quelques jours d’agitation ont fait passer au second plan un scandale politico-médiatico-financier de grande ampleur, à savoir l'affaire des écoutes pratiquées par la presse contrôlée par Rupert Murdoch, pour le coup des crimes en bonne et due forme, et surtout celui de la domestication de la classe politique britannique, dont David Cameron himself, par le magnat de la presse « d’origine australienne » comme il est de bon ton de l’écrire. Domestication qui a amené Rupert Murdoch ou ses proches collaborateurs à rencontrer discrètement ou publiquement à de nombreuses reprises des membres du gouvernement ou de l’opposition britanniques. Tous sont en effet mouillés même si David Cameron trempe sans doute dans la boue jusqu’aux oreilles. On croirait pas à le voir, lui qui a toujours l’air si propre sur lui.

Et c’est ce genre de personnes qui joue au moraliste ! Il y en a qui n’ont vraiment honte de rien.
Pourquoi se gênerait-il d'ailleurs? En effet, si M. Cameron exige que la justice soit intraitable envers les pillards émeutiers, il a par contre savamment organisé les procédures d'enquête qui lui permettront d'éviter de sombrer dans le scandale Murdoch (et même de continuer à faire le fier et à rouler le but comme on dit).

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