dimanche 3 juillet 2011

Nefissatou Diallo ou quand la double vie des pauvres intéresse la presse des riches

Personnellement, j’ignore si Dominique Strauss-Kahn a ou non violé Nefissatou Diallo, une employée de l’hôtel Sofitel de New York. Je sais par contre (qui peut l’ignorer ?) que le dossier de l’accusation est en voie d’effondrement, ce qui a permis à l’ancien patron du FMI de recouvrer une liberté presque totale, du moins sur le sol des Etats Unis.
Et il semble qu’effectivement, la route soit largement déblayée pour une condamnation sur des charges mineures voire pour un acquittement total.
Je pense que c’est l’acquittement total que recherchera la défense de M. Strauss-Kahn car c’est, questions d’honneur mises à part, la seule issue susceptible de lui permettre d’envisager une participation à l’élection présidentielle française.
Il reste que l’effondrement partiel ou total du dossier d’accusation ne signifie cependant pas démonstration de la non culpabilité de M. Strauss-Kahn. Il signifie seulement que, dans une affaire où c’est parole contre parole, la défense a utilisé à fond (et à fonds) la latitude que laisse le système accusatoire à la défense pour chercher à salir la victime et à la décrédibiliser. A l’heure où j’écris ces lignes, les avocats de M. Strauss-Kahn connaissent sans doute mieux la biographie de la présumée victime/accusatrice que n’importe lequel de ses proches. Et ils ont bien entendu « rafraîchi » la mémoire de ceux qui en Guinée ou à New York ont furieusement besoin d’argent ou d’un petit coup de pouce. 
On notera que le tir groupé de la presse fait preuve d’une coordination sans faille d'un côté à l'autre de l'Atlantique. Même le Journal du Dimanche a apporté sa contribution. Rassurez-vous le JDD qui écrit sur la "double vie" de la présumée victime n’enquêtera jamais sur celle de l’accusé et ne creusera jamais les allégations de cette jeune femme qui affirme avoir fait l’objet d’une tentative de viol par un politicien. On ne plaisante pas avec la déontologie au JDD.
Comme l’écrit le Black Star News, la question de la réalité de l’agression sexuelle devient désormais complètement accessoire.
Le procureur de district a découvert que cette femme avait menti en indiquant sur sa demande d’asile politique qu’elle avait été violée en réunion en Guinée. Donc si elle a menti par le passé, même si elle a été réellement violée par Straus-Kahn, tout ce que ses avocats auront à faire est de présenter cette information au tribunal et toutes ses chances de gagner le procès seront anéanties.
Ce même système judiciaire américain critiqué pour avoir montré M. Strauss-Kahn menotté en public, nous rappelle qu’aux Etats Unis comme ailleurs, la justice n’est pas vraiment la même selon qu’on est puissant ou misérable.
D’ailleurs, si on en croit le Daily News, cité par le Gothamist, le futur éventuel candidat à la présidence de la république française ne serait « coupable » que d’avoir refusé de payer la prestation réalisée par celle qu’on présente maintenant comme une prostituée (il l’aurait certes rudoyée, mais cela devait faire partie de la prestation).


par Christopher Robbins, Gothamist (USA) 3 juillet 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri

Après les accusations calomnieuses d’hier selon lesquelles la femme qui accuse Dominique Strauss-Kahn de viol est une « prostituée », le New York Post assure que la femme âgée de 32 ans « fait des passes aux frais des contribuables » dans un hôtel où elle est logée par le procureur du district de Manhattan. Une « source au niveau de l’accusation » a signalé au journal que « il y a eu de nombreux ‘rendez-vous galants’ et rencontres à l’hôtel aux frais des services du procureur ». Un « procureur de haut rang » qui n’a apparemment rien appris du cas Anthony Wiener, a déclaré, « je ne peux pas affirmer à 100 % que ce n’est pas vrai. »

Ce qu’écrit le Post sur les activités illégales de l’accusatrice dans l’hôtel de Brooklyn sert à faire passer la version de ses sources sur les événements qui ont eu lieu au Sofitel et qui dépeignent la Guinéenne comme une prostituée éconduite qui s’est mise en colère après avoir été « bernée » par Strauss-Kahn. Dans cette version [celle du New York Post], « une source proche des enquêteurs de la défense » déclare, « Elle a pensé que c’était un richard et qu’elle serait payée. Ceux avec qui elle faisait équipe lui avaient dit que c’était une mine d’or. » Ces allégations contredisent la version de la femme de chambre selon laquelle elle ne savait pas qui était Strauss-Kahn avant l’incident, puisqu’une « photo accrochée dans le placard d’une femme de chambre » l’identifiait comme un VIP.
Après lui avoir fait une fellation, “elle attendait de l’argent après cet acte,” et lele est restée dans la chambre avec lui alors qu’il s’habillait pendant au moins neuf minutes.” Mais Strauss-Kahn tergiversait et cette « discussion humiliante a provoqué la colère de la dame de chambre. »

Dans le Daily News, un porte parole du syndicat local des employés d’hôtel qualifie «d’allégations sans fondement» et «complètement ridicules» les affirmations du Post selon lesquelles un «groupe de personnes» du syndicat l’avaient placée au Sofitel pour avoir des relations sexuelles tarifées, d’autant que cette femme « n’a jamais été inscrite à notre bureau de recrutement. » Un formulaire de demande d’emploi renseigné par la dame de chambre en 2008 et obtenue par le journal notait qu’elle savait parler français et exécuter « toutes les tâches essentielles de son métier. » L’ancien employé d’un restaurant « l’a décrite samedi comme honnête et travailleuse. » Elle avait quitté cet emploi en raison d’une « urgence familiale. »

William Saletan de Slate a qualifié les deniers développements de “victoire pour le pouvoir de corroboration. » Dans son article d’hier, Saletan semble avoir tout compris :
L’implosion des poursuites contre Strauss-Kahn est une victoire pour la justice, parce que l’enquête a trouvé des moyens de vérifier la crédibilité de l’accusatrice. D’autres accusateurs passeront ce test  avec succès. Pas celle-ci. Ce que démontre l’effondrement du dossier est qu’il est possible de distinguer vraies et fausses accusations de viol – et que les autorités, après avoir joué leur réputation sur la crédibilité d’une accusatrice, ont promptement enquêté sur elle et révélé ses mensonges.Le système a fonctionné.
Aujourd’hui, les autorités ont rendu sa liberté à un homme. Et elles nous ont donné à  tous l’espoir que même alors que deux personnes étaient seules dans la pièce, nous pouvons trouver des moyens de savoir qui dit la vérité.
Certes. La meilleure manière de découvrir « la vérité » sur ce qui s’est passé dans une chambre d’hôtel entre deux personnes est de glaner des informations qui n’ont rien à voir avec ce qui s’est réellement passé : par exemple, la profession de la femme, où le fait que peut-être n’est-elle pas une « pieuse musulmane » comme elle avait prétendu m’être. Du sperme ? Elle était absolument d’accord pour avoir un rapport sexuel avec lui ! Des brutalités ? C’est une pute ! En outre, la crédibilité de l’accusé est, de son côté, au-dessus de tout soupçon.

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