mardi 15 mars 2011

Bahrein , la Libye et l'hypocrisie de l'Occident

Si le colonel Kadhafi l'emporte dans son épreuve de force contre ses opposants, ce ne sera probablement qu'un sursis pour son pouvoir car tout le monde, où plutôt les grands de ce monde, s'affairera à la concrétisation d'une transition politique acceptable en Libye.
On peut imaginer différentes formes à cette transition: une transmission du pouvoir à un des fils de M. Kadhafi (par exemple l'intellectuel Seif al Islam, diplômé de la London School of Economics), un assassinat, un putsch habilement conduit, une révolution de palais (ou plutôt de khaima).
En attendant,ce  les pulsions meurtrières de MM. Nicolas Sarkozy et David Cameron qui resteront inassouvies. Oui, pulsions meurtrières, et non soudain engouement pour la démocratisation de la Libye, car les mêmes qui vouent aux gémonies le régime du colonel Kadhafi n'ont rien de particulier à dire sur la situation à Bahrein, ce petit pays qui vient de faire l'objet d'une intervention des forces armées d'Arabie Saoudite.
Crispin Black du First Post souligne dans le paier que je vous propose à quel point l'hypocrisie du premier ministre Britannique est dévoilée par les tensions qui affectent simultanément la Libye et Bahrein.

Pour faire bonne mesure, le New York Times nous dit que:
Mme Clinton vient en effet de rencontrer à Paris cheikh Abdullah bin Zayed, chef de la diplomatie des Emirats dont les forces de police viennent de s'associer àaux soldats Saoudiens pour "rétablir" l'ordre à Bahrein.

Bahrein: pourquoi fermons-nous les yeux?
Invasion de Bahrein: pourquoi Cameron n'est-il pas préoccupé?
Une régle valable pour kadhafi - une autre assez différente pour la famille al-khalifa qui règne sur Bahrein
par Crispin Black, The Furst Post (UK) 15 mars 2011 traduit de l'anglais par Djazaïri

La doctrine Brejnev est de retour et cette fois avec l'approbation du gouvernement britannique. Un millier de soldats Saoudiens sont arrivés hier à Bahrein pour auder la famille régnante sunnite à rétablir l'ordre après un mois de manifestations pour la démocratie par des organisations d'opposition en majorité chiites.

Les Saoudiens sont impatients de mettre un terme à l'agitation qui touche la région et sont particulièrement inquiets de leur propre province indocile à majorité chiite sur leur côte orientale, face à Bahrein.

Les principales organisations d'opposition de Bahrein ont condamné en la qualifiant d'invasion l'intervention saoudienne et c'est probablement bien de cela qu'il s'agit.

De manière surprenante, compte tenu des accents à la Palmerston de Davd Cameron sur la Libye, pas un murmure ne s'est élevé de Downing Street.

Cameron pense à l'évidence que le recours à la violence sur son propre peuple par le régime assassin de Kadhafi est scandaleux moralement. Mais quand le régime presque aussi meurtrier d'al-Khalifa qui dirige Bahrein convie l'armée saoudienne à faire son sale boulot, tout est OK. Ce qui est bon pour l'un ne vaut absolument pas pour l'autre.
A l'origine port de pêche perlière, Bahrein a toujours eu un esprit un peu anarchisant et louche - les plaisirs des sens et de la vigne y étant plus accessibles qu'en Arabie Saoudite.

Bahrein a longtemps appartenu aux Iraniens qui pense encore qu'elle devrait leur revenir. De 1861 à 1870, ce territoire a appartenu au Royaume Uni même si nous en avions laissé la direction au gouvernement indien.

Bénéficiant d'une moindre manne pétrolière, Bahrein a développé un important secteur des services financiers et fait de l'argent avec le commerce détaxé et le tourisme. Il y a quelques années, Bernie Ecclestone avait pensé que c'était un bon endroit pour un grand prix de Formule 1, annulé cette année à  cause des troubles politiques. Le Duc d'York est, cela va sans dire, un visiteur habitué et un bon ami de la famille royale de Bahrein. Vous voyez le topo.

Ce pays est petit - la base de données de la CIA dit "3,5 fois la taille de Washington DC," mais un "peu plus grand que l'île de Man" donne une meilleure idée parce que c'est en fait un Etat insulaire. Ou l'était jusqu'en 1986, date de mise en relation avec le territoire saoudien par la chaussée surélevée du Roi Fahd.

Il est devenu depuis, un centre de loisirs et de repos pour des hommes Saoudiens qui cherchent à échapper aux contraintes étouffantes et à la Mutawa ou police des moeurs. Les jeudis soirs - le début du weekend - c'est quatre types par voiture et on circule pare-chocs contre pare-chocs sur la route. Des "travailleuses" venues d'aussi loin que Newcastle ou Amsterdam viennent par avion étaler leur charmes dans les halls des hôtels.

La douane saoudienne est très accommodante pour ceux qui quittent le royaume pour se cuiter du moment que leurs papiers sont en règle. Mais au retour, les voitures sont fouillées pour détecter les bouteilles d'alcool,  la pornographie ou les Bibles.

Pour le visiteur Occidental tout semble calme et bien organisé. Mais derrière les vitres argentées et l'air conditionné, il y a un véritable problème politique. 70 % de la population indigène est musulmane chiite.

La famille régnante et tous ceux qui ont un peu de pouvoir sont sunnites, à part la Vème flotte des Etats Unis avec son importante base, probablement en majorité chrétienne, hors de la capitale.
Les chiites ont du mal à trouver du travail dans la fonction publique et n'ont pas le droit d'entrer dans l'armée ou dans la police. Ils forment une majorité méprisée, pauvre et sujette aux discriminations et ils en ont assez de cette situation. Ils exigent avant tout une nouvelle constitution et des élections libres et honnêtes.
Si les manifestants Bahreinis ne peuvent pas être persuadés ou intimidés afin qu'ils abandonnent les abords du quartier des finances, où ils campent en ce moment, alors l'armée saoudienne pourrait bien les en déloger par la violence.
Espérons qu'on n'en arrivera pas là. Mais il y a dans cette affaire une leçon gênante pour le peuple et le gouvernement britanniques. Tout comme notre soutien au despotisme "apparemment bénin" de Kadhafi avait un coût moral, il y a un coût moral dans notre soutien consytant à d'autres despotes "apparemment bénins" au Moyen Orient.

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