mercredi 12 mai 2010

Le dernier truc de la hasbara contre le juge Richard Goldstone

La hasbara sioniste n'est pas encore disposée à lâcher les baskets à Richard Goldstone, ce magistrat Sud Africain qui a donné son nom au rapport onusien sur les crimes de guerre commis pendant la dernière grande agression contre Gaza fin 2008, début 2009.
Le dernier truc de la hasbara consiste à tenter de discréditer Richard Goldstone en rappelant son passé de juge au service du régime d'apartheid, notamment les condamnations à la peine capitale qu'il a prononcées à l'époque contre 28 Sud Africains noirs.
Sasha Polakow-Suransky de Foreign Policy revient sur cet argument de la hasbara (pédagogie sioniste du mensonge) pour rappeler l'importance des relations entretenues par l'entité sioniste avec le régime de Pretoria, notamment dans le domaine militaire. Son article complète donc utilement celui que je vous avais proposé il y a quelque temps, publié par le journal El pais.
M. Polakow-Suransky, s'il relève effectivement la tâche que constitue les condamnations à mort prononcées par Richard Goldstone, note aussi le rôle crucial qui fut le sien dans la délicate transition qui marqua la fin du régime d'apartheid. Rôle dont Nelson Mandela lui sera d'ailleurs fort gré.
Il importe cependant d'apporter ici une précision: l'auteur indique en effet que M. Netanyahou aurait eu raison d'affirmer que le pétrole iranien et arabe arrivait en Afrique du Sud, par des intermédiaires observe-t-il. Le pétrole iranien arrivait certes en Afrique du Sud mais il faut rappeler que ce ne fut le cas qu'avant la destitution su Shah, ce dernier étant à la fois un allié des Etats Unis et un ami de l'entité sioniste. Quant au pétrole "arabe", il était simplement revendu par des compagnies comme Shell, BP ou Amoco. Des détails ici et .

Pierres d'or, maisons de verre (Gold stones, glass houses)
par Sasha Polakow-Suransky 10 mai 2010, Foreign Policy (USA) traduit de l'anglais par Djazaïri

Le gouvernement israélien en a après Richard Goldstone. Depuis que Goldstone, un juge Juif Sud Africain, a publié un rapport en septembre qui accuse Israël (et le Hamas) d'avoir commis des crimes de guerre pendant l'invasion de Gaza en 2009, le premier ministre Benjamin Netanyahou s'en est pris à lui - et à son rapport - en tant que grave menace pour la légitimité d'Israël.

Ce mardi, de hauts responsables du gouvernement israélien ont accentué leur campagne contre Goldstone, l'accusant d'avoir envoyé 28 Sudafricains noirs à la mort lorsqu'il servait comme juge à l'époque de l'apartheid.

"Le juge qui a condamné à mort des noirs... est un homme de deux poids deux mesures," a proclamé Reuven Rivlin, porte parole de la Knesset. "Une telle personne ne devrait pas être autorisée à faire la leçon à un Etat démocratique qui se défend contre des terroristes." Le vice ministre des affaires étrangères Danny Ayalon a insisté, "Ce soit disant juge respecté se sert de ce rapport afin d'expier ses propres péchés," comparant la déclaration de Goldstone selon laquelle il avait été forcé d'appliquer les lois d'un régime injuste aux "explications que nous aavons entendues en Allemagne nazie après la seconde guerre mondiale."

Et le journal Yediot Aharonoth d'enchaîner - avec des hochements de tête approbateurs de Jeffrey Goldberg et Jonathan Chait - que "l'homme qui est l'auteur du rapport Goldstone qui critique les actions de l'armée israélienne durant l'opération Plomb Durci a pris une part active dans les politiques racistes d'un des régimes les plus cruels du 20ème siècle."

Ce qu'a fait aussi le gouvernement israélien

Les verdicts rendus par le juge Goldstone au temps de l'apartheid sont indubitablement une tache dans son dossier, mais ceux qui le critiquent ne mentionnent jamais le rôle essentiel qu'il a joué dans l'accompagnement de l'Afrique du Sud dans sa transition démocratique, la conjuration des menaces de violences et la passation pacifique du pouvoir - un rôle qui lui a valu l'amitié de Nelson Mandela qui le nommera à la plus haute cour de justice du pays.

Plus important, le moralisme d'Ayalon et de Rivlin ignorent commodément l'histoire de l'armement par Israël du régime d'apartheid du milieu des années 1970 au début des années 1990. En servant de premier et plus sûr fournisseur d'armes pendant une période de violente répression à l'intérieur et d'agression à l'extérieur, le gouvernement israélien a fait beaucoup plus pour aider le régime d'apartheid que ne l'a jamais fait Goldstone.

L'alliance israélo-sud africaine a commencé pour de bon en avril 1975 quand Shimon Peres, ministre de la défense à l'époque, avait signé un pacte de sécurité secret avec son homologue Sud Africain, P.W. Botha. En quelques mois, le commerce entre les deux pays devint actif avec la conclusion de contrats d'armement de près de 200 millions de dollars. Peres avait même proposé de vendre à Pretoria des missiles Jericho capables d'emporter des charges atomiques. En 1979, l'Afrique du Sud était devenu le plus gros client de l'industrie de défense israélienne, représentant 25 % des exportations militaires et éclipsant d'autres clients tels l'Argentine, le Chili, Singapour et le Zaïre.

Des échanges de personnel militaires de haut niveau suivirent bientôt. Des Sudafricains se joignirent en mars 1979 au chef d'état major Israélien pour des essais top secret d'un nouveau système de missiles. Pendant l'invasion du Liban par Israël en 1982, l'armée israélienne avait conduit Constand Viljoen, le chef de la South African defense Force, et ses collègues sur les lignes de front; et Viljoen emmenait fréquemment les attachés d'ambassade et les conseillers militaires Israéliens sur le champ de bataille en Angola où ses troupes affrontaient les forces angolaises et cubaines.

Il y avait aussi une coopération nucléaire: l'Afrique du Sud fournissait à Israël du concentré d'uranium tandis que des dizaines d'Israéliens vinrent en Afrique du Sud en 1984 sous de fausses identités et des prétextes factices, pour travailler sur le programme de missiles nucléaires de Pretoria sur le pas de tir de la base secrète d'Overberg en Afrique du Sud. A ce moment là, les sources alternatives d'approvisionnement en armes de l'Afrique du Sud s'étaient largement taries parce que les Etats Unis et les pays européens avaient commencé à se conformer à l'embargo de l'ONU sur les armes; Israël continua à l'enfreindre sans vergogne.

La flagrante hypocrisie de la dernière attaque contre Goldstone n'a rien d'une nouveauté. En novembre 1986, Benjamin Netanyahou, alors ambassadeur d'Israël à l'ONU, avait prononcé un discours vibrant devant l'Assemblée Générale pour dénoncer l'apartheid tout en insistant sur le fait que "les pays arabes pétroliers forment le cordon ombilical qui nourrit le régime d'apartheid." (peu importe si Israël, par déférence envers ses amis de Pretoria, n'avait pas participé au vote de 1980 à l'ONU pour imposer un embargo pétrolier à l'Afrique du Sud)

Netanyahou avait raison de dire que le pétrole iranien et arabe allait, via des intermédiaires, au régime d'apartheid, mais il avait nié catégoriquement l'importante coopération militaire et les échanges commerciaux avec l'Afrique du Sud, qualifiant les accusations de lucratives ventes d'armes de "tout simplement absurdes" et avait accusé ses détracteurs d'essayer de "diffamer Israël."

En réalité, Israël a largement profité de ses ventes d'armes à Pretoria à l'époque. Ecrivant dans le New York Times, Thomas Friedman estimait que les deux pays avaient réalisé entre 400 et 800 millions de dollars de transactions dans le secteur de l'armement en 1986. Selon des documents sud africains rendus publics, les chiffres étaient probablement encore plus élevés. A lui seul, un contrat de modernisation des avions de combat sud africains au milieu des années 1980 s'élevait à "approximativement deux milliards de dollars," et les ventes d'armement en 1988 - un an après l'imposition par Israël de sanctions au régime d'apartheid - dépassaient 1,5 milliard de dollars. Comme me l'avait dit sans ambages Jan van Loggenberg, l'ancien commandant en chef de l'armée de l'air d'Afrique du Sud: "Israël était probablement notre seule possibilité dans les années 1980."

Des chiffres déclassifiés sur l'approvisionnement en armes de l'Afrique du Sud (qui excluent des sociétés mixtes lucratives et des arrangements financiers conjoints) révèlent dans toute sa dimension l'ampleur du mensonge de Netanyahou. Les "chiffres indépendants du FMI" qu'il avait cité (qui excluaient diamants et armes) suggéraient que les échanges s'élevaient au montant ridicule de 100 millions de dollars annuels. Ils s'élevaient en réalité à cinq ou dix fois ce montant - en fonction des années - faisant du régime d'apartheid le deuxième ou troisième partenaire commercial d'Israël après les Etats Unis. Toutes les armes vendues par Israël n'ont pas servi dans des guerres à l'étranger, et il est incontestable que des armes israéliennes ont contribué à prolonger la domination d'un régime immoral et raciste.

Avant de jeter des pierres depuis leur maison de verre, Ayalon, Rivlin et les journalistes Israéliens feraient bien d'examiner - et d'admettre - l'histoire honteuse de la collaboration de leur propre gouvernement avec le régime d'apartheid.

Sasha Polakow-Suransky est chef de rédaction à Foreign Affairs et l'auteur de The Unspoken Alliance: Israel's Secret Relationship with Apartheid South Africa.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Commentaires publiés après modération. Les propos injurieux, diffamatoires ou à caractère raciste ne seront pas publiés.