dimanche 20 décembre 2009

Un Juif Américain dans les geôles de Mahmoud Ahmadinejad

Tiens, voilà qu'un Juif part des Etats Unis pour se jeter dans la gueule du loup iranien et qu'il se retrouve détenu à l'isolement dans une cellule à Téhéran.

Oh, mille pardons, j'avais mal lu. Il s'agit en réalité d'un Juif Américain d'origine iranienne qui s'est rendu de son plein gré à Téhéran où un ami a proposé de lui donner un rein. La transplantation a eu lieu dans un hôpital de la capitale iranienne et le patient se remet tout en suivant des soins post opératoires. Tout Juif qu'il est, ce patient a la particularité d'avoir le même prénom que l'ayatollah Khomeini!
Le traitement de ce malade n'a pas été utilisé à des fins de propagande par le régime de Téhéran, et peu de journaux en parlent. Il offre cependant l'occasion au Washington Post de donner un aperçu sur une des conséquences des sanctions contre l'Iran décidées par l'ONU au prétexte d'un supposé programme nucléaire militaire.
Ces conséquences ont trait aux difficultés de l'Iran de se procurer ou de produire des substances radioactives utiles dans le diagnostic ou le traitement médical, des cancers notamment; mais aussi à l'impossibilité de renouveler un parc vieillissant de matériel d'imagerie médicale.
Car, on le sait, ces matériels peuvent aussi avoir un usage militaire...
Ce blog a déjà évoqué la motivation des sanctions à l'encontre de l'Iran; je ne pense pas qu'il y ait matière à y revenir.


par Thomas Erdbrink et William Branigin, Washington Post (USA) 20 décembre 2009 traduit de l'anglais par Djazaïri

Téhéran -- Ruhollah Solook, un électricien à la retraite qui réside à Santa Monica en Californie, était dans une situation désespérée. Il avait besoin d'urgence d'une greffe de rein ainsi que d'actes radio thérapeutiques et de radiodiagnostics. La médecine nucléaire était disponible aux Etats Unis, mais le rein ne l'était pas.

Solook, 78 ans, un Juif Iranien qui avait émigré il y a plusieurs dizaines d'années, ne se serait jamais attendu à trouver l'une et l'autre dans son pays d'origine. Mais c'est là bas qu'il se trouve en ce moment, à reprendre des forces dans une chambre individuelle du plus ancien hôpital de Téhéran, avec un nouveau rein donné par un ami.

"Ils m'ont sauvé la vie ici," dit-il. "Maintenant j'espère qu'ils peuvent me guérir."

On estime qu'en Iran, 850 000 malades des reins, du cœur, ou cancéreux sont dans une course contre la montre.Bien que ces patients aient besoin d'un traitement post-chirurgical en médecine nucléaire, les médecins et les spécialistes du nucléaire ici disent que la production domestique se tarira quand un réacteur de recherche de Téhéran se trouvera à court de combustible, peut-être dès le printemps.

"Nous avons des milliers de patients par mois rien que dans cet hôpital," explique Gholamreza Pourmand, un spécialiste qui a soigné Solook avec du technétium-99, une méthode de médecine nucléaire utilisée pour le diagnostic avec les scanners corps entier. "Si nous ne pouvons pas les aider, certains mourront. C'est aussi simple que ça."

Au cœur de cette perspective de pénurie de produits de médecine nucléaire, se trouve la controverse persistante sur le programme nucléaire iranien, notamment un litige sur un accord avec les grandes puissances qui permettrait la fourniture de combustible pour le réacteur de recherche.

Comme d'autres aspects du programme, les spécificités relatives à la médecine nucléaire font l'objet d'un litige. L'Iran assure que les sanctions du Conseil de Sécurité de l'ONU qui visent à réduire ses activités d'enrichissement de l'uranium affectent aussi sensiblement son secteur hospitalier. Par exemple, les officiels Iraniens disent ne pas avoir l'autorisation d'importer des scanners corps entier récents fabriqués aux Etats Unis et en Europe, qui sont capables de détecter des tumeurs cancéreuses parce que certains de leurs composants pourraient contribuer au programme nucléaire, et ils assurent que les sanctions adoptées en 2007 empêchent l'Iran d'importer des isotopes à fins médicales.


Les Etats Unis et les officiels des nations Unies affirment que l'Iran reste libre d'acheter les isotopes dont elle a besoin; une exemption du Conseil de Sécurité autorise les importations d'articles nucléaires "pour les besoins de l'agriculture, de l'alimentation, de la santé ou d'autres raisons humanitaires." Ils laissent entendre que l'Iran veut produire ses propres isotopes médicaux pour s'assurer un approvisionnement moins cher et plus fiable en raison des récentes pénuries.

Quoi qu'il en soit, après l'arrêt des importations en 2007, l'Iran a fait tourner à plein régime un réacteur nucléaire de recherche à Téhéran, fourni par les Etats Unis il y a quarante ans. Fonctionnant au départ une demi-journée par semaine en période d'essai, le réacteur fonctionne maintenant de manière presque continue.

En juin, l'Iran a informé l'AIEA que le combustible obtenu d'Argentine en 1993 serait épuisé vers fin 2010 -- une échéance qui semble avoir été retardée depuis. Mais les sanctions de l'ONU empêchent l'Iran d'acheter du combustible supplémentaire sur le marché mondial.

L'Iran dit pouvoir produire son propre combustible, quoique cela provoquerait une colère internationale parce qu'elle devrait enrichir l'uranium à 19,75 % -- un taux proche de celui du matériau à usage militaire.

"Nous préférons acheter le combustible dans les délais les plus brefs possibles," déclare Mohammad Ghannadi, vice président de l'Organisation Iranienne de l'Energie Atomique (OIEA).

Depuis le siège de l'OIEA, protégé par des batteries de DCA, Ghannadi surplombe les seul réacteur iranien en fonctionnement dont les deux cheminées marron émettent une fumée blanche. A la tête du département recherche et développement de l'OIEA, Ghannadi a l'interdiction de se déplacer à l'étranger aux termes des sanctions internationales.

"Nous pourrions enrichir le combustible nous-mêmes," affirme dans un entretien ce scientifique formé en Grande Bretagne. "mais il y aurait des problèmes techniques. Alors il ne serait pas prêt à temps pour nos patients."

Des experts atomistes US affirment que la principale difficulté de l'Iran est qu'elle ne peut produire des mélanges de combustibles pour le réacteur de recherche. Ils considèrent le problème de combustible de l'Iran comme largement auto-infligé.

Selon une proposition d'accord négociée par l'AIEA, l'Iran remettrait environ 1 200 kilos de l'uranium faiblement enrichi qu'elle a stocké, officiellement pour usage combustible dans des centrales nucléaires. En échange, la Russie enrichirait l'uranium à 19,75 % et la France le transformerait en mélange pour le réacteur de Téhéran. Les Etats Unis participeraient à maintenir en bon état de marche le réacteur vieillissant. Les grandes puissances craignent que si l'Iran ne livre pas son stock de matériau, elle pourrait le transformer un jour en uranium hautement enrichi qui peut être utilisé comme matière fissile pour les armes atomiques.

Après avoir tout débord accepté le principe de l'accord le 1er octobre, l'Iran a demandé des garanties supplémentaires de fourniture du combustible nucléaire. L'Iran se plaint aussi de l'étalement de la procédure dur plus d'un an -- trop long à ses yeux.

La semaine dernière, Manoucher Mottaki, ministre Iranien des affaires étrangères, a proposé d'échanger de petites quantités d'uranium en mots plutôt que d'un seul coup. L'Iran a proposé que l'échange se fasse sur l'île de Kish, une destination touristique sur le Golfe Persique. L'administration Obama considère cette proposition comme ne cadrant pas avec le plan de l'ONU.

"Si l'Iran veut produire ces isotopes médicaux elle-même, alors la meilleure façon d'y parvenir est d'accepter la proposition de l'AIEA" et de recevoir le combustible nucléaire, a déclaré un haut responsable de l'administration Obama. Dans le cadre de l'accord, a-t-il observé, les parties s'engagent à fournir le combustible à temps pour maintenir le réacteur en fonctionnement.

Ghannadi situe le débat en tant que problème humanitaire, pas politique. "Il s'agit d'êtres humains... Quand quelqu'un est malade, on doit lui donner un traitement. Donnez nous le combustible, nous ferons la radio pharmacie," dit-il, parlant de l'usage des substances pharmaceutiques radioactives en médecine nucléaire.

Par le passé, déclare Ghannadi, les sanctions ont stimulé les progrès de la médecine nucléaire iranienne qui est proposée dans 120 hôpitaux. "Quand les livraisons d'isotopes médicaux ont cessé," dit-il, "nous avons été forcés de les faire nous-même." Mais pendant deux mois, se souviennent des médecins, aucun patient n'avait pu être soigné, ce qui avait mis les hôpitaux en grande difficulté.

Aujourd'hui, des patients en médecine nucléaire de l'hôpital Shariati de Téhéran sont assis dans une petite salle d'attente près d'un scanner allemand vétuste qui a besoin d'être remplacé.

"Quand ils parlent des droits de l'homme et de l'Iran à l'ONU, ils ne devraient pas oublier que nos patients ont aussi des droits," dit Mohsen Saghari, un spécialiste de médecine interne qui a étudié à l'université John Hopkins. "les USA tentent maintenant de m'empêcher d'utiliser en Iran ce que j'ai appris aux Etats Unis," se plaint-il.

Solook, le malade californien d'origine iranienne dit envisager d'écrire une lettre aux responsables étatsuniens de la santé pour expliquer ce qui lui est arrivé en Iran.

"Je ne crois pas en ces sanctions," dit-il, d'une voix affaiblie par sa transplantation rénale. "Ils font du mal aux gens ordinaires, pas aux dirigeants. Quelle est l'utilité de tout ça?"


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