jeudi 23 juillet 2009

Simon Wiesenthal ou le grand mensonge

Simon Wiesenthal, le grand chasseur de nazis n'était en réalité qu'un menteur. Ca, nous le savions déjà, mais la nouveauté c'est qu'aujourd'hui c'est un grand journal qui écorne sa légende.

L'auteur de l'article que je vous propose va très loin même si on sent qu'il en a encore sous la semelle comme on dit en jargon footballistique. Il ne peut en effet éviter de parler des aspects positifs de l'oeuvre de Wiesenthal comme si cette précaution était nécessaire pour que son entreprise d'éreintement du personnage puisse passer. Il n'empêche que sous l'humour anglais, on sent parfois percer un mépris indicible.

L'article est constitué d'extraits d'un livre que l'auteur vient de publier. Vivement une édition en français!

Le tissu de mensonges du grand chasseur de nazis

Simon Wiesenthal, célèbre pour sa quête de justice, a capturé moins de criminels de guerre qu’il ne l’a affirmé et a inventé une bonne partie de son
histoire pendant l’holocauste.

par Guy Walters, The Times (UK) 19 juillet 2009 traduit de l’anglais par Djazaïri

Depuis le début des années 1960, le nom de Simon Wiesenthal est devenu
synonyme de chasse au Nazis. Son
statut est celui de saint laïque. Proposé à quatre reprises pour le prix Nobel de la paix, fait chevalier honoraire en Grande Bretagne, titulaire de la médaille présidentielle pour la liberté aux USA, de la Légion d’Honneur française et d’au moins 53 autres distinctions, il a été souvent crédité de quelque 1 100 ‘scalps’ de Nazis. On se souvient de lui surtout pour ses efforts pour pister Adolf Eichmann, un criminal de guerre des plus notoires.

Pourtant, sa réputation repose sur du sable. C’était un menteur – et un mauvais dans son genre. De la fin de la deuxième guerre mondiale à la fin de sa vie en 2005, il a menti de manière répétée sur sa traque supposée d’Eichmann ainsi que sur ses autres exploits en tant que chasseur de Nazis. Il concoctait aussi des histoires grotesques sur ses années de guerre et faisait des affirmations mensongères sur ses études universitaires. Il y a tant d’incohérences entre ses trois principaux mémoires autobiographiques et entre ces mémoires et des documents contemporains, qu’il est impossible de construire un récit fiable en se basant sur eux. Le peu de respect de Wiesenthal pour la vérité autorise à mettre en doute tout ce qu’il a jamais écrit ou fait.

Certains penseront que je suis trop sévère avec lui et que je cours le risque à titre professionnel de m’allier avec une vile bande de néo-nazis, de révisionnistes, de négateurs de l’holocauste et d’antisémites. Je me situe résolument à l’extérieur de ces positions sinistres et mon intention est de les écarter de la critique de Wiesenthal. Le personnage est important et complexe.
Si sa duplicité devait avoir un motif, elle était sans doute enracinée dans de bonnes intentions. Car ses mensonges ne sont pas les seules découvertes choquantes que j’ai pu faire en étudiant la fuite des criminels de guerre Nazis. J’ai constaté un manque de volonté politique de les pourchasser.
Beaucoup auraient pu être traduits en justice si les gouvernements avaient
voulu allouer même de faibles moyens à ce but.

C’est en partie grâce à Wiesenthal qu’on se souvient de l’holocauste et qu’il est bien documenté, et c’est peut-être son legs le plus important. Il a amené quelques Nazis devant la justice, mais certainement pas le nombre qu’il affichait et Eichmann n’en faisait pas du tout partie. La place manque cependant ici pour mon examen minutieux de ses prétentions en qualité de chasseur de Nazis. Je me limiterai à quelques épisodes célèbre savant et pendant la guerre qui sont au coeur du mythe Wiesenthal.

Il est né en 1908 à Buczacz en Galicie, possession à l’époque de l’empire austro-hongrois et désormais en Ukraine. Après la première guerre mondiale, Buczacz a changé maintes fois de mains, passant des Polonais aux Ukrainiens puis aux forces soviétiques. En 1920, Wiesenthal alors âgé de 11 ans avait été agressé à coups de sabre par un Ukrainien à cheval qui lui avait entaillé la cuisse jusqu’à l’os. Wiesenthal considérait la cicatrice comme une preuve parmi de nombreuses autres qu’il était protégé d’une mort violente par un “pouvoir invisible” qui voulait le garder en vie pour un dessein particulier.

Son milieu était idéal pour n’importe quel aspirant fabuliste. Comme beaucoup d’autres en Galicie, Wiesenthal avait passé son enfance baigné par le genre littéraire polonais du conte raconté en long et en large pendant les repas. Dans un endroit comme le Buczacz des années 1920, la vérité était un concept assez élastique. A 19 ans, il s’inscrit comme étudiant en architecture à l’université technique tchèque de Prague où il découvrit sa vocation de conteur et où il donna des one man show.

Ses études se passaient moins bien. Même si la plupart de ses biographies – dont celle qui figure sur le site web du centre Simon Wiesenthal – indiquent qu’il a obtenu un diplôme, il n’a en fait pas terminé ses études. Certainesbiographies affirment qu’il a obtenu un diplôme d’ingénieur architecte à l’école polytechnique de Lvov en Pologne, mais on ne trouve nulle trace de ses études là bas dans les archives publiques de Lvov et son nom est absent du registre polonaise d’avant-guerre des architectes et des ingénieurs en bâtiment.
Toute sa vie, il a prétendu frauduleusement avoir un diplôme; ses en-têtes de courriers le signalaient fièrement.

De même, il y a de grosses contradictions dans ses récits dramatiques de la seconde guerre mondiale. Il était à Lvov quand il tomba aux mains des Nazis en 1941. Il affirme que lui et un ami juif nommé Gross furent arêtes à 16h le dimanche 6 juillet, une des rares dates qui reste inchangées dans sa biographie toujours changeante. Chaque fois qu’il est si précis, cependant, il est généralement dans le mensonge.

Jetés en prison, ils furent mis dans une range de quelque 40 autres juifs dans une cour. La police auxiliaire ukrainienne commença à tire rune balle dans la nuque de chaque homme, progressant ainsi en direction de Wiesenthal. Il fut sauvé par le carillon d’une église appelant à la prière du soir. De manière incroyable, les Ukrainiens interrompirent leurs exécutions pour aller à la messe. Les survivants furent emmenés dans des cellules où Wiesenthal affirme s’être endormi. Il fut réveillé par un ami Ukrainien de la police auxiliaire qui le sauva, avec Gross, en leur disant de se faire passer pour des espions Russes. Ils furent interrogés avec brutalité – Wiesenthal perdit deux dents – mais furent libérés après avoir dû nettoyer le bureau du commandant.

Le récit de cette évasion sensationnelle – une des plus célèbres de Wiesenthal et qui a contribué à installer la notion de sa mission divine – est selon toutes probabilités complètement fabriquée. Il est certain que les Ukrainiens ont mené des pogroms brutaux à Lvov début juillet 1941 mais ils furent suivis d’une pause pour ne reprendre que le 25 juillet. Selon le témoignage que Wiesenthal a livré aux Américains qui enquêtèrent sur les crimes de guerre, il n’avait en fait été arrêté que le 13 juillet, parvenant à fuir grâce à un ‘pot de vin.’ En datant par la suite son arrestation le 6 juillet, son récit cadrait avec le calendrier des pogroms.

Vers la fin de l’année 1941, Wiesenthal se trouvait à Janowska, un camp de concentration près de Lvov. Charger de peindre des insignes Nazis sur les locomotives soviétiques, il se lia d’amitié avec Adolf Kohlrautz, l’inspecteur-chef de l’atelier, qui était secrètement oppose au nazisme. Le 20 avril 1943, Wiesenthal fut apparemment sélectionné à nouveau pour une exécution de masse. La SS de Janowska l’avait choisi parmi des juifs pour être fusillé pendant une célébration lugubre du 54ème anniversaire d’Hitler. Ils marchaient en silence vers une grande tranchée sablonneuse, de deux mètres de profondeur pour une longueur de 450 mètres. On pouvait y voir quelques cadavres. Contraints de se déshabiller, ils durent prendre en file indienne un corridor de barbelés appelé le tuyau pour être abattus un par un au bord de la tranchée.

Un coup de sifflet interrompit les tirs, suivi par un cri appelant “Wiesenthal!” Un homme de la SS nommé Koller approcha en courant et dit à Wiesenthal de le suivre. “Je titubais comme un homme ivre,” se souvenait Wiesenthal. “Koller me donna une paire de claques et me ramena à la réalité. Je marchais en sens inverse dans le tuyau, tout nu. Derrière moi, le bruit des tirs reprenait mais ils cessèrent bien avant que j’atteigne le camp.” De retour au camp; il retrouva un Kohlrautz rayonnant qui avait persuadé le commandant du camp qu’il était essentiel de garder Wiesenthal vivant pour peindre une affiche où figureraient un svastika et les mots “Nous remercions notre Führer.”

Selon Wiesenthal, le 2 octobre 1943 Kohlrautz l’avertit que le camp et ses prisonniers devaient bientôt être liquidés. L’Allemand lui donna, ainsi qu’à un ami, une autorisation pour se rendre dans une papeterie en ville, accompagnés d’un garde Ukrainien. Ils parvinrent à s’échapper par l’arrière-boutique tandis que le garde attendait devant.

Une fois encore, il semblait avoir trompé la mort de façon miraculeuse. Mais nous n’avons que sa parole. Selon Wiesenthal, Kohlrautz a été tué dans la bataille de Berlin en avril 1945. Il avait pourtant dit à un de ses biographes que Kohlrautz avait été tué sur le front russe en 1944. Et dans une déclaration sous serment faite en août 1945 sur les persécutions subies pendant la guerre, il omet complètement cette histoire. Dans ce document comme dans son témoignage devant les Américains en 1945, il mentionne Kohlrautz sans dire que cet Allemand lui avait sauvé la vie.

A partir de là, il est impossible d’établir une suite d’événements fiable dans le cours de la vie de Wiesenthal pendant la guerre. Avec au moins quatre versions très différentes de ses activités entre octobre 1943 et mi-1944 – y compris son rôle allégué en tant qu’officier résistant – d’importantes questions méritent d’être soulevées. Dans les années 1970 et 1980, certains,comme Bruno Kreisky, l’ancien chancelier Autrichien, ont accusé à plusieurs reprises Wiesenthal d’avoir collaboré avec la Gestapo. Les affirmations de Kreisky étaient étayées par des preuves non confirmées des gouvernements soviétique et polonais. Wiesenthal l’avait poursuivi en justice et gagné son procès.

Quelle que soit la vérité, en novembre 1944, Wiesenthal se trouvait à Gross-Rosen, un camp près de Wroclaw. Il a déclaré à Hella Pick, sa biographe, qu’il avait été forcé de travailler nu-pieds dans la carrière du camp et qu’il s’était rapidement aperçu que l’équipe de 100 prisonniers assignés à la brigade de travail fondait d’une personne par jour. Au bout de quelques jours, il acquit la certitude que son tour était proche. « Mon exécuteur était derrière moi,» se
souvenait-il, prêt à me briser le crâne avec une pierre. Je m’étais retourné et l’homme, surpris, avait lâché sa pierre qui m’écrasa un doigt de pied. Je criais de douleur.»

La rapidité de la réaction de Wiesenthal ainsi que ses cris lui ont apparemment sauvé la vie car il y avait une sorte d’inspection ce jour là – il pensait que ce devait être la Croix Rouge – il fut donc expédié vers le centre de soins d’urgence. Son orteil fut amputé sans anesthésie tandis que deux hommes le maintenaient. Le lendemain, Wiesenthal disait avoir été à l’agonie.
“Le docteur revint et vit que j’avais une cloque pleine de pus sur la plante des pieds. Il l’incisa alors et la gangrène gicla à travers la pièce.”

Encore une fois, un des “miracles” de Wiesenthal est sujet à caution. Tout d’abord, cette histoire n'apparaît dans aucune autre biographie ou déclaration.
Ensuite, si la Croix Rouge procédait vraiment à une inspection ce jour là, alors les SS auraient interrompu temporairement les exécutions. Et de fait, la Croix Rouge n’était pas autorisée à se rendre dans les camps à ce moment là.
Enfin, les conséquences médicales semblent hautement improbables.

Peu après, selon le récit de Wiesenthal, il parvint à marcher pendant 200 kilomètres à l’ouest de Chemnitz après l’évacuation de Gross-Rosen. Marcher avec un pied gangrené et un orteil récemment amputé aurait du être infernal. En guise de chaussure, il avait la manche d’un vieux manteau enroulée autour de son pied avec un peu de fil de fer. Un manche à balai faisait office de canne. Sur 6000 prisonniers évacués à pied, seulement 4800 arrivèrent à Chemnitz. Avec son pied infecté, Wiesenthal eut la chance de figurer parmi eux.

De Chemnitz, les prisonniers aboutirent au camp de Mathausen près de Linz en Autriche. Wiesenthal arriva là bas dans la nuit glaciale du 15 février 1945.
Dans “Des assassins parmi nous,” il raconte comment lui et un autre prisonnier, Prince Radziwill, s’étaient soutenus mutuellement pour monter les derniers kilomètres jusqu’au camp. L’effort était trop difficile et ils s’effondrèrent dans la neige. Un homme de la SS tira un coup de feu qui atterrit entre eux.
Comme les deux hommes ne se relevaient pas, ils furent laissés pour morts par une température inférieure à zéro. Quand les camions arrivèrent pour ramasser ceux qui avaient péri pendant la marche, Wiesenthal et Radziwill,
inconscients
, furent jetés sur une pile de cadavres. Au crematorium [four crématoire], les prisonniers préposés au déchargement des corps réalisèrent qu’ils étaient vivants. Ils furent placés sous une douche froide [température > 0] pour les
dégeler et Wiesenthal fut emmené au Bloc VI, “le bloc de la mort” pour les malades condamnés.

En 1961, interviewé pour les archives de Yad Vashem par le journaliste Israélien Haim Maas sur ses années de guerre, Wiesenthal indiquait que l’infection de son pied était à ce moment devenue bleu-vert et s’était étendue au genou. Il est resté étendu dans le bloc de la mort pendant trois mois jusqu’à la fin de la guerre. Trop faible pour sortir du lit, il prétend avoir survécu – incroyablement – avec 200 calories par jour, simplement avec le morceau de pain ou de saucisson qu'un ami Polonais lui faisait passer en douce.

Mathausen fut libéré le 5 mai 1945. Malgré son poids d’à peine 50 kilos,Wiesenthal s’était rué dehors pour accueillir les tanks américains. “Je ne sais pas comment j’ai réussi à me lever et à marcher. S’il était capable de marcher, c’est que sa jambe gravement infectée avait du être soignée les trois mois précédents, soit par amputation, soit par antibiotiques. Nous savons qu’il n’a pas été amputé et que le traitement par antibiotiques n’était pas courant pour les malades Juifs dans les camps de concentration. Une fois encore, c’est comme si un miracle s’était produit.

La rapidité du rétablissement de Wiesenthal est si étonnante qu’on peut penser qu’il n’était pas aussi malade qu’il l’a prétendu. Vingt jours seulement après sa libération, il écrivait au commandant Américain du camp pour demander s’il pouvait être impliqué dans l’assistance aux autorités US chargées d’enquêter sur les crimes de guerre. Affirmant avoir séjourné dans 13 camps de concentration – il n'a en réalité été dans pas plus de six camps – Wiesenthal livra une liste de 91 noms de ceux qu’il sentait responsables de ces “souffrances incalculables.”

Selon la plupart des récits, Wiesenthal avait demandé s’il pouvait se joindre aux enquêteurs Américains sur les crimes de guerre, mais ils refusèrent, lui disant qu’il n’allait pas assez bien Après avoir pris un peu de poids, il revint à la charge et fut assigné à un capitaine avec qui Wiesenthal affirme avoir capturé son premier “scalp,” un garde SS geignard nommé Schmidt.
Il y en eut beaucoup d’autres dans les semaines qui suivirent,” écrira plus tard Wiesenthal. “Il était inutile d’aller loin. On butait pratiquement sur eux
en marchant.”

Un curriculum vitae rédigé après la guerre ne mentionne pas son travail pour les Américains mais cite son activité en tant que vice-président du Comité Central Juif à Linz, en zone d’occupation américaine. Sa tâche était de dresser des listes de survivants que d’autres survivants pourraient consulter pour la recherche de leurs proches.

Pendant au moins un an après la fin de la guerre, une autre tâche de Wiesenthal était d’exercer de fortes pressions pour ses coreligionnaires juifs; il devint président de l’Organisation Internationale des Camps de Concentration, qui siégeait à Paris. Il avait également noué des contacts avec le Brichah qui envoyait clandestinement des Juifs d’Europe vers la Palestine.

Ce n’est pas avant février 1947 qu’il créera l’organisation qui l’a rendu célèbre, le Centre de Documentation et d’Histoire Juives à Linz. Son but était de collationner des informations sur la solution finale en vue d’obtenir des poursuites contre des criminels de guerre. Wiesenthal affirmait l’avoir créé à cause de propos antisémites tenus par un officier Américain, ce qui l’amena à réaliser que les alliés ne pourchasseraient pas les nazis autant qu’il était nécessaire de le faire.

C’est triste, mais il avait raison. Lui et son équipe de 30 bénévoles ont circulé dans les camps de personnes déplacées rassemblant des preuves sur les atrocités auprès d’anciens prisonniers de camps de concentration. En tout, l’équipe de Wiesenthal a compilé 3 289 questionnaires, un exploit bien plus extraordinaire que tout ce que les alliés ont pu réussir.

Wiesenthal est mort en 2005 à l’âge de 96 ans et a été enterré en Israël. Les hommages et les panégyriques furent nombreux et excessifs, et à l’époque il aurait pu être mesquin de le diminuer devant les nombreux aspects positifs du rôle qu’il a joué. C’était fondamentalement un homme de spectacle et quand il a trouvé son rôle de leader mondial des chasseurs de nazis, il l’a bien joué. Comme c’est le cas avec de nombreux spectacles populaires, il était impossible pour les critiques de dire au public que le Grand Show Wiesenthal était à peine plus qu’une illusion. En fin de compte c’était une illusion montée pour une grande cause.

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