dimanche 26 juillet 2009

Quand un journaliste Britannique raconte ses vacances en Iran

Quand un journaliste n’est pas en service commandé, ça peut donner des choses intéressantes qui ont beaucoup à voir avec la liberté d’expression.
David Torrance se trouvait en vacances en Iran pendant la période électorale qui a vu des heurts violents entre partisans de M. Ahmadinedjad et partisans de son rival malheureux. Il n’est pas, c’est le moins que l’on puisse dire, un sympathisant du régime de M. Ahmadinedjad et il semble même avoir quelque indulgence pour le régime sioniste.
Il n’empêche qu’il nous décrit une situation bien différente de celle qui a fleuri dans nos médiats et renvoie une image d’une société aux antipodes de la caricature de l’axe du mal chère à George W. Bush et à ses amis néoconservateurs. Ce sont ces mêmes gens « charmants, bien éduqués » que d’aucuns, encouragés par Benyamin Netanyahu, voudraient bien voir écrasés sous les bombes de l’entité sioniste avec ou sans la participation des USA et autres puissances occidentales.
Certes, ces bombes seraient destinées au régime iranien… Ca, il faudra le dire aux enfants qui périront sous elles.

Iran : le journaliste Ecossais David Torrance passait des vacances en Iran au moment le plus fort de l’agitation politique dans ce pays. Dans ce récit personnel de voyage, il réfléchit sur sa rencontre avec une nation étrangement en contradiction avec sa réputation «d’Axe du Mal.»
Je suis arrivé à Téhéran cent ans exactement après l’occupation de la ville par les Nationalistes révolutionnaires pendant ce qu’on a appelé la Révolution Constitutionnelle. Les troupes Cosaques occupaient encore la place centrale de la ville, mais plus pour très longtemps. Le Shah de Perse fut déposé et finit ses jours en exil.

Un détour historique commode. Je le sais, mais il prouve que la violence dans les rues de Téhéran n’est en rien une nouveauté dans l’histoire contemporaine de l’Iran. Cette année marquait aussi le 30ème anniversaire d’une autre révolution, islamique celle là plutôt que constitutionnelle, dont les répercussions imprègnent encore les rues laides et polluées de la ville.
En conséquence, l’Iran est une destination de vacances improbable, qui a pourtant beaucoup à offrir. Téhéran est, pour le moins, riche en associations politiques tandis qu’Ispahan et Yezd sont des joyaux architecturaux du monde islamique protégés par l’UNESCO. Au sud, se trouve Chiraz d’où partent des touristes locaux (et quelques étrangers) pour visiter Persépolis, le monument étonnamment bien conservé du pouvoir impérial de Darius.

Mais en dépit des événements récents, à aucun moment je n’ai eu le sentiment de voyager dans une partie de ce que le président Bush avait mémorablement condamné comme «l’Axe du Mal,» ni dans ce que l’ancien président Iranien Rafsandjani présentait apparemment comme un pays «en crise» durant les dernières prières du vendredi à l’université de Téhéran. Seuls deux éléments venaient le rappeler : une affiche électorale déchirée de Moussavi dans le bazar d’Ispahan et la trace d’une ancienne recherche sur Google dans l’ordinateur d’un hôtel : «Où-est mon vote ?»

Pourtant, ce qui m’a frappé au niveau politique, c’est que la plupart des Iraniens sont aussi apathiques que les Ecossais quand on en vient aux inévitables conflits entre opposition et gouvernement. Les chauffeurs de taxi inclinaient plus à parler de leurs familles, les guides touristiques de leurs études toutes récentes ; et les passagers des trains de leur travail quotidien plutôt que du besoin de réformes libérales ou d’une plus grande démocratie.

Les Iraniens instruits sont, cependant, très conscients que leur pays a un problème d’image en Occident. La question « Comment voyez-vous l’Iran ? » revenait souvent et je la comprenais comme « Que pensez-vous de notre fou de président ? » Beaucoup ne sont manifestement pas des sympathisants du président Ahmadinedjad (« Il est mauvais pour les étudiants, » m’avait dit dans un train, un étudiant en droit, « il est mauvais pour l’Iran ») mais quand je demandais poliment s’il avait remporté honnêtement la dernière élection, la réponse sidérante était toujours un oui» sans équivoque.

Les élections en Iran ont rarement été entièrement libres ou honnêtes, je n’ai pourtant pas réussi à comprendre que les commentateurs Occidentaux aient accepté trop facilement les accusations de fraude électorale massive.

On peut considérer à Londres ou à Washington qu’Ahmadinedjad, mais ça ne signifie pas qu’il n’a pas de soutien [populaire] dans son pays. Ceci dit, il y a certainement eu quelques irrégularités ici ou là le jour du scrutin. « Il est parfaitement possible qu’il ait gagné, » m’explique un observateur averti de l’Iran. «Il a juste essayé de mettre la cerise sur le gâteau.»
Il reste pourtant difficile de convaincre que le régime d’Ahmadinedjad est moins répressif que celui de l’ancien Shah. Le musée Ehud Beret de Téhéran que j’ai visité, dresse le parallèle de manière tranchée. Logé dans l’ancien QG de la SAVAK, la fameuse police secrète du Shah, où étaient incarcérés et torturés les dissidents politiques, il ne fait pas particulièrement dans la subtilité. Des mannequins grandeur nature sont menottés aux barreaux tandis que d’autres scènes reconstituent – avec des détails à arracher des larmes – toutes les étapes horribles du processus d’interrogatoire.

Les Iraniens participant à la visite étaient captivés, et apparemment inconscients de l’évidente ironie. Plusieurs m’ont proposé de traduire le commentaire fait par un ancien prisonnier afin de s’assurer que je reçoive le message. « C’était un mauvais endroit, » m’informait un type ; « Qu’en pensez-vous ? » « Oui, vraiment mauvais, » opinais-je. « Que pensez-vous de notre révolution ? » ajoutait-il sur un ton inquisitorial. « Elle semblait avoir un soutien populaire, » fut mon inadéquate, mais nécessairement équivoque, réponse.

Autrement, cette rencontre avait été franchement sympathique. « Bienvenue en Iran, » c’était l’accueil habituel avant un flot de questions sur l’Ecosse, le Royaume Uni, ce que je gagnais et, bien sûr, ce que je pensais de l’Iran. Tout le monde, semble-t-il, apprenait –ou veut apprendre – l’anglais, même si visiter un pays anglophone relève pour la plupart de l’utopie.

J’ai vendu à un sympathique soldat Iranien un biller de banque écossais, tandis qu’à Chiraz un chauffeur de taxi m’a offert une cassette de sitar que nous avons écoutée pendant le trajet vers l’aéroport. «C’est bien de voir des Britanniques par ici,» m’a dit un marchand de tapis à Ispahan, « on n’en a pas vu beaucoup ces dernières semaine ; beaucoup de groupes de touristes ont annulé leurs séjours.» Il semblait sincèrement déçu.
Je n’ai ressenti qu’une seule manifestation d’hostilité. Alors que j’errais dans la gare routière de Chiraz le jour qui avait suivi une nouvelle éruption de violence dans la capitale, un chauffeur de taxi costaud, m’avait interpellé hargneusement, « Alors, vous allez à Téhéran ?» J’y allais, mais par pour y passer une journée de plus. Et quand je l’ai fait, en route pour Londres, la ville était inhabituellement tranquille. Lundi était férié, et la plupart des habitants de Téhéran se préparaient pour une journée de célébrations religieuses.

Sans surprise, il y a une part de propagande dans la gestion gouvernementale de l’information. Plusieurs quotidiens anglophones transmettent fidèlement la ligne gouvernementale (à la différence, semble-t-il, de plusieurs journaux en persan qui sont souvent à un article de la fermeture) ; tandis que la controversée chaîne satellitaire iranienne d’informations Press TV, tourne en boucle sur les écrans des hôtels.
A première vue, elle semble avoir un ton raisonnable et bénéficier de moyens enviables ; ce n’est qu’après l’énième émission détaillant les cruautés de l’Etat sioniste (Israël), sans oublier les interférences « étrangères » dans les affaires iraniennes que son agenda apparait évident. George Galloway y a même sa propre émission, une diatribe polémique ponctuée d’emails de Liverpool et d’appels téléphoniques d’expatriés Iraniens à Londres.

Mais d’autres aspects de la vie iranienne ne sont pas aussi oppressifs que ce qu’ils ont l’air au premier abord – le statut des femmes par exemple. Même si dans des villes conservatrices comme Yezd, on porte le voile intégral noir – une tenue détestable dans la chaleur estivale – dans la ville cosmopolite de Chiraz on ne porte en général que le foulard sur la tête et tellement repoussé en arrière que ce vêtement n’est plus guère que symbolique. Les femmes en Iran représentent environ 60 % des étudiants du pays et j’en ai vu beaucoup flâner aux alentours de l’université de Téhéran.

Les zones de tension à l’étranger, c’est assez naturel, se transforment souvent en des caricatures qui ont peu de relations avec la réalité. L’Iran en est un exemple. Pour des raisons évidentes, ce n’est pas une destination touristique mais peut-être devrait-elle en être une. C’est que ses habitants qui sont, pour parler d’une manière générale, charmants, bien éduqués et attirés par l’Occident prouvent aussi le danger qu’il y a à juger un pays par sa direction politique.

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