mercredi 20 mai 2009

A l'époque "glorieuse" du sionisme, des méthodes pour améliorer la "race"

L’eugénique est souvent associée au nazisme et à son objectif de produire le parfait aryen. Cette image, pour satisfaisante pour l’esprit qu’elle soit est abusive et il est faux de supposer le caractère exclusif de cette association puisque l’idée eugéniste remonte au moins à Platon.
C’est la découverte des lois de la transmission héréditaire des caractères biologiques qui a favorisé l’émergence de l’eugénique moderne en référence explicite au modèle darwinien.
Sir Francis Galton postulait le caractère héréditaire non seulement des caractères physiques mais également de ce qui constitue la psyché, affectivité et intellect.
Un des tenants les plus notoires en France de l’approche eugéniste n’est autre que le lyonnais
Alexis Carrel, illustre médecin et prix Nobel qui mit en place sous le régime de Vichy le certificat médical prénuptial que la France a abandonné en 2008.
Il n’empêche que des lois eugénistes ont été adoptées dans des pays dits démocratiques qui autorisent la stérilisation de certaines catégories d’individus. Parmi ces pays, la Finlande, le Danemark, un certains nombre d’Etats aux USA...
Il convient donc de situer l’eugénique dans un cadre qui déborde celui du nazisme ou du fascisme et qui est celui des idéologies de hiérarchie raciale qui ont fleuri en Occident. Et c’est ce genre de conceptions, très commune avant la deuxième guerre mondiale qui a été le terreau de l’idéologie nazie.
Car le nazisme, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, n’était pas une idéologie tirée du néant par un fou qui parvint à subjuguer le peuple allemand.
La seconde guerre mondiale a eu des causes objectives, c’est-à-dire que l’entrée en guerre de l’Allemagne obéissait à des considérations rationnelles (économiques et politiques). L’idéologie nazie elle-même ne se distinguait pas fondamentalement du sens commun de l’époque en Europe où l’idée d’une hiérarchie des races (transposable ipso facto en hiérarchie de classes et/ou d’individus à l’intérieur d’une même nation européenne) était monnaie courante. Sauf que l’Allemagne hitlérienne n’avait plus de colonie et que le racisme a du s’y exprimer à l’intérieur de l’Etat nation (contre les juifs, les homosexuels, les tziganes) avant de s’exprimer au dehors (toujours contre les juifs et les tziganes mais aussi contre les peuples slaves).
C’est dans ce terreau européen qu’est précisément né le sionisme et il n’est nullement surprenant de constater, comme on le voit dans l’article ci-après, que des médecins juifs sionistes ont eux-aussi essayé d’améliorer la race

L’eugénique en Israël : des juifs ont-ils essayé aussi d’améliorer la race humaine ?
par Yotam Feldman, Haaretz (Sionistan) 15 mai 2009 traduit de l’anglais par Djazaïri

En 1944, le psychiatre Kurt Levinstein donna une conférence à Tel Aviv, dans laquelle il plaidait pour empêcher les gens présentant divers désordres mentaux et neurologiques – comme l’alcoolisme, la psychose maniaco-dépressive et l’épilepsie – de mettre des enfants au monde.
Les moyens qu’il proposait – l’interdiction du mariage, la contraception, l’avortement et la stérilisation – étaient vus comme acceptables aux Etats-Unis et dans l’Europe des premières décennies du 20ème siècle, dans le cadre de l’eugénique : la science qui visait à améliorer la race humaine.
Dans les années 1930, les nazis recoururent à ces mêmes méthodes aux premières étapes de leur plan pour renforcer la race aryenne. Levinstein était conscient, bien entendu, des connotations politiques douteuses implicites dans ses recommandations, mais il pensait que les principes solides et salutaires de l’eugénique devaient être distingués de leur utilisation par les nazis.
Une recherche récente de l’historien Rakefet Zalashik sur l’histoire de la psychiatrie en Palestine à l’époque du mandat britannique et après la création de l’Etat [sioniste] montre que la voix de Levinstein était loin d’être isolée. En effet, elle affirme dans son livre publié en 2008, "Ad nefesh: les réfugiés, les immigrants et l’institution psychiatrique israélienne" (Hakibbutz Hameuchad, en hébreu), que le concept «d'ingénierie sociale» basé sur l’eugénique faisait partie de la pensée psychiatrique courante ici, des années 1930 aux années 1950.
Les psychiatres juifs en Israël ne furent pas les seuls à tenter de distinguer entre la science eugénique, qu’ils considéraient utile, et son application par les nazis. Ce qui faisait la particularité des experts locaux était qu’ils avaient effectivement étudié les principes de la théorie en Allemagne avant d’immigrer en Palestine directement auprès des scientifiques qui préconisaient l’utilisation de l’eugénique pour stériliser de force des malades mentaux et des handicapés physiques allemands – et par la suite pour justifier leur mise à mort. En l’espace de quelques années, les scientifiques allemands se servirent de la même justification pour tuer des juifs.
Beaucoup de psychiatres juifs souscrivaient à la conception qu’avaient leurs collègues allemands des juifs en tant que race, sur la base de la théorie qui s’était développée en Europe, explique Zalashik. Cependant, à leur arrivée en Palestine, ils rencontrèrent des juifs de types différents et commencèrent à distinguer entre la race des juifs européens et celle des juifs séfarades et mizrahim (d’origine proche orientale et nord-africaine).
Ainsi, par exemple, le psychiatre Avraham Rabinovich, qui exerça à l’institution Ezrat Nashim à Jérusalem avant de diriger plus tard une structure de santé mentale à Bnei Brak, établissait entre 1921 et 1928 une distinction dans les dossiers de ses patients entre la population générale et les juifs originaires de Boukhara, de Géorgie et d’Iran qu’il qualifiait de «races primitives.»
Expliquant pourquoi ces derniers ont été moins touchés par la maladie mentale, il écrit: «Leur conscience, avec son maigre contenu, ne fixe pas d'exigences particulières dans leurs vies, et elle se soumet docilement aux conditions environnementales, et pour cette raison, n’entre pas en conflit, ce qui donne lieu à un très faible pourcentage de troubles fonctionnels du système nerveux et de maladies mentales en particulier. "
Les conceptions de ces psychiatres s’accordaient bien avec les objectifs du mouvement sioniste qui à l’époque proposait une politique d’immigration sélective.

« L’eugénique a fait partie de la philosophie générale [national philosophy] de la plupart des psychiatres [locaux] » explique Zalashik. «La théorie était qu’on avait besoin d’une nation saine pour accomplir la vision sioniste en Israël. Cette façon de voir avait un aspect économique puissant – l’idée étant d’empêcher des gens qu’on percevait comme un fardeau pour la société de mettre des enfants au monde. Et les homosexuels et les femmes frigides tombaient aussi dans cette catégorie.»
Pour sa part, le psychiatre Kochinsky soutenait en 1938 dans le journal Harefuah que les données d’un recensement des malades mentaux en Palestine devaient servir prioritairement comme «base pour les méthodes d’amélioration de la race.»
Zalashik soutient que de telles façons de voir, de même que d’autres hypothèses fausses et néfastes sur lesquelles la psychiatrie israélienne s’est basée à ses débuts, ont abouti à l’adoption de formes de traitement inappropriées et parfois cruelles, dont les effets dur le système de santé mentale du pays se ressentent encore aujourd’hui.
Dans son nouveau livre, Zalashik fait l’historiographie de la communauté psychiatrique qui commença à prendre dorme dans les années 1930 avec l’arrivée de pays germanophones de dizaines de psychiatres juifs suite à l’accession au pouvoir des nazis. Selon son étude, fin 1933, trois psychiatres seulement exerçaient dans le pays ; vers la fin de la deuxième guerre mondiale, ce nombre était passé à 70. Ces psychiatres étaient influencés par les hypothèses et les conclusions d’importantes recherches conduites dans leurs pays d’origine sur les désordres mentaux propres aux juifs et qui s’inséraient dans la volonté d’expliquer «le problème juif» en termes biologiques et médicaux.
« Juifs comme non juifs, les médecins avaient coutume de penser que les juifs avaient une plus grande tendance que les autres à développer des maladies mentales, » affirme Zalashik. Le débat portait sur le rôle de la race ou sur celui de facteurs d’environnement : les [psychiatres] juifs disaient que les juifs souffraient de maladies mentales à cause des difficultés qu’ils enduraient et des pogroms, et parce qu’ils vivaient dans des villes où il y avait plus de tension et de stress qu’en secteur rural. Les [psychiatres] non juifs parvenaient à la même conclusion, mais fondée sur l’argument que les juifs étaient différents biologiquement et génétiquement.»
Zalashik soutient que la question de savoir si la prémisse de départ est juste n’a pas de pertinence pour l’historien. « Ce qui importe, c’est que la minorité juive, particulièrement en Allemagne, après avoir été considérée comme un problème social l’a été comme problème médical.»
En immigrant en Israël, les psychiatres juifs n’abandonnèrent pas les théories dans lesquelles ils avaient été formés ; au contraire, ils les adaptèrent à la nouvelle situation.
L’eugénique n’était pas la seule théorie douteuse importée par les psychiatres judéo-allemands, ajoute Zalashik : Ils adoptèrent aussi la conception psychiatrique allemande du traumatisme et ses méthodes pour traiter les victimes de chocs émotionnels.
Zalashik : « Si, en Europe, la tendance à développer des maladies mentales était réputée attester de l’infériorité des juifs, en Palestine elle indiquait la supériorité des pionniers par rapport aux juifs du vieux Yishouv [communauté pré étatique] : selon les psychiatres, les pionniers venaient de la civilisation, et ces gens civilisés souffraient plus de troubles mentaux que les gens de l’ancien Yishouv qui vivaient dans un environnement rural.»
En outre, les psychiatres soutenaient que les pionniers tendaient à développer des pathologies mentales à cause du stress lié à la migration et aussi en raison de leur jeune âge (entre 20 et 30 ans), dont on sait qu’il est le premier moment de manifestation des désordres psychiques.
Une des principales solutions proposées par les psychiatres était l’application de l’ingénierie sociale à la population israélienne ou, ainsi qu’ils l’appelaient, «l’hygiène mentale.» Jusqu’à son immigration en Israël dans les années 1930, Martin Pappenheim, qui dirigeait le service neurologique de l’hôpital municipal de Vienne entre 1921 et 1923, représenta la branche autrichienne de la Ligue Internationale pour l’Hygiène Mentale – un mouvement fondé en 1928 qui cherchait à réduire la pauvreté, la criminalité et la morbidité au moyen de mesures de prévention drastiques. En 1935, Pappenheim et le Dr Mordechai Brachiahu fondèrent la branche de cette association en Palestine.
L’un des principaux arguments en faveur de l’eugénique était l’avantage économique qu’elle apporterait. Selon Pappenheim, l’activité de son association avait pour but de réduire « le coût improductif des travailleurs non qualifiés... qui grèvent le budget de la nation,» et de réaffecter les ressources à la préservation de la santé de la population active.

Les grossesses non désirées

Les recommandations de Pappenheim et de ses collègues ont été partiellement mises en œuvre dans les années 1930. A Tel-Aviv et à Jaffa, des «centres de conseil" à l’intention des Juifs furent été mis en place pour donner des conseils aux couples avant et après le mariage, afin de prévenir les grossesses non désirées chez les personnes dotées d’un patrimoine génétique «malsain.»
En 1942, Kochinsky fit un exposé sur la «politique de la population et la psychopathologie» à la seconde conférence de la Société de Neuropsychiatrie. Il expliquait à son auditoire que sur les 200 personnes qu’il avait soignées au centre d’hygiène Beit Strauss de Tel Aviv, 48 % avaient une « maladie mentale » à composante génétique et que les porteurs de ces gènes ne devraient pas avoir d’enfants. Ces troubles comprenaient toute une gamme de problèmes, des tendances suicidaires à la frigidité et aux dysfonctionnements sexuels.
Suite à ces «observations inquiétantes,» Kochinsky proposa la réalisation d’un recensement à l’échelle nationale pour évaluer la probabilité du développement de pathologies mentales chez les habitants du pays, de sorte à pouvoir prendre des mesures pour fortifier la race juive.
Les psychiatres n’étaient pas les seuls à être tentés par les attraits de l’eugénique ; dans le pays, d’autres médecins dont de hauts responsables de la santé, essayèrent aussi d’en adopter les méthodes. Parmi les plus importantes de ces personnalités de l’époque mandataire, se trouvait le Dr Yosef Meir qui a présidé pendant trente ans l’HMO, l’organisation de gestion de la santé Clalit (l’hôpital Meir de Kfar Sava porte son nom). En 1934, dans un article d’ouverture de «Ha’em Vehayeled» («Mère et enfant»), un guide pour les parents édité par l’HMO, le DR Meir écrivait ce qui suit :
"Qui a le droit d'avoir des enfants? La recherche d'une réponse satisfaisante à cette question est la préoccupation de l'eugénique, la science de l'amélioration de la race humaine et de la protection contre la dégénérescence. Cette science est encore jeune, mais ses effets positifs sont déjà d’une grande importance ... N'est-il pas de notre devoir de nous assurer que notre nation puisse avoir des fils qui sont en bonne santé de corps et d'esprit? Et d’écrire: «Pour nous, l'eugénique - en général, et tout particulièrement pour des raisons de protection contre la transmission de maladies héréditaires - a encore plus de valeur que pour les autres nations! ... Les médecins, les amateurs de sport, et ceux qui sont actifs sur la scène nationale doivent répandre cette idée: n’ayez pas d'enfants si vous n'êtes pas certains qu'ils seront sains de corps et d'esprit!»
« Il y a une différence entre un centre de soins ordinaire et une clinique eugéniste du genre qui avait été créée ici,» note Zalashik. « Quand vous venez dans un centre de soins traditionnel, l’objectif est de vous guérir ou de vous fournir des moyens de soulager vos souffrances. Quand vous venez dans une clinique eugéniste, d’autres considérations entrent en jeu : le soignant cherche à guérir le peuple juif, à créer des gens dotés de la résistance physique et émotionnelle pour accomplir le projet national. Compte tenu de l’importance de la prévention, quand un enfant handicapé naissait par exemple, on essayait de convaincre les parents de ne pas en concevoir d’autre.»
En dehors de ce genre d’activité de conseil pour les couples mariés, un soutien était aussi apporté pour les procédures de stérilisation des malades mentaux. Zalashik a découvert une lettre de Yehuda Nadibi, le secrétaire général de la mairie de Tel Aviv, au médecin chef de l’autorité mandataire, lui demandant d’interner à l’hôpital psychiatrique de Bethléem une malade mentale – faute de quoi il ferait le nécessaire pour qu’elle soit stérilisée. La femme fut hospitalisée mais tomba enceint au cours d’une permission de sortie. Le service d’action sociale de la mairie se plaignit des dépenses qu’occasionnerait la grossesse et demanda pourquoi l’hôpital ne l’avait pas stérilisée.

Comités de sélection

Les psychiatres judéo-allemands n’ignoraient pas la similitude entre leurs recommandations et la politique nazie qui était appliquée à la même époque. Kurt Levinstein conclut même une conférence en 1944 par une citation du psychiatre et généticien Hans Luxenburger, qui était impliqué dans la législation des méthodes eugénistes sous le IIIème Reich et cherchait à démontrer scientifiquement la composante héréditaire de la maladie mentale afin de promouvoir les initiatives gouvernementales de stérilisation.
« Une personne porteuse d’une maladie mentale héréditaire qui n’a pas été prévenue ou soignée, » citait Levinstein, «représente simplement un aussi grand danger qu’un patient dont la maladie s’exprime complètement... La prophylaxie eugéniste est la seule prophylaxie et la prophylaxie idéale des maladies héréditaires.»
Levinstein soulignait que Luxenburger avait dit ces choses avant l’arrivée au pouvoir des nazis et, comme ses collègues psychiatres juifs, il entendait différencier l’utilisation des théories eugénistes par les sionistes de celui qu’en faisaient les nazis. « [Les psychiatres juifs] affirmaient que c’était une bonne démarche scientifique dont les nazis avaient fait un mauvais usage en créant une hiérarchie des races et en anéantissant des populations entières, » explique Zalashik. Ils la concevaient comme un moyen important et efficace pour fortifier la santé de la nation.»
Les tentatives pour renforcer la race juive par le biais du contrôle des naissances ont continué après la fondation de l'État et dans les années 1950. En août 1952, le Congrès mondial des médecins juifs décida de créer un institut scientifique consacré aux enjeux de l'eugénisme en Israël. Cet institut n'a jamais vu le jour; à l’époque les théories eugéniques commençaient à être abandonnées, la fausseté de leurs postulats de base ayant été démontrée et peut-être aussi par suite de l’accroissement de la diversité et de la dimension de l’institution psychiatrique.
Les institutions sionistes locales cherchèrent également à exercer un contrôle sur la santé publique des juifs au moyen de restrictions sur l’immigration. En 1918 et 1919, des bureaux furent ouverts dans plusieurs pays pour contrôler ceux qui demandaient à émigrer en Palestine. En 1921, un département de l’immigration fut fondé avec pour mission la gestion des candidats à l’immigration jusqu’à leur arrivée en Palestine. Au milieu des années 1920, des comités de sélection médicale furent installés dans les bureaux d’immigration ; de plus, des examens étaient pratiqués dans les ports du pays et dans les installations de mise en quarantaine gérées par les services sanitaires de l’autorité mandataire.
Cette sélection a continué après l'arrivée au pouvoir des nazis. Fin Novembre 1933, Henrietta Szold, alors présidente du département Aliya des jeunes de l'Agence Juive, écrivait au Dr George Landauer, administrateur de la division allemande de l'Agence pour lui demander de superviser les examens médicaux des candidats à l'immigration au Bureau de Berlin – par la suite, des Juifs qui avaient reçu des certificats ont fini par dépendre des services sociaux en Palestine en raison de problèmes de santé.. Des rapports concernant plusieurs cas similaires avaient circulé dans les trois organismes concernés par l'émigration au départ d'Allemagne: le Comité national juif, le Comité pour l’installation des Juifs allemands en Palestine (fondé en 1932) et la section allemande de l'Agence Juive.
L'immigration sélective a cessé officiellement avec l'adoption en 1950 de la Loi du Retour qui reconnaît le droit de chaque Juif à immigrer en Israël. Mais Zalashik affirme que des traces du point de vue eugéniste point de vue s’observent encore dans le système de santé israélien.
"Israël est une superpuissance en matière de tests prénataux et d'avortement", dit-elle. "Les avortements sont réalisés ici sous le moindre prétexte, y compris des défauts esthétiques [curables] comme une fente palatine. L'idée qu'il ya des bébés qui ne devraient pas être né fait partie de la philosophie de l'eugénisme".
Dans le jeune Etat, beaucoup de psychiatres croyaient que le psychisme des juifs était plus résilient en raison des persécutions subies à travers l’histoire. En 1957, Fishel Shneorson publia un article dans le journal Niv Harofeh sur la solidité émotionnelle des survivants de l’holocauste. Il affirmait que le taux de pathologies mentales chez les survivants qui avaient immigré en Palestine/Israël était plus faible que celui de ceux qui s’étaient établis ailleurs.
La théorie, largement admise ici par les psychiatres de l’époque, était que les conditions dans ce pays – l’absence d’antisémitisme associée à la participation des survivants à la lutte pour la nation et à son édification – avaient un effet bénéfique sur leur santé mentale. C’est pourquoi les psychiatres tendaient à attribuer une grande part des plaintes des survivants de l’holocauste aux difficultés liées à l’immigration et à des problèmes familiaux plutôt que de les diagnostiquer comme des troubles émotionnels et à les soigner en conséquence.
L'attitude de négligence des effets de l'expérience de l'Holocauste est évidente dans le cas d'un Juif d'origine roumaine, qui a été admis en 1955 à l'hôpital psychiatrique Talbieh de Jérusalem pour examiner s'il souffrait d'un problème psychiatrique. Il était décrit comme "ayant une intelligence limitée, un très faible niveau d’adaptation sociale très faible et une personnalité infantile», diagnostiqué comme souffrant de dépression, d'anxiété, d’un sentiment d’insécurité et d'agression.
Zalashik : « les thérapeutes ont consacré trois pleines pages à la biographie du patient, de son enfance jusqu’à son hospitalisation, mais voilà tout ce qu’ils avaient à dire sur son vécu pendant la guerre : ‘En 1941, pendant la guerre, le patient a été envoyé dans des camps de travail et séparé de sa famille. Dans les camps il n’a souffert d’aucune maladie. Après sa libération des camps de concentration en 1945, il est retourné en Roumanie pour apprendre que toute sa famille avait été exterminée.’»

‘Névrose de compensation’

L’attitude des psychiatres envers le traumatisme des survivants acquit une portée supplémentaire en 1952, avec la signature de l’accord de réparations entre Israël et l’Allemagne. Selon la loi en Allemagne, les survivants étaient en droit de demander compensation pour les torts qui leur avaient été infligés par la persécution nazie. Les psychiatres israéliens étaient chargés de sonner par écrit leur point de vue de praticien sur les demandes d’indemnisation. Les survivants qui n’étaient pas d’anciens ressortissants allemands, ou n’appartenaient pas au milieu culturel germanique, avaient la possibilité de demander une pension d’invalidité auprès de du ministère israélien des finances et de la sécurité sociale ; et des avis médicaux étaient là aussi nécessaires.
Zalashik conclut que, au lieu de saisir cette opportunité pour examiner plus à fond le psychisme des survivants et reconnaître leur angoisse, les psychiatres se sont considérés en premier lieu comme les gardiens du trésor public, et étaient peu enclins à reconnaître les dégâts psychologiques causés par les nazis. Et quand ils les reconnaissaient, ils tendaient à attribuer à la personne concernée un niveau minimal d’invalidité.
Le psychiatre Kurt Blumenthal alla jusqu’à prétendre que de nombreux survivants faisaient seulement semblant d’avoir des problèmes psychologiques quand il écrivit en 1953 sur la « névrose de compensation » ou « névrose volontaire,» qu’il décrivait ostensiblement comme une tentative de se présenter soi-même comme ayant souffert des dommages sévères afin d’augmenter le montant des indemnités qu’on est susceptible de recevoir. Le psychiatre Julius Baumetz, directeur d’un centre de santé mentale de Jérusalem, implorait ses collègues de faire tout leur possible pour mettre un terme immédiat à ces demandes basées sur de pseudo névroses car sinon, la situation des survivants régresserait vers un état de «dépendance infantile.»
« Les psychiatres israéliens ont trahi leur mission quand ils ont décidé de se soucier davantage des caisses de l’Etat que de leurs patients, » dit Zalashik. « Quand les gens se plaignaient de cauchemars, ils leur disaient qu’ils simulaient. Un psychiatre allemand que j’ai interviewé m’a déclaré avoir été horrifié par les avis qu’il recevait des thérapeutes israéliens. Il affirme qu’ils étaient si dépassés et si peu spécialisés qu’ils faisaient du tort à leurs patients. Les théories sur lesquelles ils s’appuyaient – selon lesquelles le traumatisme ne cause pas de changement à long terme dans la personnalité – étaient déjà considérées comme obsolètes dans l’Allemagne de ces années là.»
Zalashik explique que cette atmosphère avait rendu plus facile au ministère de la santé de décider que les survivants de l’holocauste atteints de troubles mentaux devraient être soignés dans des institutions psychiatriques privées et non dans le système public. Des survivants sont restés dans ces institutions pendant des décennies. Finalement, ces institutions sont devenues des hôtels qui hébergent environ 700 survivants de l’holocauste.
Une autre raison à l’adoption de cette approche du traitement touche au statut des psychiatres eux-mêmes, considère Zalashik : « Ceux qui étaient venus d’Allemagne avaient une façon de voir très différente de celle de l’establishment d’Europe orientale qui contrôlait le système de santé. Beaucoup d’entre eux n’avaient pas été internes hospitaliers et l’establishment médical ne tenait pas à les intégrer. Au lieu de les intégrer dans les institutions psychiatriques publiques, ils les ont laissé ouvrir des institutions psychiatriques privées. Quand le gouvernement s’est aperçu que le maintien d’un patient dans ces institutions était moins onéreux que dans une institution médicale publique, il a encouragé leur prolifération et le traitement des malades mentaux dans ce cadre.»
Le Dr Motti Mark, qui a dirigé le département santé mentale du ministère de la santé de 1991 à 1996 et de 1999 à 2001, a œuvré à fermer les institutions privées et à transférer leurs pensionnaires dans des institutions publiques adéquates, dans des hôtels ou des services communautaires de soins. Il est visiblement gagné par l’émotion quand il relate comment il avait été atterré la première fois qu’il les a rencontrés : « [Les autorités] avaient créé un système de santé séparé pour les malades mentaux. J’avais découvert qu’il existait des lieux qu’ils appelaient des hôpitaux qui n’étaient en réalité que des sortes de refuges comme on en trouvait aux Etats-Unis. Ces lieux se trouvaient hors des grandes villes partout où on pouvait trouver une prison ou un casernement abandonnés, et on y plaçait les malades qui se trouvaient dans la plus totale détresse.
«Dans chaque endroit abandonné, le ministère de la santé trouvait des solutions d’externalisation qui étaient supposées être comme de véritables hôpitaux mais avec un médecin auxiliaire ou un neurologue qui essayaient de procurer un traitement complet à des personnes qui avaient toutes sortes de problèmes. En 1991, dans une institution de ce genre, j’ai vu 30 ou 40 personnes étendues dans une grande pièce dans des conditions très difficiles. J’ignorais que de telles choses existaient en Israël.»

Menace de lobotomie
Zalashik, qui vit aujourd’hui à New York, a obtenu une licence en histoire et en sociologie à l’université de Tel Aviv. Etudiante, elle animait un club affilié au mouvement Hadash (socialiste) à Tel Aviv. Après avoir obtenu un master en histoire allemande, elle a rédigé sa thèse sur Johann Christian Reil, le père de la psychiatrie allemande, et a entamé des recherches sur l’histoire de la psychiatrie aux Etats-Unis. Elle en est venue à traiter le sujet de son livre actuel après qu’un ami israélien, un travailleur dans le secteur de la psychiatrie sociale, lui ait rapporté que les infirmières de l’hôpital où il travaillait menaçaient souvent les patients qui les dérangent en leur disant : «Si vous ne vous conduisez pas bien, je vous ferai une lobotomie.»
Une lobotomie est une technique qui consiste à insérer une aiguille dans le cerveau via les orbites pour détruire les lobes frontaux du cerveau. La méthode est basée sur la présomption que ces lobes sont le siège des centres de l’émotion du système nerveux et que leur neutralisation affaiblit la réaction émotionnelle qui perturbe le malade mental.
Les praticiens israéliens ont continué à recommander la thérapie par insuline des années après que ses effets dangereux aient été documentés, dont certains cas mortels. Alors que le recours à la thérapie par insuline régressait dans la plupart des pays dans la première moitié des années 1950, il n’a commencé à décliner en Israël qu’à partir des années 1960. En mai 1952, par exemple, un médecin de l’hôpital Talbieh vantait la thérapie par insuline, la qualifiant «d’une des thérapies les plus efficaces dans la gamme des traitements modernes de la schizophrénie.» En 1970, neuf institutions privées de santé mentale (environ 1/3 de toutes celles d’Israël), pratiquaient encore la thérapie par insuline.
« Apparemment, il est possible d’expérimenter l’électrochoc, qui coûte moins cher que l’insuline et peut être pratiqué à l’hôpital Ezrat Nashim de Jérusalem, » écrit Zalashik. «Le traitement doit durer trois mois et il y a deux possibilités ensuite : soit on constate que les patients sont complètement guéris, soit on voit qu’on n’a pas de remède pour eux et on les transfère à l’hôpital de Bnei Brak.»
Selon Zalashik, "Au début, quand une nouvelle thérapie est adoptée, il y a énormément d'enthousiasme et d'euphorie, avec des taux de réussite rapportés de 90 pour cent ou plus. Par la suite les bilans deviennent plus réservés, et la question est posée de savoir si la thérapie a vraiment aidé tous les patients ou seulement quelques un. Dans une troisième étape, on déclare que ces thérapies ne marchent pas, et au même temps, une nouvelle thérapie apparait.
« Pour commencer, certaines de ces thérapies étaient totalement injustifiables ; la théorie que laquelle la thérapie par insuline était basée était un non sens. Une partie de la justification de leur utilisation avait à voir avec le statut des psychiatres eux-mêmes au sein de la profession médicale. : Alors que dans d’autres spécialités, les médecins présentaient des réussites et des découvertes impressionnantes, les psychiatres étaient aux prises avec des malades chroniques qui ne répondaient à aucun traitement.
Pour l’essentiel, ils savaient fort peu de choses sur « leurs » maladies, et étaient incapables de présenter des preuves de leurs réussites. Ils sentaient qu’il valait mieux faire quelque chose plutôt que rien du tout. Au delà de cet aspect, certaines des thérapies soulevaient de graves questions éthiques : une lobotomie modifie de manière irréversible la personnalité de quelqu’un. Ce n’était pas seulement un traitement inadéquat. C’était une démarche radicale qui transformait des gens en «zombies.»
Mark attribue de l'utilisation de ce genre de traitements au fait que la psychiatrie israélienne était en retard sur le reste du monde.
«Jusque dans les années 1980, je pense que la psychiatrie israélienne avait 10 ou 20 ans de retard sur ce qui se passait à l'Ouest", note-t-il. «Ceci découlait pour partie de l'écart lié à la langue. Les thérapeutes d'origine allemande avaient mis en place une psychiatrie européenne qui avait disparu après la Seconde Guerre mondiale, et ils n'étaient pas familiers des progrès thérapeutiques qui ont eu lieu principalement dans les pays anglo-saxons. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 ou au début des années 1990 que les traitements psychiatriques en Israël sont entrés en conformité avec les pratiques standards dans le reste du monde. "

2 commentaires:

  1. Le journal haarets est édité dans un pays qui s'appelle Israël.En l'appelant Sionistan vous démontrez que vous êtes opposée à toute solution au Moyen-Orient. Quel dommage que cette façon d'agir gâche vos informations souvent intéressantes.

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  2. Messieurs les Sionards toujours vos méthodes abjectes et sournoises d'inversement des choses,toujours cette volonté de susciter les doutes chez les gens ,mais c'est fini de vous et de vos diableries vous êtes démasqués à jamais !

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