mercredi 2 avril 2008

Khaled Meshaal, leader du Hamas : "Un chef est celui qui se sacrifie, pour sa cause et pour son peuple, et non l’inverse."

A ma connaissance, on trouve peu d'interview de Khaled Meshaal, le leader du Hamas palestinien en exil, dans la presse française. Tout au plus des extraits de ses propos quand ils sont relatifs au sujet qui intéressent cette presse, comme le sort de Gilad Shalit, ce bandit sioniste capturé par la résistance palestinienne, ou encore la position du Hamas sur le sacro-saint droit à l'existence de l'entité sioniste.
Dans cette interview accordée au quotidien espagnol El Pais, K. Meshaal nous donne des éléments de la stratégie de son mouvement dans la confrontation avec l'entité sioniste.
On n'y trouvera pratiquement aucune référence religieuse, en dehors de celle qui tient aux valeurs qui animent le mouvement Hamas et lui commandent de traiter correctement son unique prisonnier sioniste. On trouvera bien entendu une référence aux martyrs (Chahid, plur. chouhada). Cette référence est aujourd'hui bien galvaudée en Europe comme en France et tend à entrer dans le champ sémantique du fanatisme. Peut-être est-il venu le temps de débaptiser toutes les rues et avenues de France dui rappellent le souvenir des martyrs de la résistance française à l'occupation nazie.
Et il est vrai que, en lisant les propos de Khaled Meshaal, j'avait l'impresion de lire ceux que pourraient tenir les responsables de n'importe quel mouvement de résistance. Et personnellement, ils m'ont beaucoup fait penser à la démarche du F.L.N. algérien qui a abouti aux négociations avec le gouvernement français puis aux accords d'Evian.
Rien de nouveau donc, sauf le contexte qui, comme toujours, appelle les résistants à faire preuve d'imagination, d'abnégation et d'endurance.
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ÁNGELES ESPINOSA, ENVOYEE SPECIALE - Damas - 31/03/2008
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« Israël ne veut pas payer le prix pour la paix,» assure Khaled Meshaal, leader du Hamas en exil. Mais cet activiste reconverti en politique ne s’attend pas à ce qu’on le croie et il s’efforce d’argumenter ses déclarations. Il cite le rejet par Israël de tous les plans de paix qu’ils fussent arabes ou internationaux, le fait qu’elle [l’entité sioniste, NDT] a ignoré la trêve unilatérale que le Mouvement de Résistance Islamique avait décrété en 2005, ou le blocus contre son gouvernement élu en 2005. Mais il fait porter également la responsabilité aux Etats-Unis dont il considère que la politique « a échoué en Irak, en Palestine et au Liban. » On ne peut parvenir à la paix dans la région sans le Hamas, » conclut-il.
Meshaal (né à Ramallah en 1956) reçoit EL PAÍS dans son bureau de Mezzeh, un quartier résidentielle de Damas, où il a trouvé refuge après avoir été victime en 1997 d’une tentative d’assassinat en Jordanie par deux agents du Mossad. Cette histoire et comment ils lui injectèrent un poison puis l’intervention du roi Hussein afin que le gouvernement israélien fournisse l’antidote en échange de la libération de ses deux espions semble sortie d’un film d’action. Cependant, malgré l'attentat récent contre un membre du Hezbollah dans la capitale syrienne, les mesures de sécurité sont discrètes et celui qui est peut-être l'un des hommes plus détestés d'Israël assure ne pas avoir de peur de la mort.
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Question. Que pensez-vous des résultats du récent sommet arabe en ce qui concerne la Palestine ?
Réponse. Les résolutions sont positives parce qu'elles soulignent la condamnation de l'occupation israélienne, reconnaissent le droit du peuple palestinien à la résistance et demandent la fin du blocus de Gaza. Mais les sommets arabes manquent de la capacité à mettre en pratique leurs résolutions. Je ne pense pas seulement à celui de Damas. Dans ce moment de divergences et de divisions entre les Arabes, ce qui a été obtenu nous apparait comme un succès.
Q. Considérez-vous toujours comme valable l’initiative de paix arabe de 2002 dont il a été également fait mention ?
R. Nous avions déjà dit à l’époque qu’elle n’aboutirait pas parce qu’Israël allait la repousser et que l’administration américaine ne la prendrait pas au sérieux. Et c’est ce qui s’est passé depuis 2002. Israël ne veut pas la paix. Elle veut conserver la terre, continuer à ignorer les droits arabes et palestiniens et en même temps obtenir la sécurité. Elle ne veut payer le prix de la paix. Pour preuve, Israël a rejeté toutes les initiatives arabes, palestiniennes et internationales. Aussi, six ans après avoir lancé leur initiative de paix, les leaders arabes doivent reconsidérer leur offre. Selon la loi du marché, si quelqu’un présente sa marchandise pendant longtemps et que personne ne l’achète, son prix baisse. Israël doit savoir que les Arabes ont d’autres alternatives. Ce qui ne signifie pas déclencher une guerre contre Israël. Mais l’alternative existe qui consiste à nous respecter nous-mêmes, de soutenir la résistance, de faire sentir à Israël qu’elle ne peur obtenir la sécurité sans donner leurs droits aux Arabes.
Q. Voulez-vous dire qu’il n’y a pas de solution négociée au problème palestinien ?
R. Aucun occupant ne recule de son propre gré, ils ne le font que contraints par la force. Il en découle que les négociations avec Israël sans l’appui de la force sont dépourvues de sens. On n’obtient pas leur retrait en respectant leurs valeurs. Si l’occupant avait une éthique, il n’aurait pas pris les terres des autres. Il faut les obliger à mettre fin à l’occupation. De plus, ce sont les forts qui font la paix, et non le faible avec le fort.
Q. Et cependant vous écartez l'alternative de la guerre...
R. Cette alternative n’est pas possible actuellement à cause du déséquilibre des forces entre les Arabes et Israël. Et les Arabes doivent soutenir l’alternative de la résistance. Avec l’appui économique et matériel des pays arabes, musulmans et d’autres amis de la nation (palestinienne), la résistance est capable de faire front à l’occupation et d’obliger Israël à se retirer. C’est déjà arrivé auparavant en deux occasions : dans le sud du Liban en l’an 2000 et à Gaza en 2005.
Q. Mais les Palestiniens sont embarqués dans une lutte fratricide. Comment l’expliquer ? N’est-ce-pas un obstacle à votre objectif d’un Etat indépendant ?
R. Il est certain que nous avons un problème au niveau de la direction palestinienne. Nous savons tous que la cause de cette division est l’ingérence étrangère, israélienne et américaine pour être plus précis. Il y a également des palestiniens corrompus qui tirent bénéfice de la situation. Cette division nous affaiblit en tant que palestiniens et ne nous aide pas à parvenir à l’Etat palestinien. C’est une partie du défi que nous affrontons. Nous, au Hamas, avons tenté la réconciliation en diverses occasions, mais la présidence palestinienne l’a refusée. Nous sommes parvenus à un accord récemment à Sanaa mais elle [l’Autorité Palestinienne] a immédiatement fait volte face. Les Etats-Unis et Israël empêchent d’entamer un dialogue inter palestinien. Les USA et Israël ont fixé deux alternatives à Mahmoud Abbas : ou la relation avec le Hamas, ou la relation avec eux. Le facteur externe rend difficile et retarde la solution du problème interne, mais nous continuerons à travailler pour trouver une solution à travers le dialogue. Au final, c’est le peuple palestinien qui décidera cat il sait bien qui accepte et qui refuse le dialogue, qui est souverain et indépendant et qui dépend d’Israël et des Etats-Unis.
Q. Alors vous n’avez pas eu d’opportunité pour parler avec Mahmoud Abbas pendant le sommet arabe ?
P. Il a refusé de nous rencontrer.
Q. Cependant d’autres leaders l’ont fait…
R. Ca a posé des problèmes à certains et pas à d’autres. J’ai eu des réunions avec divers chefs d’Etat et ministres des affaires étrangères.
Q. Qu’avez-vous obtenu de ces rencontres ? Avez-vous trouvé des dispositions à vous donner plus de soutien ?
R. Certains comprennent que le problème ne vient pas de nous mais de l’Autorité palestinienne et sont conscients de l’influence négative des Etats-Unis et d’Israël sur cette dernière. Beaucoup, tant sur la scène arabe qu’internationale, sont conscients qu’on ne peut ignorer le Hamas, que la politique d’isolement et de blocus contre le Hamas a échoué, et qu’on ne peut parvenir à la paix dans la région sans le Hamas.
Q. Pensez-vous que le nouveau voyage de Condoleeza Rice dans la région contribuera à débloquer la situation ?
R. Au contraire, les efforts des Etats-Unis visent à empêcher qu’il y ait accord. Rice vient pour faire pression sur les négociateurs palestiniens afin qu’ils acceptent n’importe quel accord même s’il est vide de contenu L’administration américaine n’est pas intéressée par un règlement définitif ; elle cherche seulement un succès superficiel qui la serve pour les prochaines élections. Elle est venue au moment de la tenue du sommet [arabe] pour approfondir les divisions arabes. Et aussi pour empêcher tout accord entre les Palestiniens.
Q. Les choses changeront-elles avec un nouveau président, probablement Démocrate, à la Maison Blanche ?
R. Il y a peu de différences entre les administrations américaines. Dans l’histoire du conflit arabo-israélien, il n’y a pas eu de différences significatives. Peut-être y-a-t-il eu des différences par rapport à l’Irak, mais pas par rapport au problème palestinien. Tous les présidents rivalisent dans leur soutien à Israël. La politique des Etats-Unis dans la région a échoué et va continuer à échouer. C’est ce qui s’est passé en Irak, mais aussi en Palestine et au Liban. Elle ne réussira jamais parce qu’elle n’a rien à offrir, parce qu’elle n’est ni neutre ni objective.
Q. Vous avez mentionné les trois pays qui ont des mouvements actifs de résistance aux politiques des Etats-Unis (Hamas, Hezbollah et la milice de Moqtada al Sader). Existe-il une ligne d’action concertée ?
R. Il n’y a pas de front commun. Chaque cas est différent. En Palestine comme au Liban, la résistance contre l’occupation est très claire. La situation irakienne est plus compliquée et le mouvement de résistance ne de limite pas à un seul groupe ou une seule personne. Le seul point commun est que nous ne nous soumettons pas à l’hégémonie des Etats-Unis et d’Israël. Au contraire, la résistance grandit à l’ombre de l’échec de ces deux derniers et en l’absence d’une solution politique.
Q. Les Etats-Unis vous accusent de recevoir de l’aide de l’Iran. Quel type de relations entretenez-vous avec ce pays ?
R. En tant que mouvement de résistance, nous sommes ouverts à tous. Nos relations ne sont pas limitées à l’Iran. Nous avons des relations avec les pays arabes, les pays musulmans – dont l’Iran -, les pays européens et d’autres. Nous acceptons tout appui à notre peuple. Nous ne demandons pas de l’aide pour le Hamas mais pour le peuple palestinien. En ce moment même, ce sont 18 000 fonctionnaires que le gouvernement de Salam Fayyad ne rétribue pas, et 100 000 travailleurs qui sont au chômage à cause de la politique de sanctions. Nous voulons les aider. Pour cela, nous acceptons n’importe quelle aide qui nous est offerte sans conditions.
Q. Que vous faut-il pour coexister avec Israël. Est-ce possible avec le retrait aux frontières de 1967 ?

R. Il y a un consensus national pour l’établissement d’un Etat palestinien dans les territoires de 1967, avec Jérusalem comme capitale, le droit au retour [des réfugiés] et l’élimination de toutes les colonies. Israël l’a rejeté. Le problème n’est pas la position palestinienne ou arabe mais la position israélienne. Nous acceptons un Etat dans les frontières de 1967, mais Israël le refuse, les Etats-Unis appuient ce refus et la communauté internationale reste silencieuse. De nombreux interlocuteurs étrangers nous demandent d’arrêter de lancer des missiles et de déclarer une trêve. Nous y sommes disposés car nous sommes la victime, la partie agressée dont la terre est occupée. Israël est l’agresseur et l’occupant. Si Israël cesse son agression, nous sommes disposés à proclamer une trêve mais ce doit être une trêve globale, à Gaza et en Cisjordanie, bilatérale et simultanée, et non unilatérale. Il faut lever le blocus de Gaza et ouvrir les points de passage pour qu’il y ait une situation viable pour le peuple palestinien. L’Egypte, la Russie et quelques (médiateurs) Européens ont essayé mais Israël continue à s’y opposer. Israël veut d’abord un cessez le feu palestinien et être libre de décider de ce qu’elle fera.
Q. D’accord, mais comment justifiez-vous les attentats suicide ?
R. Nous considérons que les opérations de martyre sont une réaction aux tueries israéliennes. La preuve est qu’elles n’ont pas commencé avant le massacre de la mosquée d’Abraham à Hébron en 1994. Il y a douze ans, nous avions proposé aux Israéliens de tenir les civils hors du conflit, mais ils rejetèrent notre proposition. C’est pourquoi nous considérons que toutes les actions de la résistance palestinienne, dont celles d’immolation, sont de l’auto-défense. De plus, Israël dispose d’un arsenal très moderne alors que nous ne disposons que d’un armement élémentaire. Il en résulte que le Palestinien qui ne trouve pas de meilleure arme, se fait exploser lui même contre l'ennemi.
Q. Alors ce genre d’attentats ne sera plus justifié à la fin de l’occupation ?
R. Naturellement. Mais il a une double morale. Pourquoi n’a-t-on pas la même réaction internationale quant Israël perpètre un massacre de Palestiniens ?
Q. Vous avez dit que Gilad Shalit, le soldat Israélien capturé à gaza il y a deux ans était en vie. Sa libération ne pourrait-elle pas servir de geste de bonne volonté pour débloquer la situation ?
R. Malgré le fait que Gilad Shalit a été arrêté au combat, et non comme le fait Israël avec les hommes politiques palestiniens qu’elle séquestre et tue, nous le traitons très bien parce que nous avons une éthique et des valeurs religieuses. Israël torture pourtant les 11.000 palestiniens qu'elle détient dans ses prisons. Nous sommes prêts à le libérer pour peu qu'Israël libère les prisonniers et les prisonnières que nous lui avons demandés.
Q. Combien sont-ils ?
R. Bous avons présenté une liste de 1000 personnes. La communauté internationale doit respecter l’être humain. Si Gilad Shalit est un être humain, les prisonniers et prisonnières palestiniens le sont aussi Ce qui fait obstacle à la libération de Shalit, c’est le caprice israélien, le refus d’Olmert (le premier ministre israélien Ehud Olmert) de libérer nos prisonniers. C’est pourquoi j’impute à Olmert la responsabilité la prolongation de la détention de Gilad Shalit.
Q. Israël avait tenté de vous assassiner lorsque vous résidiez en Jordanie. Aujourd’hui, après l’attentat contre Imad Moughniye, ici à Damas, ne craignez-vous pas pour votre vie ?
R. Nous ne craignons pas la mort. Nous voulons vivre dignement. Il est de notre devoir de résister à l’occupant, de défendre nos droits et de servir notre peuple pour qu’il puisse se libérer de l’occupation. Un chef est celui qui se sacrifie, pour sa cause et pour son peuple, et non l’inverse. Le peuple palestinien n’a peur de rien car sa cause est juste. Ce sont les Israéliens qui ont peur parce que l’occupant n’est jamais tranquille.

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