samedi 8 mars 2008

Est-il légal d'interdire la vente de voyages à Cuba à des Français ou des Anglais? Oui d'après George W. Bush.

Un signe de la Liste Noire, et le site web disparaît.
par ADAM LIPTAK, NY Times (USA) 4 mars 2008, traduit de l'anglais par Djazaïri

Steve Marshall est un voyagiste Britannique. Il réside en Espagne et il vend des voyages à des Européens qui veulent aller dans des endroits ensoleillés, dont Cuba. En octobre, environ 80 % de ses sites web on été bloqués par la grâce du gouvernement des Etats-Unis.
Les sites, en anglais, français et espagnol fonctionnaient depuis 1998. Certains, comme http://www.cuba-hemingway.com/ traitaient de littérature. D’autres comme http://www.cuba-havanacity.com/, parlaient de l’histoire de Cuba et de sa culture. D’autres encore - http://www.ciaocuba.com/ et http://www.bonjourcuba.com/ – étaient des sites purement commerciaux à l’intention des touristes Italiens et Français.

« J’étais venu travailler le matin, et nous n’avions absolument aucune réservation, » a expliqué par téléphone M. Marshall depuis les îles Canaries. « Nous pensions à un problème technique. »
Il s’est avéré, cependant, que les sites web de M. Marshall avaient été inscrits sur la liste noire du Département du Trésor et, en conséquence, que eNom Inc, son fournisseur américain de domaines, les avaient désactivés. Selon M. Marshall, eNom lui a expliqué avoir agi ainsi suite à un appel du Département du Trésor ; la compagnie, établie à Bellevue, Washington, dit avoir appris par un blog que les sites étaient sur la liste noire.
D’une manière ou d’une autre, il est indiscutable que eNom a fermé les sites de M. Marshall sans l’en informer et a refusé de lui céder les noms de domaine. En fait, selon M. Marshall, eNom lui a pris sa propriété et a entravé son activité commerciale. Il a lentement reconstruit son commerce par internet ces derniers mois, et désormais la plupart de ses sites fonctionnent chez un hébergeur européen avec le suffixe .net au lieu de .com. Il précise que ses serveurs n’ont jamais quitté les Bahamas.
M. Marshall dit ne pas comprendre « comment des sites web propriétés d’un ressortissant britannique agissant au travers d’une agence de voyages espagnole peut être affecté par la législation américaine. » Et le pire, dit-il, c’est qu’un juge n’est même pas nécessaire pour que le gouvernement US censure des contenus en ligne. »

En réponse à nos questions, John Rankin, porte parole du Département du Trésor, se réfère à un communiqué de presse diffusé en décembre 2004, environ trois ans avant l’intervention d’eNom. Ce communiqué indiquait que la compagnie de M. Marshall avait aidé des Américains à contourner les restrictions de voyage vers Cuba et était « une source de revenus que le régime cubain utilisait pour opprimer son peuple. » Il ajoutait que les sociétés américaines, non seulement devaient cesser de commercer avec la compagnie mais aussi geler ses avoirs, ce qui signifie que eNom a fait exactement ce que la loi exigeait d’elle.
M. Marshall dit ne pas être intéressé par les touristes Américains car «Ils ne peuvent pas aller à Cuba de toutes façons.»

Peter L. Fitzgerald, un professeur de droit de l’université de la Stetson University en Floride, qui a étudié la liste noire – que le Département du Trésor appelle liste de « nationaux visés particulièrement » - explique que sa gestion est assez mystérieuse. Selon lui, «Il n’y a en réalité ni explication ni normes pour expliquer l’inscription de quelqu’un sur cette liste.»
Susan Crawford, professeur de droit associée à Yale qui fait autorité en matière juridique pour l’internet, explique que le fait que de nombreux fournisseurs de noms de domaine soient basés aux Etats-Unis donne au Treasury’s Office of Foreign Assets Control (OFAC : bureau chargé du contrôle des avoirs étrangers), un contrôle « sur de grandes quantités de contenus – dont éventuellement aucun n’est physiquement hébergé aux Etats-Unis, ne traite des USA ou entre en conflit avec les lois américaines. »
« Apparemment, l’OFAC a le pouvoir d’ordonner la disparition de ces contenus, » déclare le professeur Crawford.

La loi sous laquelle opère le Département du Trésor connaît une exception connue sous le nom d’amendement Berman, qui vise à protéger « l’information ou les matériaux informationnels. » Les sites web de M. Marshall, en dépit de leur finalité commerciale, auraient dû en bénéficier, et on ne sait pas trop pourquoi ils figurent sur la liste noire. Contrairement aux Américains soumis à des restrictions importantes pour les voyages vers Cuba, les Européens sont libres d’aller là-bas et beaucoup le font. Selon Charles S. Sims, avocat chez Proskauer Rose à New York, le Département du Trésor est peut être allé un peu trop loin dans l’affaire Marshall.
« Les Etats-Unis peuvent certainement rendre délictueuse la dépense d’argent par des citoyens Américains à Cuba, » explique M. Sims, « mais à aucun titre ils n’ont juridiction sur des sites étrangers qui ne ciblent pas l’Amérique et qui sont légaux selon les lois de leurs pays. »

M. Rankin, le porte parole du département du Trésor déclare que M. Marshall est libre de demander un réexamen de son dossier. « Si quelqu’un veut être retiré de la liste, » ajoute M. Rankin, « il doit nous contacter pour présenter ses arguments. »
Pour le professeur Fitzgerald, c’est un système problématique. « Pour sortir de la liste, » dit-il, « il faut aller voir le même bureaucrate qui vous y a mis. »
En mars 2007, le Comité des Avocats pour les Droits Civiques (Lawyers’ Committee for Civil Rights) avait publié un rapport dérangeant sur la liste noire de l’OFAC. Son sous titre : «Comment une liste noire du terrorisme prend au piège les consommateurs ordinaires.»
Le rapport, rédigé par Shirin Sinnar, constate que 6400 noms figurent sue la liste et que, comme les listes d’interdits de vol dans les aéroports, elle est sujette à d’interminables et graves problèmes d’erreur d’identification.
Le rapport indique que « Des institutions financières, des sociétés de crédit, des œuvres caritatives, des concessionnaires automobile, des assureurs, des propriétaires et des employeurs, vérifient désormais sur la liste avant d’ouvrir un compte, de conclure une vente, de louer un appartement ou d’embaucher.»

Mais l’affaire de M. Marshall ne semble pas être liée à une erreur sur la personne. Le gouvernement avait sciemment l’intention de perturber son entreprise.
Pour le professeur Crawford, c’est scandaleux. « De nos jours, nous communiquons à travers des noms de domaines et le Département du Trésor ne devrait pas se mêler des noms de domaines exactement comme il n’intervient pas sur les réseaux de télécoms. »
Curieusement, le Département d’Etat n’a pas fermé tous les sites de M. Marshall en .com. On peut encore trouver, http://www.cuba-guantanamo.com/.

1 commentaire:

  1. Incroyable ,on aura tout vu avec ce fou de BUSH , et si c'est celà le modèle de la démocratie OCCIDENTALE ,comme tout porte à le croire compte tenu de la vassalisation de l'Europe ,on n'a pas fini de découvrir des turpitudes du mème accabit si OBAMA n'est pas élu .Et que dire de l'argument utilisé :" le pouvoir cubain se sert de ces revenus touristiques pour opprimer son peuple " ,les bras m'en tombent !!

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